Les outils de la communication interne évoluent, bon gré mal gré, au rythme des révolutions technologiques, mais sur le fond, la communication participative est encore balbutiante.

Longtemps, les directions de la communication se sont adressées aux collaborateurs de façon verticale, sans savoir s'ils intégraient vraiment l'information. Grâce aux nouvelles technologies, l'heure est désormais à des messages plus ciblés, dans une logique de collaboration et d'écoute. Tour d'horizon de ces nouveaux modes de communication interne. 


La fin des journaux papier?

«Avec 15 000 collaborateurs, on ne peut pas intéresser tout le monde avec les mêmes données. Nous avons donc une information commune, mais aussi segmentée au niveau local, par métiers ou encore pour les managers», note Eric Lemaire, directeur de la communication et de la RSE d'Axa France. Au sein du groupe d'assurance, les journaux papiers (une douzaine d'éditions) ont tous disparu en 2008 au profit d'un portail d'information en ligne. «La valeur ajoutée du digital, en dehors du développement durable, c'est l'offre d'une information en temps réel qui peut être partager et commenter», note Eric Lemaire. Autre atout du numérique: il permet, grâce à des outils de mesure d'audience, de savoir qui consulte quoi et donc de mieux cibler les publics.

Anne Sarles-Ragougneau, PDG de l'agence Press Projet, note également que «cela permet de réaliser des économies substantielles du fait de la suppression des coûts liés à l'agence, au papier, à la mise sous enveloppe, au timbrage…». Ainsi, certains de ses clients ont souhaité fabriquer leurs propres outils grâce aux techniques du Web, avec notamment le format HTML pour les lettres internes. «Ils ont parfois du mal, car c'est un métier qui ne s'improvise pas, même s'ils reçoivent des formations», reconnaît-elle.

Mais, certaines entreprises ont tendance à revenir aux magazines papier, soit parce que les collaborateurs travaillent déjà beaucoup sur écran, soit parce que, au contraire, ils n'ont pas accès à un ordinateur, comme dans la grande distribution. Anne Sarles-Ragougneau cite ainsi le journal interne d'Intermarché «La Référence», qui existe depuis dix-huit ans.

Pour Guillaume Aper, directeur-adjoint de la communication de JCDecaux et président de l'AFCI (Association française de communication interne), les journaux d'entreprise -en et hors ligne- ne sont pas en danger, mais doivent en revanche se réinventer: «Il faut parler de la concurrence et dire la vérité dans une démarche de transparence.» A cette fin, L'Oréal a opté cette année pour le «yearbook». Dans cet ouvrage sont mis en perspective les temps forts de l'année, notamment les succès et les lancements de produits du groupe (agence Terre de Sienne).


Le développement des radios d'entreprise

Utilisée dans les ateliers de mécanique ou les cuisines des restaurants, mais aussi consultable sur smartphone, la radio d'entreprise est en plein développement. «Interview, chronique, flash…, nous reprenons tous les formats de la radio. Pour une entreprise du secteur bancaire, nous avons développé une émission sur les fusions-acquisitions. Les cadres dirigeants sont connectés et le directeur général joue le jeu des questions-réponses en direct», explique Anne-Marie de Couvreur-Mondet, présidente de Mediameeting, spécialiste des radios d'entreprise.

Dans un registre différent, le groupement des Mousquetaires (Intermarché, Bricomarché, etc.) lui ont confié le lancement d'une radio diffusée pendant la mise en rayon, tôt le matin: «Il s'agit d'expliquer aux équipes à quel endroit mettre les produits, mais aussi de leur apporter des informations corporate et marketing ainsi que de créer du lien social: annonces mariage, naissance, disques dédicaces…»

 

Le boom de la vidéo

Le dernier baromètre sur la fonction de directeur de la communication interne mené par le cabinet-conseil Inergie et selon lequel «une entreprise sur quatre a mis en place un réseau social en interne, les autres projettent de le faire dans les années à venir», confirme également l'usage massif de la vidéo.

Directrice de la communication et des RP d'Aegis Media France, Céline Letu-Tortorici mise beaucoup sur cet outil: «Il s'agit de créer de l'engagement et de faire en sorte que nos 1 000 collaborateurs connaissent les différents métiers du groupe.» Un format spécial a été mis en place, le «live on», diffusé tous les mois sur l'intranet de l'entreprise. Ces émissions de 7 minutes «100% maison» sont présentées par un animateur partant à la rencontre des équipes. «A moyen terme, nous allons développer une gigantesque plate-forme, dans le but de partager les informations en temps réel avec les autres bureaux d'Aegis dans le monde», ajoute Céline Letu-Tortorici.

 

L'incontournable convention

Pourtant, Anne-Sarles Ragougneau, de Press Projet, souligne les limites de l'exercice consistant à réduire les rendez-vous physiques en interne: «La direction n'envoie parfois qu'une poignée de managers chargés de relayer les messages, créant souvent de la frustration.» Les rencontres directes restent pour elle les plus efficaces, comme elle a pu le constater lors de l'événement qu'elle a récemment organisé pour une entreprise du secteur des technologies: «La direction souhaitait révéler ses nouveaux nom et logo, ce dernier constitué par les portraits en mosaïque des collaborateurs présents, lesquels se sont ainsi sentis impliqués et très flattés d'être réunis à Bristol.»


Le grand retour de la boîte à idées

«Il n'est de richesses que d'hommes», disait le philosophe de la Renaissance Jean Bodin. Dans certaines entreprises, on ambitionne de faire de ses salariés des acteurs du changement, redécouvrant ainsi l'innovation participative. En 2008, le groupe Axa a mis en place Innov Axa. «Parce que toute idée perdue est une perte de valeur pour l'entreprise, nous nous engageons à ce que chaque suggestion, quel que soit le domaine: nouveaux produits, covoiturage, manière de traiter certains sinistres, etc., soit analysée sérieusement et qu'une réponse soit apportée. Depuis cinq ans, quelque 6 000 idées ont été proposées et 28% ont été mises en œuvre», explique Eric Lemaire, d'Axa France. Le groupe d'assurance est même allé plus loin en valorisant les passions de ses salariés. Parmi eux, les membres d'une chorale située en Normandie ont obtenu un soutien pour sortir un CD. De là est né le projet TEM, pour Talents en mouvement.

Dans le même esprit, le Club Med a lancé Enjoy, un dispositif 100% digital de communication interne à destination des GO (gentils organisateurs) présents dans soixante pays et conçu par l'agence New BBDO. Les nouveaux outils développés à destination des collaborateurs ne sont pas exclusivement basés sur des considérations professionnelles ou des notions de travail collaboratif. Il s'agit aussi de créer des espaces de détente et de curiosité. Que valent en effet les outils sans les intentions?

 

(sous papier)

Parler du travail au sein de l'entreprise

Au-delà des outils, le défi de la communication interne est plus que jamais de savoir parler du travail au sein de l'entreprise. Dans le cadre de l'AFCI, Guillaume Aper a organisé plusieurs réflexions autour de la parole et a, par exemple, invité Jean Kaspar, ancien secrétaire général de la CFDT, pour parler de sa vision de la langue de bois. Conclusion: «Notre conception de la communication interne est encore très descendante et très informationnelle. Nous faisons beaucoup d'information mais pas assez de communication. Il ne faut pas hésiter à parler des sujets qui fâchent», observe-t-il.
A commencer par la perception de l'organisation et du management du point de vue de l'interne. «Si les entreprises ne font pas ce travail, elles se privent de gisements de compétitivité. Danone a inscrit dans l'agenda de toutes les réunions 15 minutes obligatoires pour les questions-réponses», note Guillaume Aper. Au sein de la branche courrier de La Poste, par exemple, chaque vendredi après-midi est consacré à l'écoute des équipes. Reste aux managers à apporter les bonnes réponses.
Plus globalement, «le bien-être au travail est une grande tendance de communication interne, confirme Corinne Cherqui, partner au sein de l'agence Havas Paris, les services de communication interne deviennent le réceptacle de questions très larges allant des ressources humaines à la responsabilité sociale et à l'innovation. Pour leur permettre de les collecter, des processus commencent à se mettent en place mais, surtout, les organisations en silo n'ont plus lieu d'être.» La SNCF l'a très bien compris en organisant régulièrement des rencontres et des réunions d'échanges. La communication interne passerait-elle à l'âge adulte?

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