Séduire et surtout conserver les clients de demain: le secteur des services travaille de longue date la cible jeunes. Mais aujourd'hui, les offres sur mesure ne suffisent plus à créer de la préférence. Pour capter ce public exigeant, il faut en adopter les codes. Focus sur les banques.

Chaque année, près de 800 000 jeunes font leur entrée sur le marché bancaire. Avec une bancarisation qui intervient autour de 16 ans, cette cible, qui suit majoritairement le choix familial pour sélectionner sa première banque, intéresse particulièrement le secteur. Car même si avec peu de revenus, «un client jeune ne rapporte pas beaucoup à une banque, comme l'indique Cedric Mignon, directeur du développement Caisses d'Epargne, c'est une clientèle d'avenir sur laquelle on investit.» Ciblé clé pour le secteur, les jeunes restent fidèles à leur banque jusqu'à certains moments pivots de leur vie: le premier prêt immobilier et le premier emploi, périodes durant lesquelles ils font alors jouer la concurrence pour décrocher les meilleurs offres. Au-delà du recrutement, la fidélisation est donc un enjeu majeur pour les banques.

Tout commence avec des offres calibrées pour ces consommateurs qui «ont des besoins spécifiques mais qui ne souhaitent pas être traités différemment des autres publics», souligne Jean-Philippe Van Poperinghe, directeur marché des Particuliers grand public banques populaires. La Caisse d'épargne a ainsi lancé son «Offre coloc'», avec un compte de dépôt joint gratuit et en option une carte Visa pour chaque colocataire. Cette solution, comme l'avance sur bourse ou le prêt sans caution parentale répondent précisément aux problématiques des jeunes. Pour identifier les besoins des étudiants, la Banque populaire est par exemple en contact régulier avec des étudiants via l'association Autonomie et Solidarité pour les Etudiants LMDE. «Ils mettent le doigt sur des sujets qui sont problématiques pour eux et qui nous permettent de construire de nouvelles solutions», indique Jean-Philippe Van Poperinghe.

Opération séduction

Problème, les bonne idées circulent et il est aujourd'hui difficile «d'être différenciés et différenciants sur des aspects purement bancaires et tarifaires, puisque la concurrence entre les banques fait que toutes les offres tendent à se lisser», note Jean-Philippe Poperinghe. Les banques misent donc de plus en plus sur leur communication et sur des packages d'avantages qui n'ont bien souvent peu de rapport avec le secteur, afin de sortir du lot pour attirer ce public d'"adulescents", inéduqué à la relation bancaire.

Une opération séduction primordiale pour les banques qui «doivent réussir à habilement investir les territoires des digital natives, une cible peu encline à croire les professions de foi publicitaire et autres déclarations d'amour des banques», souligne Julien Grollemund, directeur du planning stratégique de l'agence Zone Franche. Et sur ce terrain miné des zappeurs/natifs du digital, la musique a le vent en poupe. Que ce soit la carte Mozaïc du Crédit agricole, les concerts NRJ-Banque Pop développés par Banque populaire ou l'engagement des Caisses d'épargne à faire émerger de nouveaux talents avec son concours Jeunes Talents ou sa plateforme Esprit musique qui offre des réductions dans le secteur, la culture musicale fait vendre depuis de nombreuses années.

Une bonne recette à base de bons plans et d'offres VIP (concerts privés, rencontres exclusives...) qui vise à «faire vivre une émotion», note Jean-Philippe Van Poperinghe, «car les goodies ne sont pas suffisants». Cet été, la Banque populaire a ainsi créé la tournée de la carte NRJ-Banque Pop, qui proposait à ses clients six concerts exclusifs des artistes Inna Modja, Brice Conrad et Tal. «En termes d'attribution à la marque, c'est infiniment plus fort que d'être simplement partenaire d'un concert», analyse Olivier Thuin, responsable de projets Marché des Jeunes. «Nous avons réussi à établir une relation différente avec nos porteurs qui n'est pas uniquement une relation bancaire», poursuit Jean-Philippe Van Poperinghe. Un plus pour cette banque, majoritairement associée aux entrepreneurs qui souffre d'un «déficit d'image sur la cible jeunes», et pour laquelle toutes les opérations de ce type «contribuent à améliorer cette image tout en ayant un impact direct sur les volumes de vente» conclut ce dernier.

En finir avec l'infantilisation

Mais si «les banques sont aujourd'hui très fortes sur les insights des jeunes», selon Olivier Rippe, président de l'agence Proximity BBDO, «le marché de la culture n'a plus le même visage qu'il y a dix ans, souligne Julien Grollemund, ce n'est donc plus une approche valable pour capter les jeunes. Aujourd'hui, pour les séduire il faut démontrer sa capacité à les accompagner de façon pragmatique.» Un constat partagé par Olivier Rippe qui estime que «la notion de brand utility est essentielle. Les jeunes ne veulent pas qu'une banque leur dise qu'elle est fun mais qu'elle prouve à quoi elle peut leur servir.»

Or c'est bien souvent l'inverse que l'on retrouve dans les communications de marques bancaires. Quand Caisse d'épargne s'approprie le langage jeune dans une campagne d'affichage, d'autres surfent sur la vague des humoristes type Cyprien (CIC), Kev adams (Crédit agricole) ou Kevin Razy (Axa). L'essence même de la communication bancaire à destination des 15-24 semble donc aujourd'hui être d'en utiliser le vocabulaire et les codes. Une tendance à laquelle échappe CIC avec sa campagne qui se moque gentiment de la manière infantilisante avec laquelle sont parfois traités les jeunes dans les autres banques. Or, ces derniers veulent avant tout «une banque qui les comprenne, qui leur simplifie la vie et qui ne les angoisse pas avec un jargon de spécialistes, indique Cédric Mignon, ils veulent aussi être en contact avec leur banque où ils veulent, quand ils veulent, et comme ils le veulent.»

Une nécessité de transparence et d'ultraconnectivité qui a motivé la création d'offres 100% digitales, qui ont fleuri ces dernières semaines, comme Hello Bank imaginée par BNP Paribas, ou Switch, un programme digital évolutif destiné aux 18-29 ans, lancée par Axa Banque à la rentrée. Des solutions dématérialisées, qui s'adressent en particulier aux natifs du digital, qui n'ont pas encore fait leurs preuves et laissent perplexes les professionnels du secteur.

«Le cœur de la relation bancaire reste axé autour de l'agence physique», souligne Jean-Philippe Van Poperinghe. Julien Grollemund, lui, estime que «les banques doivent imaginer de nouvelles stratégies relationnelles, radicalement différentes et résolument digitales, pour réussir à séduire des digital natives aussi versatiles que convoités. Mais je ne crois pas qu'aujourd'hui le seul fait d'être digital soit un levier de séduction suffisant pour cette cible-là». La solution donc? «Etre multicanal», analyse Olivier Rippe, et non pas uniquement «forcer sur un canal comme Hello Bank, sans utiliser les autres codes» mais allier intelligemment le digital à un réseau d'agences physiques, en évitant tout jeunisme inopportun.

 

Sous-papier

 

Bed & School, l'agence immobilière des étudiants

 

S'il est un secteur qui a priori ne s'intéresse pas beaucoup aux jeunes, c'est bien l'immobilier. Dans un univers où les salaires sont gonflés à la commission, les agences ne se bousculent pas pour dérouler le tapis rouge à un public qui rapporte peu. Aussi, quand Julien Lozano lance son agence immobilière dédiée aux étudiants en 2008, les professionnels du secteur s'étonnent. «Ils m'ont dit que nous allions travailler sur ce qui rapportait le moins, mais il y avait un vrai besoin d'une offre adaptée aux jeunes», note le fondateur de Bed & School, un réseau aujourd'hui implanté dans six grandes villes étudiantes (Tours, Poitiers, Angers, Nancy, Rennes et Paris). Locaux orange et noir, canapés, tapis molletonné et machine à café, l'agence Bed & School ne ressemble en rien à l'agence immobilière classique. De la playlist à la signature olfactive singulière, le spécialiste du logement étudiant entend bien se démarquer sur tous les plans. Partenariats avec les bureaux des étudiants des grandes écoles, possibilité de dialoguer sur Facebook aves les agents immobiliers (des étudiants formés sur le tas), carte de fidélité qui donne accès à des bons plans négociés par l'agence, prise en charge des démarches administratives (de l'ouverture du compteur EDF à la demande d'APL), l'agence sait comment répondre aux besoins de sa cible. Proposant des biens rigoureusement sélectionnés à la location comme à la vente, Bed & School enregistre  en moyenne 250 locations par an et par agence et entend bien étendre son réseau à une trentaine d'agences d'ici trois ans.

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