Depuis vingt ans, Gad Weil crée l'événement sur les Champs-Élysées et en bien d'autres lieux... Portrait d'un «créateur d'art de la rue».

Il a fêté son demi-siècle le 12 juillet. Quelques semaines plus tôt, il avait célébré ses 20 ans sur les Champs-Élysées… Cherchez l'erreur! Pour l'état civil, Gad Weil est bien né le 12 juillet 1960. Mais, pour le public parisien, son acte de naissance remonte à l'été 1990 avec La Grande Moisson, opération événementielle inédite commanditée par le Centre national des jeunes agriculteurs. Vingt ans plus tard, les 23 et 24 mai 2010, il privatisait à nouveau les Champs-Élysées avec Nature Capitale, création végétale éphémère conçue avec la plasticienne-paysagiste Laurence Médioni, qui a transformé la célèbre avenue en espace botanique. Entre ces deux dates, Gad Weil est revenu à plusieurs reprises animer la reine des artères parisiennes avec Les Champs d'aviation en 1998 ou Train Capitale en 2003. Une odyssée de vingt ans sur le pavé élyséen qui lui a fait croiser trois maires (Jacques Chirac, Jean Tiberi, Bertrand Delanoë) et cinq préfets.

Fils de rabbin, élevé dans une famille de huit enfants, Gad Weil annonce tout de suite la couleur: «De culture juive certes, mais je suis un pur produit de l'école laïque et républicaine.» Son père, Gérard-Emmanuel Weil, est directeur de recherche au CNRS. «Tous les samedis, il fallait aller à la synagogue», se souvient le fils. Objet du culte? Prier pour la République française. Bref, une éducation qui préserve des tentations extrêmes, d'où qu'elles viennent.

Du coup, Gad s'amuse quand des amis le taquinent en l'appelant Yasser. Cela, c'est pour les jours de fête quand il porte la nappe à carreaux rouge et blanc façon keffieh pour la commémoration de l'Incroyable Pique-nique du 14 juillet 2000 – encore une de ses productions monumentales. Il s'agissait d'inviter la France à pique-niquer le 14 juillet sur le tracé de la méridienne verte pour célébrer le passage à l'an 2000.

Cet événement-là correspond peut-être plus que tout autre au personnage: festif, républicain et décentralisé. Dans la culture de Gad Weil, le spectacle vivant est également très présent. Cela commence à la fin des années 1970, aux côtes de Lev Bogdan, dans l'effervescence du festival de théâtre de Nancy pour lequel il fut l'assistant de Jack Lang. «Mon rapport à la communication est fortuit, raconte-t-il. Je suis fondamentalement lié aux arts de la rue et au spectacle vivant.»

Passerelles

À 20 ans, au sortir de l'aventure théâtrale nancéenne, il prend part à la création d'Action internationale contre la faim (AICF), aux côtés de Françoise Giroud, Jacques Attali, Susan George et quelques autres. «J'étais à pied. Ils m'ont offert une Simca 1000», se souvient-il. Aujourd'hui, il roule en Harley 1200 sport. Un vrai plaisir de routard.

Toujours est-il que cette expérience avec AICF le rapproche du milieu de la communication. La décennie 1980 est celle où des Bernard Kouchner, Rony Braumann et autre André Glucksmann établissent les passerelles entre l'engagement associatif, la sphère médiatique et la communication. Il en tirera des leçons qu'il applique à son domaine: le spectacle vivant a trouvé en lui un artisan qui associe la création en «live» et les outils de la communication publique.

Aujourd'hui, La Fonderie d'événements qu'il a construite avec Nathalie Morlot pourrait pratiquement se passer de lui. Il en reste un peu le Pygmalion et continue d'y apporter sa contribution créative. Jamais rassasié, il cultive un autre rêve: «Je monterais bien une revue ou une comédie musicale.»

«Créateur d'art de rue»: la formule s'affiche sur la page de garde de son site Internet, Gadweil.com. S'il fallait lui suggérer une autre accroche, optons pour moissonneur-bateleur. «Ça me va», concède cet artisan du spectacle, qui reste fondamentalement attaché aux valeurs humanistes et à ce que d'autres appellent le «vivre ensemble».

 

 

Gad Weil en dates

12 juillet 1960. Naissance à Strasbourg.

1985. Directeur du Centre d'action culturelle d'Angoulême.

1987. Création de Weil-Menut, qui deviendra plus tard La Fonderie d'événements.

1990. Investit pour la première fois les Champs-Élysées avec La Grande Moisson.

2010. Nature Capitale, dernière manifestation sur les Champs-Élysées à ce jour.

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