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Paradoxe : loin d'aplanir les différences culturelles, la mondialisation les fait émerger, mettant du même coup à l'épreuve l'efficacité des organisations.

Après avoir occupé pendant plusieurs années un poste de responsable RH dans la filiale brésilienne de Degrémont, un spécialiste mondial du traitement d'eau, Cristhiani Chitero arrive en 2011 au siège parisien du groupe. Elle découvre le formalisme des échanges et un mode de communication inédit: «En France, les désaccords ne se manifestent pas de façon ouverte comme dans les pays anglo-saxons mais sur un mode plus implicite et il faut savoir comprendre les choses à demi-mot.»
La Brésilienne n'en a pas fini avec les surprises. Constatant l'attachement de ses collègues à la leur langue natale et leur réticence à utiliser l'anglais, elle apprend le français, étudie l'histoire de l'Hexagone et en visite les sites les plus connus. «C'est un moyen efficace de mieux comprendre la culture et les coutumes d'un pays et de s'intégrer, souligne-t-elle. En plus, c'est très enrichissant et un vrai plaisir!» Une démarche jugée exemplaire puisqu'elle est désormais en charge du développement RH et du management interculturel.

Si les distances culturelles sont aujourd'hui reconnues, elles ont longtemps été occultées. Le management interculturel n'a accédé au rang d'outil de performance qu'au début des années 2000. «La mondialisation et la chute du mur de Berlin ont fait disparaître les grands modèles qui gommaient les spécificités locales, estime Charles Rostand, directeur général d'Akteos, une société spécialisée dans le management interculturel. En parallèle, le nombre d'équipes devant travailler à distance ne cesse d'augmenter, et de plus en plus d'entreprises abritent des collaborateurs d'horizons différents, de plus en plus dispersés. Savoir décoder le comportement des autres devient un facteur d'efficacité.»

La diversité, une notion à géométrie variable

Le management interculturel peut s'avérer utile dans trois types de situations : l'accueil de collaborateurs issus d'une culture différente, leur projection dans un autre environnement ou encore la formation d'équipes locales à partir de directives issues du siège. Soit autant de chausse-trapes potentielles dont le danger n'est pas souvent perçu. Le plus souvent, il s'agit de remettre en question des notions tenues pour évidentes par les deux parties en présence (voir encadré ).
S'il est encore courant d'utiliser le rouleau compresseur multinational sans tenir compte des différences culturelles, gare au retour de bâton! «Une très grande entreprise française a essayé de déployer à l'international son label diversité conçu pour la France. C'était un échec car chaque pays a une conception particulière de la diversité. Chez nous, elle concerne les communautés visibles et les femmes mais ce n'est pas le cas en Allemagne, sans parler des pays musulmans qui ont une conception encore différente du travail féminin...», rappelle Charles Rostand.

Au chapitre des cinquante nuances culturelles, chaque société a ses particularités :  les Latins ont un rapport moins strict avec les horaires des réunions et les discussions sont moins cadrées ; les Allemands sont ponctuels et cherchent à dégager un consensus... Les traits de civilisation entrent aussi en ligne de compte:  «Il y a des cultures orientées sur la tâche à accomplir et d'autres sur la qualité de la relation, poursuit le directeur général de Akteos. L'Europe reste marquée par la tradition grecque de l'homme comme acteur de l'Histoire alors qu'en Chine les événements sont envisagés comme l'aboutissement d'une transformation silencieuse. Ce qui est important, c'est de prendre en compte ces différences pour mieux comprendre l'autre et améliorer la qualité des relations.»

Les RH ayant franchi le cap n'ont plus de doutes sur l'efficacité de cette approche. Pour Clément de Villepin, DRH de Degrémont, c'est même un facteur de compétitivité: «Je mesure de plus en plus que le management interculturel est devenu un critère d'engagement et d'enrichissement. Grâce à des pratiques différentes, la culture enrichit la technique. En Australie, le souci très fort de l'environnement a orienté nos choix et nous a poussé à trouver des solutions techniques innovantes.»

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