Medias
Au sommet d'une kyrielle de PME, le monde des médias est dominé par quelques géants qui sont de moins en moins de papier, toujours audiovisuels. Et bientôt américains.

Il sont peu nombreux les groupes médias à réaliser plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2011 (voir le classement, tableau interactif). Toujours très au dessus, à 4,85 milliards d'euros, le groupe Canal+, qui conforte ses revenus dans la télévision payante et arrive dans la télévision gratuite avec D8. Suit, à 3,10 milliards, le groupe public France Télévisions, qui se renforce grâce à une copieuse dotation d'Etat de 2,46 milliards d'euros et en tirant encore 424 millions d'euros de la publicité. Puis viennent les groupes TF1 (2,62 milliards d'euros), JCDecaux (2,46 milliards), Lagardère Active (1,44 milliard), M6 (1,42 milliard) et Pages jaunes (1,02 milliard).

En revanche, nulle présence d'un groupe de presse. «Il y a une situation contrastée entre un audiovisuel au sens large qui résiste bien, en dépit de tout, et une presse qui accélère son déclin», relève Jean-Clément Texier, président de la Compagnie financière de communication. En consolidé, avec Spir Communication et Adrexo, Sipa-Ouest France pèse néanmoins 1,16 milliard d'euros et le Crédit mutuel (Ebra) arrive juste après avec un chiffre d'affaires évalué, à 950 millions d'euros.

 

Déperdition du papier 

Signe de ce désinvestissement dans l'imprimé, la vente par Groupe Hersant Média de pans entiers de son empire: après Paris Normandie, repris par les ex-cadres dirigeants Xavier Ellie et Denis Huertas, le pôle Champagne-Ardenne-Picardie (L'Union, L'Ardennais...) est racheté par le groupe belge Rossel (La Voix du Nord, Courrier picard). Le pôle Sud (La Provence, Nice Matin) intéresse François Pinault et, pour partie, Bernard Tapie et Etienne Mougeotte. Des individualités davantage que des groupes professionnels.

«Heureusement qu'il y a des survivants du XXe siècle qui pensent qu'avoir un journal est un moyen d'annoblissement», pointe Jean-Clément Texier. Mais pour lui, la messe est dite: l'écrit ne parvient plus à mouvoir les investisseurs. L'addition d'un rachat de presse est en effet double pour un repreneur: il faut à la fois payer une lourde restructuration et un plan de reconversion numérique (30 à 50 millions d'euros pour Rossel). D'où la tentation d'attendre patiemment le dépôt de bilan pour ne pas avoir à payer l'intégralité des obligations sociales.

France Soir, La Tribune, peut-être demain Libération en raison d'un actionnaire Rothschild bien décidé à arrêter les frais... Les défaillances de journaux s'accumulent. Résultat: un Lagardère, dont on moque les errements stratégiques et l'obsession sportive, apparaîtra peut-être plus visonnaire qu'on ne le pense, pour avoir cédé ses magazines internationaux à Hearst en 2011 pour 651 millions d'euros, et avoir annoncé sa volonté de vendre ses parts dans les groupes Amaury ou Marie Claire. A moins que le vrai capital de demain soit immatériel et que la détention de marques référentes n'aie pas de prix à l'heure digitale... «Il faut faire le gros dos pendant la crise puis recréer de la valeur», conseille l'expert financier. 

Quoi qu'il en soit, les transferts de valeur se font au détriment de tous les médias français. Google, dont les recettes sont estimées à 1,2 milliard d'euros, n'apparaît pas dans notre classement pour des raisons fiscales. Il n'en pèse pas moins davantage dans l'Hexagone que les trois régies publicitaires de TF1, M6 et France Télévisions réunies. Comme Amazon ou Apple, ce nouvel entrant est propulsé sur le marché des médias par ses innovations technologiques. Il ne se contente pas d'en capter la valeur: il oblige aussi les contenus à se réinventer pour s'adapter à ses modes opératoires.

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