création
Si l'argument technologique domine toujours le discours publicitaire des marques automobiles, le conducteur revient au centre des campagnes autour des thèmes récurrents mais revisités du confort, de la sécurité et du prix.

Si certaines agences constatent une tendance à la restriction budgétaire de la part de leurs clients, globalement la communication reste une priorité des constructeurs pour soutenir un marché de l'automobile singulièrement atone. Leurs investissements médias ont ainsi crû de 11% sur les six premiers mois de l'année (voir p.38).

Cependant, les territoires d'expression demeurent relativement classiques, selon l'observatoire plurimédia annuel Kantar Media Ad Intelligence, qui relève quatre thématiques majeures: «l'auto technologique», qui s'appuie sur l'innovation, «l'auto électronique», autour de l'assistance au conducteur, «l'auto économique», qui vise à rationaliser l'achat, et «l'auto ego», qui reste un objet de différenciation.

Au sein de ces grands axes, on note de nouvelles façons de les exprimer et des tendances de société qui s'affirment, comme l'écologie et la connectivité des voitures au monde. Quant à la réflexion des constructeurs sur la mobilité, elle commence à peine à se concrétiser dans le discours publicitaire. Mais déjà, la contre-tendance est là, replaçant le conducteur au centre, et lui offrant des sensations au milieu de toute cette intelligence artificielle...

 

Auto techno

Territoire d'expression majeur, «l'innovation technologique cannibalise la création du secteur», reconnaît Clarisse Lacarrau, planneur stratégique chez BETC 4D qui regarde de l'autre côté de l'Atlantique et sur Internet pour y dénicher les publicités les plus créatives. Pour la nouvelle hybride 4 de Peugeot, son agence va proposer en ligne un jeu sous forme de bande dessinée interactive. Le héros pourra accéder à plusieurs modes d'action, à l'image du conducteur, qui aura le choix de conduire en mode diesel ou électrique. La marque au lion a déjà sorti un film publicitaire mettant en avant cette alliance des technologies de façon très allégorique. On y voit courir, côte à côte, une femme habillée de blanc, personnification du mode électrique, et un homme vêtu de noir, symbolisant le diesel, tout deux se transformant au final en Peugeot 3008 Hybrid4.

La fascination pour la technologie trouve aussi de nouveaux imaginaires par l'esthétisation de la mécanique. Ainsi, dans un spot d'Audi, de toutes petites pièces de moteur forment un ballet. Dans un autre registre, le dernier film du constructeur allemand, «Millimètre», signé Fred & Farid, participe de cette tendance. Nissan et son agence TBWA G1 se sont amusés à donner à des pièces détachées des formes animales dans une campagne d'image diffusée dans la presse internationale. Quant à Opel, il use d'un procédé plus stylisé, les phares du véhicule projettant l'ombre d'un cerf sur toute la hauteur d'une annonce presse. Peugeot, BMW et Honda ont eux choisi de traduire l'esprit de recherche et la dimension de progrès, avec une image d'ampoule électrique, symbole de l'«idée».

Mais un des thèmes majeurs de plus en plus utilisés sur le thème de l'innovation technologique est l'écologie. Cette tendance lourde, qui a fait déraper les constructeurs sur le terrain du greenwashing, est désormais mieux maîtrisée. Les arguments se concentrent sur des faits concrets et technologiques: moteurs hybrides, émissions de CO2 ou encore économies d'essence associées. On se permet même des jeux de mots sur le sujet: «La petite qui en jette un tout petit peu», signe Citroën, parlant des émissions carbone, ou encore «l'émission accomplie» par BMW. Quant à Renault, la marque confirme sa stratégie tournée vers le tout-électrique, avec le lancement cette année de Twizy, soutenu par un spot publicitaire aux tendances futuristes, où les pas des danseurs d'une boîte de nuit animée par Cathy et David Guetta alimentent des Twizy. Zoé, premier véhicule grand public tout-électrique suivra en octobre.


Auto électro

La tendance électronique est une concrétisation de l'innovation, appliquée à la sécurité et au confort. «Les traitements s'éloignent des représentations habituelles du secteur (sur la voiture elle-même ou l'expérience de conduite) pour mettre en valeur l'utilité quotidienne de l'innovation», analyse Françoise Hernaez Fourrier, directrice du planning stratégique de Kantar Media Ad Intelligence.

L'électronique confère à la voiture des capacités humaines, palliant les limites ou erreurs du conducteur. Ainsi, Citroën a diffusé un film humoristique, conçu par Euro RSCG Bruxelles, sur la fonction de détection de l'angle mort, où un surfeur échappe in extremis aux morsures d'un requin avant de se faire finalement assommer sur la plage... par une balle de golf perdue. Le spot TV de Volkswagen, «Le Hérisson» (agence V), sorti cette année, met en avant la régulation automatique des feux (Dynamic light assist), une fonctionnalité qui, grâce à une caméra intégrée, permet de détecter un objet et ainsi de dévier le faisceau lumineux. La Sharan (toujours VW) est, quant à elle, présentée comme une voiture magique capable de réaliser des créneaux seule. Pour promouvoir cette même technologie, Ford et Ogilvy & Mather Paris ont organisé un jeu de flipper géant dans une rue de Paris, où le pire créneau était récompensé par une Ford Focus équipée de ce système d'aide au stationnement «park assist».

Citroën continue de nourrir son positionnement «creative technologie», en s'apprêtant à sortir un film sur un nouveau système de détection de la voiture quand celle-ci est accidentée (agence H). Renault s'engouffre aussi dans la tendance de la voiture connectée avec la technologie Air-Link, qui reliera en permanence ses modèles au Web l'an prochain via une tablette tactile embarquée. «Les allemandes Mercedes, BMW et VW occupent le terrain sur le sujet depuis deux ans. Elles sont suivies également par Peugeot et Honda», résume Françoise Hernaez Fourrier.


Auto éco

Les arguments électroniques, qui tiennent plus de l'argument coup de cœur, peuvent aussi parfois nourrir le discours de rationalisation de l'achat d'un véhicule, autre tendance lourde de la communication du secteur. Ainsi, les marques ne font plus de «remises» mais parlent «d'avantages client», avec des modèles entièrement équipés et vendus sans supplément. Une façon élégante d'évacuer les phénomènes de prime à la casse et autres rabais qui ont déprécié les modèles depuis 2008.

Mais la nouvelle façon de s'adresser au client rationnel est de lui offrir un «pack» tout compris (voiture, assurance et entretien), soit une offre de location longue durée, façon «Peugeot and Go» qui se résume à un loyer mensuel. Toyota tente de faire passer ce concept, qui s'affranchit de l'esprit de propriété, dans un spot où un homme perd ses cheveux à mesure qu'il fait ses comptes et découvre l'ampleur des dépenses liées à l'achat de sa voiture (Saatchi & Saatchi Duke). Renault, avec son Dacia Lodgy «low cost», pousse le côté rationnel jusqu'à tourner en ridicule les amateurs de belles sportives: «Pourquoi dépenser plus pour avoir moins d'espace?»

Citroën, qui a choisi la stratégie de montée en gamme, a néanmoins signé un film misant entièrement sur le côté économique de la technologie e-HDI, avec le film «Paris-Rome» de l'agence H. «L'automobile, comme objet de désir, objet sacré, est derrière nous. Aujourd'hui, les gens regardent ce qu'ils peuvent avoir avec leur budget», note Anne-Cécile Tauleigne, directrice de la création pour Toyota chez Saatchi & Saatchi, pour expliquer cette tendance très actuelle. Alban Callet, directeur général de l'agence V, va même jusqu'à affirmer pour son client Volkswagen que «le côté souriant et décalé des films publicitaires définissent la marque. C'est ce que retiennent les gens, car c'est le moment le plus proche d'eux. On ne sacralise pas l'automobile». Un des derniers spots en question met en scène la bonne copine qui, poussée par la générosité des «instants généreux» de la marque, va jusqu'à offrir son petit copain à son amie délaissée.

Citroën se rapproche à sa manière du quotidien des consommateurs, de façon tout à fait inédite, avec deux spots sur Multicity, son site Internet qui propose un service de covoiturage et de location entre particuliers.

Un autre argument en plein essor: le «made in France». Toyota, avec sa Yaris de Valenciennes, et Renault, avec sa Laguna normande traversant le pont de Normandie, ont joué sur l'esprit citoyen des Français et l'achat responsable, au moment très opportun des élections. Habilement, Renault et Publicis Conseil se servent également de l'argument comme d'une marque de qualité vis-à-vis de l'étranger avec la signature, «Imported from France».

Il faut dire que la rationalisation de l'achat automobile a tendance à diriger les clients soit vers les véhicules les moins chers, soit vers des valeurs sûres. Or les allemandes bénéficient d'une cote de fiabilité défiant encore toute concurrence, notamment française. Opel a exploité cette réputation, avec ses désormais célèbres spots en allemand (McCann). Renault ne lui a pas abandonné le terrain, avec une réponse sur le même ton humoristique en franco-allemand. Si le directeur de la création de Renault, chez Publicis Conseil, Olivier Altmann, parle «d'un coup», il a en tout cas marqué, comme en atteste le prix du public du meilleur film publicitaire de la catégorie auto, au Grand Prix Stratégies.

 

Auto ego

Ce ton léger, impertinent et humoristique pour vendre des voitures premium est nouveau. «En France, on ne dit pas qu'on est fier de sa grosse voiture», assure Clarisse Lacarrau, de BETC 4D, estimant que la création répond encore à un cadre très local. «Le statut social s'affirme plus par la technologie embarquée ou le moteur hybride qu'en exhibant une voiture ostentatoire», confirme Olivier Altmann. Ainsi, par son hybride DS5, Citroën invective: «Changez d'époque!» sur un morceau de hard rock, joué par un orchestre philarmonique. Le désir et le plaisir restent des arguments de ce segment premium, mais sur des modes d'expression plus légers, sans se prendre au sérieux. Par exemple, pour le Tiguan, Volskwagen affirme: «Vous voulez, vous pouvez !», mais le conducteur reste au stade du rêve d'aventure.

La customisation est aussi un argument pour les quelques marques qui préemptent le territoire d'objet mode, ludique: la Mini de Volskwagen, la 500 de Fiat qui décline tous les styles et couleurs possibles sur un pot de yaourt (Leo Burnett Paris), et la DS4 de Citroën «Just mat», «Vous pouvez briller autrement». S'adressant surtout à un public jeune et urbain, ces petites voitures chères sont rejointes sur ce territoire d'expression par la campagne de la Peugeot 107 très colorée, festive et féminine, ainsi que par la Ford Fiesta, pixellisée sur les trois quarts du spot sous forme d'écrans vidéo et sur fond de musique électro. Ici, la voiture est un objet de désir avant tout.

Dans la moyenne gamme, Peugeot a choisi aussi de parler à l'ego, pour promouvoir sa nouvelle 208, dans un spot «anti-électro» signé «Let your body drive». La promesse porte sur les sensations du conducteur et non sur le statut social. C'est toute la personnalité du propriétaire qui gagne en assurance grâce à cette expérience. Ce thème, bien reçu des jeunes, fera prochainement l'objet d'un deuxième film. Toyota promet également un retour au contrôle personnel, avec un spot sur son coupé GT86, visible uniquement sur le Web (vitesse oblige), avec bande-annonce au cinéma.

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