Ressources humaines
Fini la langue de bois, adieu le discours pontifiant des DRH. Avec la montée en puissance des réseaux sociaux, la communication employeur fait sa révolution. Il était temps!

Il ne suffit pas d'être sur les réseaux sociaux pour être «social»! Les grands groupes sont en train de l'apprendre à leurs dépens. Depuis quelques années, ils ont investi des millions d'euros et empilé les dispositifs Web (pages Linked In, Viadeo, Twitter, Facebook, Pinterest…) sans que la mayonnaise ne prenne réellement. La raison: la clé du «social», c'est bien sûr l'implication des salariés. «De plus en plus d'entreprises prennent conscience de l'importance de s'appuyer sur leurs employés, dit Andrea Colaianni, directeur du «social» chez Ogilvy France. L'interne devient un relais important pour amplifier la communication externe.»

Voilà l'une des tendances de la communication employeur en 2013. Tout comme la montée en puissance de la vidéo, de la transparence et la disparition des frontières entre communication interne et externe. En matière de communication employeur, les réseaux sociaux n'ont pas seulement révolutionné les canaux de diffusion, mais aussi les codes de communication. Tour d'horizon de ces nouveaux usages.

Il fut un temps où les entreprises étaient toutes «leaders dans leur marché», «en pleine croissance» et un terreau idéal pour «faire grandir les talents». En tous cas, c'est ce qu'elles affirmaient dans leurs annonces de recrutement et leur communication employeur. Jusqu'au milieu des années 2000, il était plus simple de faire de la «gonflette»: la communication restait très descendante («top-down»). Les groupes achetaient de pleines pages de publicité dans la presse pour marteler ce discours. Et il n'y avait personne pour les contredire.

Avec l'explosion du Web et des réseaux sociaux, tout a changé. Impossible de tenir ce genre de discours, sinon, gare au retour de bâton en temps réel. Du coup, les communicants ont revu leur copie: «Après trente années de communication “top-down” dans les organisations, c'est un changement de paradigme, qui impose de savoir lâcher prise», analyse Pierre-Yves Frelaux, président de TBWA Corporate. Une évolution inéluctable des mentalités et des usages.

«Comme tous les employés sont sur les réseaux sociaux, les entreprises n'ont plus le choix, elles doivent aligner leur communication ressources humaines interne et externe, explique Anthony Poncier, directeur «social business» EMEA chez Publicis Consultants. De leur côté, les candidats disposent aujourd'hui d'un niveau d'information bien supérieur, du coup les discours externes doivent être cohérent avec les pratiques.»

Une transparence encadrée

Les groupes sont de plus en plus nombreux à transformer leurs collaborateurs en ambassadeurs, sortes d'hommes-sandwichs virtuels à leurs couleurs. «Sur les médias sociaux, les internautes veulent avoir des interlocuteurs en face, ils ont même tendance à contourner les ressources humaines pour contacter directement les salariés, remarque Anthony Poncier. Cette dimension est en train de monter en puissance. Par exemple, chez L'Oréal, le programme employeur repose sur les individus, cela permet d'humaniser la marque.» Certes, mais la démarche n'est pas toujours simple et n'a rien de systématique. «C'est un mythe de croire que tous les salariés vont devenir ambassadeurs de l'entreprise, poursuit Anthony Poncier. Il est illusoire également d'imaginer qu'il s'agit de demander à ses collaborateurs de lire des sortes de communiqués de presse.»

Même si cette transparence s'encadre un minimum. «Avec un grand groupe international qui faisait ses premiers pas sur les réseaux sociaux, nous avons choisi les ambassadeurs parmi les salariés les plus actifs sur les réseaux sociaux, puis nous avons mis en place une sorte de gouvernance, en définissant des règles, des processus de décision, en mettant en place des modules de formation, détaille Charlotte Letondot, directrice-conseil au sein du pôle e-influence d'Havas Paris. Avec la marque employeur on retrouve le même phénomène de recommandation sociale que pour les autres types de marque sur les réseaux sociaux.»

Sephora a encouragé depuis plusieurs années ce mouvement chez ses salariés. «Ce groupe a compris tout l'intérêt qu'il avait à inciter ses salariés à s'engager sur les réseaux sociaux, dans une démarche communautaire, constate Vincent Vevaud, «partner» chez Havas Paris. Via sa page Facebook carrière, «We are Sephora», qui compte quelque 31 000 fans, ou ses autres outils, l'entreprise donne à voir l'ambiance, l'état esprit et son environnement de travail.»

Cela permet de partager le quotidien du collaborateur, et donc de vérifier in situ les engagements de l'entreprise. Cette logique de transparence poussée à l'extrême donne «la chaine du oui» d'Adecco/Adia. Il s'agit d'un site créé par l'agence Diplomatic Cover qui recense les engagements de la société de travail temporaire vis-à-vis des candidats et du grand public pour les trois prochaines années : faciliter l'insertion de 370 000 personnes dans le marché du travail, trouver un emploi durable à 130 000 intérimaires… Sur le site, une «data-visualisation» permet de suivre le respect de ces engagements, presque en temps réel.

Le risque de dispersion

Autre façon de prouver leur engagement, les groupes mettent en avant sur les réseaux sociaux les actions citoyennes de leurs collaborateurs: «Quand une entreprise a mis en place du mécénat de compétences, elle a tout intérêt à laisser ses salariés raconter leur expérience, qu'ils expliquent concrètement leurs missions quotidiennes», remarque Jean-Noël Chaintreuil, directeur associé de l'agence Digidust.

Une nouvelle ère s'ouvre donc avec ces salariés porte-drapeau de la marque employeur dans les réseaux sociaux: «Chez Deloitte, la mise en avant de la marque employeur est même inscrite dans les objectifs assignés aux salariés», précise Thomas Delorme, directeur France de TMP Worldwide.

La profusion de réseaux sociaux offre des espaces d'expression innombrables pour la communication employeur, avec un risque important: la dispersion. En effet, à côté des désormais classiques réseaux sociaux professionnels (Linked In et Viadeo), il y a l'incontournable Facebook (au moins pour les jeunes diplômés), plus Twitter, Pinterest, Instagram ou encore Google+.

«Comment donner de la cohérence à tous ces contenus, diffusés sur différents supports, voilà la question que se pose aujourd'hui les entreprises», dit Olivier Fécherolle, directeur de la stratégie et du développement de Viadeo. Même constat pour Thomas Delorme: «Il ne faut plus chercher à faire des coups en étant le premier sur tel réseau, mais plutôt tenter de brancher tous ses tuyaux entre eux et trouver la place de chacun dans le dispositif global.»

Ainsi Sephora a fait le choix de ne pas aller sur Twitter en estimant ne pas avoir suffisamment d'actualité «chaude» à publier (lire aussi page xx). En revanche, le distributeur dispose d'une chaîne You Tube et surtout d'une «play-list» sur Spotify «pour partager l'ambiance musicale qui caractérise l'enseigne», note Charlotte Letondot, d'Havas Paris.

Le défi principal pour émettre des messages audibles dans ce dédale de supports est d'opter pour une ligne éditoriale forte et ne plus en changer. L'éditorial est la clé d'une présence réussie sur les réseaux sociaux, selon Charlotte Letondot: «Ce travail sur le contenu doit être assez poussé, il peut aller jusqu'à créer des comités éditoriaux 2.0, des processus de validation et même des feuilles de styles pour savoir en quels termes s'exprimer: tutoiement, vouvoiement…» Ce que confirme Didier Pitelet, fondateur de Moon's Factory: «Un des éléments clés, en amont, consiste à définir un discours socle employeur. Cela implique un travail sémantique pour structurer cette prise de parole.»

Le long terme

Cette création de contenu employeur nécessite un minimum d'investissement. Est-ce que les entreprises y sont prêtes? Pas évident en période de disette budgétaire. Mais les groupes comprennent qu'ils n'ont pas le choix: une fois qu'ils ont créé leurs pages carrières sur Linked In, Viadeo, ou leur page Facebook, ils prennent conscience de la nécessité de les alimenter en contenu. «Pourtant, beaucoup d'entreprises pensent encore à tort que le “social media” ne coûte pas cher et elles sont très peu nombreuses à créer des postes de “community manager” au sein des DRH, pointe Didier Pitelet. En réalité, le DRH doit devenir le premier des “community manager”.» Et endosser cette nouvelle mission avec une certaine humilité. «Sur les réseaux sociaux, les DRH sont confrontés à des candidats dont la parole est libérée, qui estiment qu'ils peuvent l'interpeller, lui poser questions directement», souligne Dominique Raze, directrice générale adjointe en charge du pôle communication RH chez Publicorp.

Cette communication doit s'inscrire sur du long terme: «Plutôt qu'une grosse campagne, avec un début et une fin, il faut être capables de gérer la diffusion de messages sur la durée», constate Olivier Fécherolle, de Viadeo.

Les entreprises disposent d'outils de plus en plus sophistiqués de mesure des retombées de la communication employeur. «Aujourd'hui, nous pouvons estimer l'évolution de la marque employeur par pays, en comparant le nombre d'internautes qui ont une action par rapport à la marque – réponse à une offre par exemple –, par rapport à ceux qui connaissent la marque, conclut Pierre Berlin, de Linked In. Cela permet à un groupe de savoir si sa marque employeur progresse ou régresse, par exemple, au Brésil…»

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