Face à la concurrence des offres éditoriales, les magazines féminins, luxe, mode et beauté déploient leur savoir-faire auprès des marques du secteur.

Vogue, L'Officiel, Numéro, Elle, Madame Figaro, Air France Madame... Pour les annonceurs du luxe, ces titres haut de gamme sont incontournables. Tout comme, pour certaines niches, Montres magazine, Dream (joaillerie), Mer et bateaux (super-yachts) du groupe Montaigne Publications. Ou, de plus en plus, la nouvelle formule du Monde magazine. La presse féminine est également un écrin pour l'univers de la mode, du parfum, de l'horlogerie et de la joaillerie: Marie-Claire, Grazia, Gala, Jalouse, Glamour, etc. Pour la cible hommes, le mensuel GQ (Condé Nast) est le leader, avec 95 817 exemplaires payés en France en 2011, suivi de Vogue Hommes international (37 170 ex) et L'Optimum (35 851 ex) des Éditions Jalou, qui ont récemment embauché l'artiste et roi de la nuit André (le Baron, le Montana) comme directeur artistique du trimestriel L'Officel Hommes.

 

Une famille plutôt réduite qui défend son influence face aux suppléments lifestyle des quotidiens et newsmagazine. «L'Officiel a fêté ses 91 ans, Vogue ses 90, Elle a 60 ans. Dans la presse luxe existent une tradition, un savoir-faire, une compétence dans le stylisme qui s'acquièrent uniquement avec le temps», soutient Olivier Jungers, directeur général des éditions Jalou. «Vogue n'est pas là pour rendre compte des tendances de la mode, mais bien pour les lancer, renchérit Delphine Royant, éditrice de Vogue Paris (123 785 ex. en diffusion France payée 2011-2012). Nous sommes un acteur influent de cet univers. Plus qu'un magazine, Vogue est une marque média et hors média. Nous offrons créativité, appétence et hypercomplicité aux acteurs du luxe». Pour François-Jean Daehn, éditeur de Montaigne Publications, «le luxe, c'est avant tout une culture et des savoirs».

Pour conserver leurs liens privilégiés avec les annonceurs, tous les titres féminins haut de gamme multiplient les initiatives et les opérations spéciales, le fameux «never done before» (jamais fait avant) réclamé par les marques.


«La maquette de Elle (382 761 ex. payés en France en 2011-2012) a été refaite cette année. Et nous lançons Elle Decolab, un hors-série sur le design haut de gamme. Nous sommes aussi très vigilants sur les écrins rédactionnels», explique Valérie Blondeau, directrice de la communication de Lagardère Publicité. La régie de Elle a également créé une double page isolée, et valorise l'espace vendu en face de la séquence Elle, info, hebdo. Idem chez Grazia (188 003 ex. en DFP 2011-2012) qui a imprimé sa patte tout en séduisant les marques, et fait désormais courir son sommaire sur deux pages pour pouvoir leur offrir deux emplacements préférentiels.

 

Pour Air France Madame, Lagardère Publicité a réalisé un supplément pour la Biennale des antiquaires dans lequel figurait un encart dépliant de 8 pages pour Chanel Joaillerie.
Pour Swaroski Éléments, marque haut de gamme du joaillier, la régie de Lagardère a associé la marque avec son événement «Elle aime la mode»: création d'un mini-site cobrandé, publication de deux publirédactionnels s'inspirant de la maquette de Elle, soutien de la marque aux Nouveaux talents de la mode, campagne de publicité.


Olivier Jungers rappelle que, dès 2001, L'Officiel (65 334 ex. en DFP 2011-2012) avait expérimenté un hologramme plat sur sa couverture. «Nous avons recommencé en mars dernier pour le mascara Diorshow new look, en y ajoutant un échantillon. Ça apporte une visibilité énorme», estime le directeur général de Jalou.


Chez GMC Creative, la régie de Marie-Claire (430 750 ex. en DFP 2011-2012), on développe également des dispositifs ad hoc. «En janvier 2012, nous avons offert un agenda Yves Saint Laurent en plus-produit de couverture», raconte Jean-Paul Lubot, directeur général délégué. Pour Aquasource nuit de Biotherm, la régie a réalisé un encart quatre volets avec une vraie bulle d'eau encapsulée.

 

Vogue n'est pas en reste. Lors de la Vogue fashion night out le 6 septembre dernier, le magazine a multiplié les événements avec 135 «maisons» de mode. Des séries limitées de produits Chanel, Dior, Lanvin ont été édités à cette occasion. Pour Woolmark, le titre de Condé Nast a réalisé dans son numéro de septembre un encart de 16 pages avec la chambre syndicale de la haute couture, mettant en scène les créations en laine de dix designers. Pour le parfum Manifesto d'Yves Saint Laurent, c'est un journal grand format quatre pages, Vogue News, qui a été collé à l'intérieur du numéro d'octobre.

 

Madame Figaro (453 694 ex. en DFP 2011-2012) a imaginé de faire gagner une soirée privée à vingt lectrices, avec maquillage et personal shopper, plus 500 euros en bons d'achat avec les marques Maje et Bobby Brown. Pour Stéphanie Jolivot, éditrice du pôle Madame du Figaro, «éditeurs et annonceurs sont à la croisée des chemins. Les marques doivent éditorialiser leurs contenus en amont, avec leur agence médias et publicitaire, dit-elle. Il faut faire du “luxetelling”, scénariser le contenu par média et par device [support technologique]».

 

Une scénarisation qui passe de plus en plus par le digital

 

A cet égard, Madame Figaro vient de lancer une appli gratuite, Iphone fashion météo, qui propose chaque jour une silhouette mode en accord avec le climat. Stéphanie Jolivot parle de «label d'influence» pour Madame Figaro et ses déclinaisons digitales. «Nous voulons créer un écosystème transgénérationnel, avec Madame Figaro, le cahier 16 pages Madfor dans le Madame mini [Madame Figaro, diffusée en pack le week-end avec Le Figaro, a depuis 2011 une existence propre en kiosque sous le format pocket (20 000 ex) et touche une cible plus jeune] et l'I-Mad, notre mensuel numérique gratuit pour tablettes», précise cette ancienne publicitaire.

 

De son côté, Vogue a relancé son site Web en février dernier. «Les formats IAB ont rigidifié les sites. Nous sommes repartis de zéro pour apporter de l'émotion. Il faut que les publicités, sublimées dans les magazines papier, aient le même rendu sur le Net», estime Sarah Herz, directrice des activités digitales de Condé Nast. Sur Twitter, Vogue a lancé la «story of one million», la célébration du millionième abonné Twitter.

 

«Nous étudions tous les nouveaux supports: le Kindle Fire d'Amazon, le futur Ipad mini d'Apple, Pinterest... Et on pourrait innover encore plus avec les marques, si les hiérarchies des annonceurs étaient moins rigides», affirme Sarah Herz. Condé Nast ne vend pas ses publicités Internet au clic, mais au forfait: «Nous commercialisons des emplacements premium pour 20 000, 50 000 ou 80 000 euros avec un engagement sur la diffusion», détaille Delphine Royant.

 

Chez Jalou, on prépare des initiatives sur les smartphones et tablettes, «là où il faudra exister», confie Olivier Jungers. L'Officiel a par ailleurs fait réaliser un numéro par des blogueuses.


Côté pure players, Auféminin (11,6 millions de visiteurs uniques) s'impose par sa puissance. La régie commercialise Collection Media luxe, une offre de plusieurs sites comme Joyce, Buy Buy, Prestigium et My Prestigium. «Notre offre propose un profil d'audience CSP+ et CSP++ (33 % contre 14 % en moyenne sur le Web)», affirme Hélène Mengus, directrice du développement d'Auféminin. L'opération spéciale la plus aboutie a été réalisé chez Aufeminin pour Longchamp et OMG Fuse avec la websérie Heels. Inspirée du film Le Diable s'habille en Prada, la série était internationale et multisupport, et intégrait du placement de produits. Le groupe a aussi réalisé l'opération «Brand your search» avec L'Oréal, une offre commerciale s'appuyant sur l'expertise SEO d'Auféminin.

 

Des efforts qui n'ont néanmoins pas suffi à attirer les annonceurs de «l'hyperluxe» selon la nomenclature de Kantar Media: «Dans cette catégorie, seul Dior a annoncé, le reste étant des marques premium comme L'Oréal, Gemey Maybelline ou Biotherm», observe Françoise Hernaez Fourrier, directrice du planning stratégique.

 

(encadré 1)

 

Le luxe gagne les tablettes

Dans l'univers numérique, on trouve également le Mondain, bimestriel gratuit sur tablettes, disponible sur l'app store d'Apple et Google Play. Son éditeur, Bruno Hameurt, revendique 30 000 chargements par numéro et fait appel à Paul Belmondo pour les essais de voitures et Eric Naulleau pour les interviews culturelles. La régie est assurée par Hi Media et a déjà convaincu Audi, Mumm et Ranger Rover.

 

(encadré 2)

 

Des titres qui s'exportent

Les magazines luxe accompagnent l'expansion de leurs clients dans les pays émergents en éditant des versions dans les langues locales. «Nous sommes présents dans 30 pays. Nous avons été les premiers en Russie il y a dix-sept ans et en Inde il y a dix ans», affiche Olivier Jungers, chez Jalou. «Nous sommes le seul groupe français à dimension internationale, présent dans 35 pays», renchérit Jean-Paul Lubot chez Marie-Claire, qui rappelle que Lagardère a cédé 90 magazines dans le monde. Vogue, également présent à l'international, ne néglige pas la clientèle étrangère en France: Vogue Traveling France, tiré à 10 000 exemplaires et rédigé en mandarin, cible les touristes chinois.

 

Les supports leaders de haut de gamme

(en investissements bruts du secteur luxe* selon Kantar Media)
              
Janvier-août 2012  en milliers d'euros

 

Elle         18 225
Madame Figaro          16 938
Vogue           7 578  
Grazia          7 342  
Marie Claire          6 897  
Gala             4 390  
GQ               3 555  
Numéro           3 253  
Officielle Couture          2 552  
Cosmopolitan             2 539  
Air France Madame          2 504  
Glamour          2 323  
Air France magazine          2 078  
Be               1 602  
Biba             1 019  


 

* la nomenclature luxe de Kantar Media comprend les marques de haute couture (mode, parfums, cosmétiques), automobiles de luxe, champagne, horlogerie-joaillerie.

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