La prise de décision du consommateur est plus le fruit de ses émotions que de sa raison. Les instituts d'études revoient donc leurs protocoles pour intégrer de nouvelles mesures biométriques, témoins des émotions et de l'indicible.

Le 21 février 2013, l'institut GFK lançait Emoscan, une application qui enregistre à chaque seconde les émotions des consommateurs face à une publicité, via une webcam. Un outil de «facial coding» précieux pour savoir ce qui se passe dans la tête d'un consommateur qui ne verbalise pas toutes ses émotions. Pour Christophe Bouillon, en charge de l'expertise Brand & Customer Experience chez GFK France, il est en effet «plus facile de dire qu'on a été déçu par un produit que de manifester ses émotions face à une publicité, sauf pour les extrêmes. Avec le facial coding, nous pouvons mesurer les émotions les plus subtiles.»

Cette nouvelle approche, développée avec l'université de Genève, «permet de capter les émotions en se référant à des points stratégiques sur le visage» et d'en décoder l'intensité et la valence (positive, négative ou neutre) grâce à une grille d'analyse élaborée par l'institut. Des émotions qui complètent et affinent les résultats obtenus grâce au déclaratif puisqu'«il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas expliquer en tant que consommateur, et ces informations manquantes nous ne pouvons les capter que par l'observation», indique Christophe Rebours, PDG de l'agence d'innovation In Process.

Si les émotions sont aujourd'hui le sujet de vastes chantiers de R&D, c'est que la thèse de l'homo œconomicus, être rationnel qui arbitre et effectue ses choix en fonction de ce qui lui sera le plus utile, s'effrite à mesure que des travaux sur les processus de décision humains sont conduits.

Ceux d'Antonio Damasio, par exemple, démontrent que l'inconscient et l'émotionnel régissent nos choix, tandis que Daniel Kahneman, prix Nobel d'économie en 2002, affirme que la prise de décision relève en premier lieu d'un «système 1» qui est la réaction émotionnelle, immédiate et rapide que nous développons face à un stimuli puis ensuite d'un «système 2», processus plus lent de rationalisation. Ce dernier système est majoritairement celui sur lequel se focalisent les études, s'appuyant ainsi sur le déclaratif plus que sur les émotions, bien que celui-ci soit réducteur.

L'ethnologie, alliée du marketing

C'est pourquoi des instituts travaillent, parfois depuis des années, à une autre manière d'interroger le consommateur. Avec ses études ethnographiques, In Process Research, département études d'In Process, se repose sur des ethnologues professionnels qui s'immergent dans la vie de panélistes.

« La vocation principale d'In Process Research est de fournir des insights, des connaissances avancées sur les évolutions des comportements, de trouver les pistes de nouvelles offres de produits et de services dans tous les sujets du quotidien des gens», explique Christophe Rebours. A l'aide de caméras qui enregistrent le quotidien de volontaires, les ethnologues peuvent ainsi tirer des enseignements sur des panelistes non plus réunis en fonction de segments marketing éculés (âge, sexe...) mais sur la base de leur mode de vie.
D'autres instituts, comme Repères ou BVA, ont aussi recours à la vidéo, qui pourrait être la voie du futur en matière d'études, comme l'indique Eric Singler, DG de BVA: «Les études de demain seront des études vidéo qui permettront de mieux comprendre et partager les résultats.»

La vidéo n'est pas la seule technique d'observation des émotions. L'IRM ou l'électro-encéphalogramme, s'ils posent des soucis d'éthique, peuvent être utilisés dans les pays anglo-saxons tandis qu'en France, d'autres systèmes de mesure issus des neurosciences se démocratisent.

BVA a ainsi mis au point des outils comme le «galvanic skin response», qui mesure les réactions physiologiques, ou encore l'électromyographie faciale, qui jauge les réactions émotionnelles du corps à l'aide de capteurs placés sur les sourcils et au niveau des joues.

Loin d'invalider les résultats des études traditionnelles, la mesure du «non-verbal» permet d'en compléter la pertinence et ouvre tout un champ de possibilités pour tous les secteurs et tous les besoins, du test de packaging au lancement d'une innovation en passant par le traditionnel pré-test publicitaire.

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