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Le marché des jeux en ligne est tiré par le succès du poker. En revanche, les niveaux de mises sur les paris sportifs sont décevants. Faute, en partie, à une communication qui n’a pas fait mouche.

Quinte flush royale pour le poker. La discipline est la plus rentable du jeune marché des jeux en ligne, officiellement légal en France depuis juin 2010. En dix mois, les Français ont misé 5,526 milliards d'euros sur les sites de poker en ligne, selon les comptes de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Il faut ajouter les droits payés par les joueurs pour rejoindre un tournoi: 683 millions d'euros.

 

Le poker est devenu le jeu favori des internautes français, loin devant les paris sportifs, en perte de vitesse, et les paris hippiques. Au premier trimestre 2011, l'Arjel a comptabilisé 2,182 milliards de mises dans le poker et 271 millions d'euros de droits d'entrée, contre 241 millions pour les paris hippiques en ligne et 147 millions pour les paris sportifs.

 

Duo gagnant au poker

Le succès des programmes de poker à la télévision a contribué à ce phénomène. Une mode qui se traduit maintenant en cash. Et on se bouscule pour se partager le gâteau. Sur les 49 licences attribuées par l'Arjel, la moitié, soit 25, concerne des opérateurs de poker en ligne. Toutefois, le magot ne se distribue pas aussi équitablement.

 

Deux sites s'imposent, Winamax et Pokerstars, qui se partagent 40% des mises. «Les principaux acteurs de ce secteur, totalement illégal avant juin 2010, ont adopté une bonne stratégie marketing sur Internet, estime Jean-François Vilotte, le président de l'Arjel. Car, il ne suffit pas d'être un spécialiste du poker.»

 

Le duo a mis les moyens pour obtenir une place de choix autour de la table de jeu. En dix mois, Winamax et Pokerstars ont investi près de 30 millions d'euros brut en publicité à eux deux, selon Yacast, soit 40% des investissements totaux du secteur. Une part de voix curieusement identique à la part de marché.

 

Le succès du poker en ligne est aussi un peu celui de la communication. Les opérateurs ont trouvé le ton adapté, celui du défi et de l'agressivité (lire page xx), pour séduire leur cible. Les habitués des sites de poker en ligne sont des jeunes hommes (91%) âgés de moins de 35 ans (68%), dont une majorité (43%) a entre 25 et 34 ans.

 

Mais tous ne sont pas égaux devant les jeux en ligne. Selon l'Arjel, 10% d'entre eux génèrent 76% des mises sur les sites de poker et de paris sportifs. Mieux: 1% génère 51% du montant total des mises. Concrètement, au poker, 5% des joueurs plument les 95% restants. La dure loi du jeu.

 

Mises en chute libre

L'appât du gain est l'un des principaux moteurs du poker. Les montants des primes potentielles font partie des éléments essentiels de communication. Un joueur très talentueux peut espérer 80 000 euros de gains mensuels. A contrario, les pertes sont aussi spectaculaires. Ainsi, un joueur de football français a perdu 250 000 euros en deux mois! Le démon du jeu inquiète d'ailleurs beaucoup les entraîneurs de Ligue 1. Ils voient désespérément leurs jeunes stars passer les nuits à jouer sur Internet. Les footballeurs, n'ont, théoriquement, pas le droit de miser sur les sites de paris sportifs. L'interdit est évidemment transgressé, mais, malgré tout, cela ne fait pas le bonheur des opérateurs, légaux, de paris sportifs. C'est même une douche froide pour eux.

 

Après un démarrage en fanfare en juin 2010, à l'occasion de la Coupe du monde de football, le montant des enjeux a fondu comme une tour de jetons sur une table de jeu: -40% entre le troisième trimestre 2010 et le premier de l'année 2011. Fin mars, les mises hebdomadaires sont même passées sous les 10 millions d'euros et le nombre de joueurs actifs est tombé à 73 000. Ils ne rempliraient pas le Stade de France.

 

«La France n'est pas un pays de parieurs ou de bookmakers et les opérateurs ont oublié de faire l'éducation du marché, affirme un professionnel du secteur. Le pari, c'est le prolongement naturel de la compétition sportive. Or, les communications ne se sont pas attachées à cet aspect.»

 

Comme pour le poker, le marché s'est rapidement partagé entre quelques acteurs. Selon des estimations, Betclic arrive en tête avec environ 40% des mises, suivi par Bwin, environ 20%. Le PMU et la Française des Jeux s'octroieraient environ 15% du gâteau chacun.

 

Le calendrier sportif, moins événementiel en ce début d'année, n'a pas aidé les opérateurs. Ces derniers réclament un assouplissement des règles. «Il est hors de question de parier sur tout et n'importe quoi, tranche Jean-François Vilotte de l'Arjel. C'est non négociable. Des sports ont failli disparaître à cause de cela. Il faut conserver une éthique sportive.»

 

Bon cheval

En revanche, l'instance de régulation est moins figée sur le taux de retour aux joueurs. La règle pourrait être assouplie pour offrir plus de gains aux parieurs. Une condition nécessaire pour éviter que ces derniers soient tentés par un site étranger illégal et plus rémunérateur. «On n'exclut pas d'ouvrir un débat sur le modèle économique», confie Jean-François Vilotte.

 

Pour les paris hippiques, le PMU a conservé sa suprématie avec près de 1 milliard d'euros d'enjeux en 2010. Seuls 20% des paris seraient réalisés auprès d'autres acteurs Internet.

L'activité des jeux en ligne, qui ne devrait pas s'ouvrir vers d'autres jeux de casino, est également très active dans d'autres disciplines.

 

L'un des leaders du secteur, Mediastay, qui gère notamment Bananalotto et Kingolotto, aurait réalisé un chiffre d'affaires de 17 millions d'euros en 2010 avec ses différents sites européens. L'entreprise génère ses revenus principalement grâce à la vente de bases de données de ses joueurs.

 

En janvier dernier, Mediastay a été accrédité par Facebook pour fournir des solutions publicitaires aux annonceurs souhaitant toucher les 500 millions d'utilisateurs du réseau social mondial. Le terrain attire les entrepreneurs: le français Adictiz tente avec ses jeux, comme Paf le chien, de faire aussi bien que les leaders mondiaux que sont Cityville ou Farmville. Ceux-ci réunissent plusieurs dizaines de millions de joueurs (lire page xx).

 

Internet apparaît aussi comme un support de choix pour les jeux télévisés. Les émissions ont trouvé avec la Toile un média idéal pour prolonger la relation avec les joueurs (lire page xx). Selon Bruno Patino, directeur général délégué au développement numérique chez France Télévisions, «la plupart des pages vues du portail France Télévisions sont pour les jeux dérivés de l'antenne». L'objectif est de communiquer autour de la marque-programme. Il y en a donc pour tous les joueurs sur Internet.

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