Entre les agences de communication qui intègrent le digital et les pure players qui revendiquent leur expertise technologique et leur capacité à remonter sur la stratégie et le conseil, le paysage reste ouvert, alors que la nouvelle révolution numérique annonce un monde résolument connecté

Signe des temps et force des symboles. En 2012, la dernière grande agence digitale indépendante, l’anglo-américaine AKQA, cédait aux sirènes de WPP, le premier groupe mondial de communication. Un rachat annoncé le 20 juin, à Cannes, lors du Festival international de la créativité (ancien festival de la publicité, rebaptisé en 2011).

Pour acquérir cette pépite de plus de mille salariés, comptant parmi ses clients Nike, Google, Unilever, Microsoft XBox... Martin Sorrell, président de WPP, aurait déboursé 540 millions de dollars (plus de 448 millions d’euros). Une somme considérable équivalente à 2,4 fois les revenus d’AKQA (230 millions de dollars estimés pour 2012). Ce qui fait de cette opération la plus grosse acquisition du secteur depuis le rachat du réseau «pure player» Razorfish par le groupe Publicis en 2009, pour 530 millions de dollars (424 millions d’euros).

On notera aussi - autre signe d’un marché du digital toujours mouvant - qu’au moment où le réseau AKQA décidait d’investir la France, en ouvrant en février 2012 son premier bureau à Paris, son concurrent Razorfish perdait, lui, Duke et, par là même, toute représentation sur le sol français, après la décision de Maurice Lévy, président du groupe Publicis, de transférer l’agence interactive française - propriété de Razorfish depuis 2007 - chez la publicitaire Saatchi & Saatchi dans le but de redonner une perspective à ces deux enseignes en mal de projet.

Stephan Beringer, président de Digitas et Razorfish International (groupe Publicis), indiquait alors à Stratégies que «Razorfish est un réseau international à l’excellence reconnue et dont les forces vives sont la technologie, l’e-commerce et l’innovation» et qu’il souhaitait «maintenir en France l’enseigne Razorfish» et conduisait une réflexion en ce sens.

Une situation qui met en exergue la coexistence de deux modèles: pure player et agences intégrées. A partir d’une réalité incontestable: les grands groupes de communication ont mis la main sur les réseaux pure player indépendants et internationaux. Pour mémoire, RGA appartient à Interpublic. D’ailleurs, au moment du rachat d’AKQA, Antoine Pabst, président de Nurun France et Europe soulignait qu’il ne restait plus désormais que «deux réseaux indépendants, Fullsix en Europe et Nurun, propriété du groupe média Quebecor, qui n’est pas un groupe de communication».

L’avenir dira si le compte reste bon car, si le groupe Fullsix n’est toujours pas vendu, ce n’est pas faute d’avoir été mise en vente. L’été dernier, le fonds d’investissement Cognetas, son principal actionnaire, aurait confié à la banque d’affaires Lazard un mandat en ce sens. Et des rumeurs relayées sur Twitter, courant septembre, par Mathieu Morgensztern, CEO de Digitas (groupe Publicis) donnaient comme imminent le rachat par Havas - aussitôt démenti par son PDG David Jones - de l’enseigne bâtie et présidée par Marco Tinelli. Pour certains observateurs, la vente de Fullsix devient difficile en raison de son ticket d’entrée élevé.

Pour autant, si le rachat de ces réseaux d’agences numériques par les groupes de communication mondiaux marque la fin de leur indépendance capitalistique, ces acquisitions valident en revanche le modèle pure player. «La croissance aujourd’hui est dans les agences numériques, pas dans les agences de publicité. Il est donc fondamental pour les groupes de
communication de les acquérir pour accelerer la transition»
, souligne Thomas
Jorion, analyste financier secteur medias au Crédit Agricole Chevreux.. Le digital a ainsi représenté 33% de son chiffre d’affaires au premier trimestre 2012, indique Publicis, et 30% pour WPP (un pourcentage qui montera à 31% avec AKQA)

En parallèle de ces acquisitions, les groupes ont l’ardente obligation de digitaliser leurs agences historiques. Pour des raisons évidentes de métier - la relation client -, les agences de customer marketing ont été les plus rapides à faire leur révolution numérique, à l’instar d’Ogilvy One, Publicis Dialog-Modem, Proximity ou Wunderman. Pour leur cousine publicitaire, le choc des cultures est tel que le passage à l’ère numérique est plus long et plus difficile.

Cependant avec l’avènement des réseaux sociaux et la multiplication des plates-formes d’expression (Facebook, Twitter, You Tube, Pinterest, Instagram, etc.) et leur potentiel viral, la prime en matière de communication de marque est désormais à l’engagement des consommateurs-prescripteurs. Cela suppose des contenus adaptés à leurs attentes (divertissement, information, jeux, événements...) et de belles histoires. Objectivement, à défaut d’être capables d’embrasser toutes les problématiques digitales, les agences de publicité sont - a minima- plutôt bien placées pour tirer profit de cet âge d’or du brand content, même si la concurrence est vive avec les agences éditoriales, digitales et média.

Après les rachats massifs par le groupe Publicis, entre 2007 et 2009, de pure players internationaux et français (Digitas, Business Interactif, Modem, WCube, Razorfish, Duke), le début de la digitalisation des agences de publicité a commencé fin 2009, marquée par le transfert de deux pionniers du Net: Matthieu de Lesseux (cofondateur de l’agence digitale Duke) propulsé à la coprésidence de DDB Paris et Philippe Simonet (coprésident et directeur de la création de Publicis Net) promu à la vice-présidence de TBWA Paris. Dans la foulée, fin 2010, le groupe Publicis sonnait la fin de la tentative de rapprochement entre Publicis Conseil et Publicis Net en fusionnant cette dernière avec la hot shop créative Marcel.

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