Dossier Medias
Ordinateurs portables, smartphones et désormais tablettes : les élites européennes sont de plus en plus connectées lors de leurs déplacements. Une révolution qui n’est pas sans conséquence pour les médias internationaux, qui parviennent ainsi à élargir leur audience et à toucher de nouveaux annonceurs.

Qu'ils s'appellent CNN, Euronews, The Economist ou International Herald Tribune, jamais les médias internationaux ne sont restés aussi facilement en contact avec leur public, à commencer par les hauts cadres européens. Entre deux avions, dans un taxi ou même en vacances, ces derniers restent connectés en permanence et multiplient ainsi les contacts avec ces médias indispensables à leur quotidien.

 

Dix-sept pour cent d'entre eux possèdent un smartphone, 5,9 % une tablette, selon la dernière livraison de l'étude EMS, qui porte sur vingt pays européens. Un taux d'équipement sans surprise supérieur à la moyenne. « Un lecteur de The Economist sur trois possède une liseuse ou une tablette », chiffre Myriam Vergne, directrice commerciale Europe de l'hebdomadaire britannique.

 

Rien de surprenant donc que les médias internationaux multiplient les déclinaisons mobiles depuis presque un an. Objectif: être présent sur tous les supports afin de pouvoir toucher les décideurs européens tout au long de la journée. « La position physique d'une personne est déterminante dans sa manière de consommer l'information. Quelqu'un qui se trouve debout dans les transports en commun le matin n'aura pas les mêmes envies qu'une autre personne confortablement installée sur son canapé le soir. À nous de proposer des choses différentes pour satisfaire l'ensemble de ces besoins », explique Michael Peters, directeur général d'Euronews.

 

Site Internet, applications mobiles, possibilité de regarder la chaîne en direct sur son téléphone portable en trois langues, et maintenant télévision connectée : la chaîne européenne part à l'assaut de tous les écrans, de toutes les plates-formes, faisant varier les offres au gré des usages. «Comme d'autres, Euronews sort d'une stratégie de niche pour imposer sa marque dans tous les univers de consommation possibles», s'enthousiasme Michael Peters. « Nous devons être partout où notre audience est», résume Rob Grimshaw, directeur général de FT.com, la division numérique du Financial Times.

 

Cette stratégie a également pour effet d'élargir considérablement l'audience traditionnelle de ces médias. Selon l'étude EMS, réalisée par l'institut Synovate, grâce au Web et au mobile, la chaîne BBC World News augmente de 58 % son audience auprès des décideurs européens, à plus de 19,4 millions de personnes. De la même façon, CNN progresse de 30 %, Euronews de 20 % et ce n'est rien comparé aux journaux et magazines, dont l'audience fait plus que tripler grâce au numérique.

 

Pour autant, pas question de parler de cannibalisation, martèlent les dirigeants de ces médias internationaux. « Quatre-vingts pour cent des “abonnés digitaux” de The Economist ne viennent pas du papier. Ils ont un profil similaire à celui de nos abonnés traditionnels, mais ce sont des individus différents, que nous ne touchions pas jusqu'à présent », estime Myriam Vergne. Pour limiter les risques, le magazine a choisi de proposer des tarifs d'abonnement très proches quel que soit le support : 128 euros par an pour la version papier, 125 euros pour l'abonnement digital. « On ne veut pas se tirer une balle dans le pied », justifie la directrice commerciale.

 

À chaque média sa stratégie, avec pour chacun d'eux des résultats prometteurs. Entre des revenus publicitaires en progression et des lecteurs qui acceptent de plus en plus de payer pour lire du contenu de qualité, la part des revenus issus du digital gagne du terrain. Aujourd'hui, le numérique représente 15 % des recettes de CNN international, 27 % de celles du Financial Times et même 40 % pour le Wall Street Journal Europe, qui a très tôt mis en place un site Internet semi-payant.

 

« Il y a trois ans, le Wall Street Journal a choisi un système intelligent, qui ne bloque pas les lecteurs après un certain nombre d'articles gratuits par mois, ce qui, en cas d'actualité riche, serait très pénalisant pour les annonceurs », souligne Andrew Langhoff, directeur général Europe du quotidien. Chaque jour, gratuit et payant se mêlent sur la page d'accueil du site, en fonction du caractère exclusif ou non des informations. L'ensemble du contenu est accessible aux quelque 200 000 abonnés sur mobile, tablette et liseuse que revendique le Wall Street Journal. À cela s'ajoute plus d'un million de personnes qui reçoivent la version numérique du quotidien sur ordinateur.

 

Ce choix fait pourtant figure d'exception dans le paysage de la presse internationale. Beaucoup de titres ont en effet opté pour un mur payant classique, dit « pay wall » en anglais, généralement fixé à dix articles gratuits par mois. C'est l'option qu'a retenue l'International Herald Tribune, propriété du New York Times, qui après Internet en mars 2011 introduira ce système au sein de son application pour mobile et tablette en septembre.

 

Même principe pour le Financial Times, qui compte actuellement plus de 230 000 abonnés numériques, en hausse de 34 % au premier semestre 2011. Un chiffre porté par le lancement en juin d'une nouvelle application mobile, une « Web app », qui ne nécessite pas de passer par l'App store d'Apple et qui économise donc à l'éditeur les 30 % de commission que prélève la firme à la pomme. Actuellement, 20 % du trafic du FT.com sont réalisés en mobilité.

 

Pour les chaînes de télévision, c'est un peu différent : pas de mur payant mais des sites Internet au contenu entièrement gratuit. Que l'on s'appelle CNN ou TV5, pas question en revanche de proposer en ligne le flux de la chaîne en accès libre et gratuit. « Certains opérateurs du câble et du satellite paient pour nous avoir dans leur bouquet. Il ne faut donc pas que nous les concurrencions en proposant la même offre gratuitement sur Internet, même de façon délinéarisée », explique Marie-Christine Saragosse, directrice générale de TV5 Monde.

 

D'où le développement, à côté des sites et applications mobiles gratuits, de services payants, comme des offres de vidéo à la demande. À l'automne, TV5 regroupera l'ensemble de ses produits vidéo au sein d'une même plate-forme, TV5 Monde+. Fin juillet, la BBC a quant à elle ouvert son application Iplayer, riche de plus de 1 500 heures de programme, aux utilisateurs européens moyennant un abonnement mensuel de 6,99 euros. BBC World News propose également à ses abonnés une application Iphone qui leur permet de visionner la chaîne en direct où qu'ils soient. Seules exceptions dans ce paysage, Euronews et France 24, qui offrent un visionnage gratuit de l'antenne sur ordinateur, mobile et tablette.

 

Du point de vue publicitaire, de nouvelles perspectives s'ouvrent aujourd'hui pour les médias internationaux grâce à ces nouvelles plates-formes de diffusion. « Internet permet aux chaînes de télévision de récupérer les annonceurs du luxe qui privilégiaient jusque-là la presse écrite », estime Olivier de Montchenu, directeur général d'Euronews Sales. « Le luxe comme l'industrie du voyage étaient peu présents jusque-là sur le Web, mais ces secteurs viennent aujourd'hui sur le digital grâce à la qualité de l'offre des tablettes », renchérit Myriam Vergne.

 

Ce que les annonceurs viennent aujourd'hui chercher sur ces nouveaux supports, c'est de l'image de marque et moins de la performance, qui reste l'apanage de la publicité en ligne traditionnelle. « Plus qu'Internet, les applications digitales permettent aux marques de faire du branding », estime Stephen Dunbar-Johnson, éditeur de l'International Herald Tribune.
Une vidéo en haute définition, des publicités enrichies grâce à la création d'applications dédiées et pourquoi pas la nouvelle montre haut de gamme que l'on fait tourner entre ses doigts: les tablettes offrent une seconde jeunesse à la publicité sur Internet.

 

« Aujourd'hui, on fait du sur-mesure et le digital permet d'étendre encore la présence de l'annonceur », analyse Sylvain Roger, directeur commercial pour l'Europe continentale de CNN International.

 

Avec Internet déjà, et le ciblage géographique des internautes qu'il permet, les médias internationaux ont investi le marché de la publicité nationale. « En plus d'amplifier leur audience, Internet a changé le rôle des médias internationaux en leur permettant de cibler plus précisément les marchés grâce à la géolocalisation », estime Jorge Irizar, directeur d'Havas Media International. Avec les smartphones et les tablettes, les perspectives ne sont que plus grandes, tant du point de vue de l'audience que de la publicité. Il s'agit là d'un marché émergent, qui ne demande qu'à se développer.

 

 

L'audience des médias internationaux auprès des dirigeants européens

 

Télévision

Audience mensuelle cross-média

(TV, Web et mobile - en milliers)

dont TV

(en milliers)

Pénétration (en %)
Eurosport 24 763
21 146
52,7
BBC World News
19 467
12 314
41,4
CNN 18 814
14 463
40,0
Sky News
14 990
12 063
31,9
Euronews 14 081
11 652
29,9
TV5 Monde
5 167
4 058
11,0
France 24
4 505
2 982
9,6
       
Presse
Audience mensuelle cross-média

(print, Web et mobile - en milliers)

dont print (moyenne par numéro - en milliers)
Pénétration (en %)
Financial Times
4 890
910 10,4
Time 4 455
1 696
9,5
Newsweek 3 943
998 8,4
The Economist
3 764
1 254
8,0
International Herald Tribune
3 541
245 7,5
Forbes Magazine
2 378
677 5,1
Wall Street Journal Europe
2 187
317 4,7
Source: EMS/CEMS été 2011.
Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.