En fusionnant diverses structures, le pôle de production de contenus du groupe Publicis a pris une nouvelle ampleur depuis septembre. Reportage à Clichy.

Plus de 3 500 m2 à Clichy, une antenne à Saint-Denis (93), une autre à Aubervilliers (93). Trois centres off-shores de pointe à l'île Maurice, au Costa Rica et en Colombie, soit 650 personnes, tous salariés collaborateurs du groupe Publicis. L'artillerie Prodigious, avec 1 600 salariés dont 250 à Paris, a de quoi impressionner. Cette fusion de plusieurs marques du groupe Publicis opérée en septembre fait bruisser le marché publicitaire.

Dans le paquebot ont notamment embarqué Mundocom en print, WAM en vidéo et en son ou Bosz Digital en numérique. Leur objectif: proposer une production cross-média pour le déploiement de campagnes mondiales à des Renault, Coca-Cola, L'Oréal... Depuis leurs bureaux à Clichy, Pierre Marcus, président et CEO de Prodigious France, et Frédéric Trésal-Mauroz, son vice-président, ont le sourire: «Depuis le lancement, nous enchaînons les présentations auprès de grandes marques qui sont très réceptives à notre offre globalisée.»

 

Le découpling, une carte à jouer

Or qui dit production globalisée dit aussi, selon les dirigeants de Prodigious, une «optimisation des coûts» pour le client qui n'a plus qu'un seul et même fournisseur sur sa facture. Adieu donc la mise en concurrence de différents prestataires car en temps de crise, l'argument de la rationalisation fait mouche.

Autre évolution qui sert le discours de Prodigious: le «découpling», à savoir la séparation des activités de création et de production par l'annonceur. Présenté par beaucoup comme la mort programmée de la production indépendante, le découpling apparaît au contraire pour Prodigious comme une carte à jouer. «Le groupe Sanofi a un contrat de production avec nous et du coup, on se retrouve à produire à la fois pour Publicis et pour Havas», explique Pierre Marcus. Sans compter enfin, les annonceurs avec lesquels Prodigious travaille désormais en direct, comme Renault et L'Oréal. «Ce sont des films "petits plaisirs" dont le budget n'excède pas 100 000 euros», ajoute Pierre Marcus.

Prodigious qui se défend de n'être «qu'une cellule pour faire faire des économies aux annonceurs», argue aussi de sa créativité. Pour l'illustrer, Pierre Marcus met en avant des films primés comme l'opération «Really friends» pour Nescafé ou la campagne «Renault Espace 360°» sur Ipad. «Ces productions 100% Publicis sont une belle marque de fabrique», estime Pierre Marcus.

«Dans sa présentation, il évoque même le film Cartier « L'Odyssée » qui, lui, a été produit et post-produit par deux sociétés extérieures (Quad et Digital District). Prodigious s'est occupé de la TV Production et de la production son.»

Prodigious est-il une déclaration de guerre à la production indépendante?

 

«Pas du tout, répond Pierre Marcus. Au contraire, Publicis par le biais de ses clients internationaux amène des films sur le marché français auquel aucun producteur indépendant n'aurait accès.» Par ailleurs, Pierre Marcus affirme continuer à faire appel à des productions extérieures pour les spots publicitaires classiques.

«Il n'empêche, le développement de Prodigious, ses tentatives de monopole et d'industrialisation de la création ne sont pas une bonne nouvelle pour le marché de la production française sur le long terme», murmurent en coulisses plusieurs producteurs indépendants.

 

Encadré

 

L'internalisation progresse

 

Prodigious est un exemple de ce que de grandes agences de publicité tentent de mettre en place depuis plusieurs années: des filiales avec leur propre matériel et leur propre personnel et transformant une partie de leurs services en maisons de production intégrées. C'est le cas de TBWA avec TBWA Else ou de BETC avec Rita. En s'offrant ainsi la possibilité de répondre directement à certaines commandes de leurs clients, les agences récupèrent des parts du budget d'un film. Initié avec la postproduction et les effets spéciaux, cette tendance s'accélère avec la production interne, menaçant de fait la production indépendante. En 2013, l'agence La Chose a ainsi créé sa filiale de production, Das Ding. L'agence Mazarine, spécialisée dans les marques de luxe et «premium», est, elle, en train de développer son studio de production interne dans un nouvel espace.

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