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Le loft, un style de vie
18/12/20012001, l'année du loft ? Pas seulement pour M6. De Londres à Paris, en passant par Francfort, vivre dans d'anciens locaux industriels n'a jamais été aussi tendance.
Vous rêvez de vivre dans un loft ? Vous n'êtes pas le seul. Ce concept d'habitat, autrefois réservé aux artistes, est en train de séduire toute une génération d'Européens. Des locaux industriels voués à disparaître sont devenus synonymes de sophistication, attirant de jeunes résidents vers des quartiers a priori peu glamours, comme le vieux port d'Anvers ou Shoreditch, à Londres. Comment expliquer cette vague ?
Cette tendance de fond repose sur un marketing qui a réussi le tour de force de faire de locaux souvent insalubres un « style de vie ».« Les premiers lofts avaient un côté très bohème. Ils séduisaient plutôt des gens hors du système ou des soixante-huitards, mais tout a changé,constate Diane De Maeyer, de l'agence immobilière Immo-Style, à Bruxelles.Désormais, les acheteurs de lofts ont entre vingt-cinq et cinquante-cinq ans, ils sont souvent célibataires, artistes ou travailleurs indépendants. Plus récemment, j'ai commencé à en vendre à des couples, même avec enfants. »Une analyse que partage le Parisien Nicolas Libert. Cet amoureux des lofts est à l'origine d'Ateliers, Lofts&Associés, une société qui s'est spécialisée depuis 1998 dans la commercialisation de ce genre de surfaces.« Mes clients ont généralement moins de quarante ans, ils sont aisés et se soucient de leur mode de vie. Ce sont aussi des gens qui passent plus de temps chez eux que la moyenne de la population. Pour eux, un lieu d'habitation n'est pas seulement un endroit où dormir. »
Avec l'augmentation du nombre de travailleurs à la maison, le loft est devenu un choix de vie naturel.« Mes clients sont des gens qui pratiquent des métiers créatifs, travaillent dans le show business ou les médias,ajoute Nicolas Libert.Mais nous avons aussi des acheteurs qui, sans être particulièrement riches, ont besoin d'un lieu où ils peuvent vivre, mais aussi accueillir leurs clients. J'ai également quelques avocats qui, pour se démarquer de leurs confrères, fuient le traditionnel immeuble haussmannien. »
Le loft doit une bonne partie de son succès aux médias. Les premiers fans de la formule, les artistes, ont abondamment fait la promotion de leur mode de vie. Comme ils étaient connus, ils étaient souvent interviewés... Les lofts ont alors commencé à faire leur apparition à la télévision ou dans les magazines. Dans les années80, le cinéma a lui aussi mis en scène ce genre d'habitation. La vraie vedette deDivan'est pas Richard Bohringer, mais le loft dans lequel il vit... DansRecherche Susan désespérément,certaines scènes tournées dans un loft du Lower East Side de New York ont aussi beaucoup frappé les esprits. De même, les photographes ont été dans les premiers à vivre dans des lofts. Ce type de logement est devenu un lieu privilégié pour les tournages des publicités ou les séances photos. Un ouvrage récent,The International Book of lofts,de Suzanne Slesin, perpétue le mythe. En France, ces derniers mois, le concept s'est popularisé grâce au succès d'émissions telles queLoft Storysur M6.
Des offres insuffisantes
La popularité du loft dans les secteurs du design et de l'architecture n'est plus à démontrer : dans des villes où l'espace est compté, les friches industrielles offrent un vrai ballon d'oxygène aux architectes et aux designers. Il n'est pas étonnant que Londres, qui souffre d'une réelle crise du logement, ait été l'une des premières villes en Europe à vendre le loft comme une nouvelle opportunité pour se loger. Des entreprises, telles que la Manhattan Loft Corporation, située dans la capitale britannique, ont réussi à persuader les acheteurs potentiels de casser leur porte-monnaie pour des endroits sans âme et presque abandonnés, comme Butler's Wharf. Les artistes des débuts ont un peu été poussés hors du marché, faute de moyens suffisants.
De fait, les promoteurs sont également confrontés à un manque d'offres. Peu de lofts ont survécu au siècle dernier. Des villes comme Paris connaissent un problème de disponibilité.« Nous n'avons pas su respecter notre héritage industriel aussi bien qu'à Londres,constate Nicolas Libert.Nous avons démoli beaucoup d'immeubles désertés par les entreprises. La prise de conscience de leur intérêt est récente. »La France et l'Italie ont un autre handicap : depuis 1860, la tradition veut que l'on sépare les logements des artistes de leur atelier. Par réflexe culturel, le grand appartement classique a toujours été le standard.« Les gens qui achètent des lofts recherchent un environnement particulier : des espaces immenses et clairs. Ils cherchent aussi des lieux qui ont une histoire, avec des éléments du passé », ajoute Nicolas Libert.
En Allemagne, l'histoire n'a pas vraiment servi la cause des promoteurs de lofts. La plupart des grandes villes ont été rasées durant la dernière guerre. À Francfort, où il reste quelques vestiges de la vieille ville, la mode du loft démarre juste. Et tout le problème consiste à trouver des bâtiments qui puissent être transformés.« Ici, la plupart des gens veulent du neuf, si bien qu'il est difficile de financer de grands projets de rénovation,explique Torstin Scholl, de l'agence Noor Immobilien.Cela coûte moins cher de raser un vieux bâtiment et d'en construire un autre. Notre projet de rénovation Alvearium[du nom d'une compagnie d'électricité]est le premier à voir le jour. Mais, ce n'est pas évident de le vendre sur plans. »
Air et espace mis en avant
Les vendeurs font visiter des surfaces brutes. Pas toujours facile de visualiser son futur nid dans des bâtiments nus, même du siècle dernier. C'est à ce moment que les grands noms du design peuvent être d'un bon secours. Philippe Starck est un nom magique à la Manhattan Loft Corporation. Sa dernière campagne pour la promotion d'un projet en cours met en avant le designer : « Work with Starck's team » (travaillez avec l'équipe de Starck). À Francfort, l'Alvearium a aussi fait appel au Français pour imaginer des salles de bains.
À Bruxelles, Diane de Maeyer, qui organise des journées portes ouvertes, remarque que les clients sont prêts à prendre en charge la décoration, si cela leur permet d'économiser de l'argent.« Non seulement, vous avez le choix de la déco, mais, en plus, le prix au mètre carré est très compétitif. L'espace, la lumière et le prix sont les premiers arguments commerciaux pour ce genre de surfaces. »
Le mot Loft vient de l'allemand « Luft », qui signifie «air», et bien qu'il ait été d'abord utilisé en anglais pour désigner un espace sous le toit, le terme colle bien à sa signification actuelle. L'idée d'air et d'espace est toujours celle qui est mise en avant par les promoteurs.
Vivre dans un loft n'a pas toujours été très glamour ni très hygiénique. Dans les années 50 et 60, les premiers lofts étaient généralement des squats, de grands espaces avec une bonne hauteur sous plafond. Ils occupaient des étages entiers dans les immeubles abandonnés de Soho, à New York. Seuls les marginaux y trouvaient un intérêt particulier.
De nos jours, en dépit de l'exotisme toujours attaché à ce genre de bâtiment, vivre dans un loft n'est pas non plus forcément évident. Beaucoup d'entre eux sont situés dans d'anciennes zones industrielles sans commodités. Magasins et restaurants y sont souvent rares, sans parler des transports en commun.« J'ai dû mettre en garde certains acheteurs potentiels de biens situés dans des quartiers peu reluisants,admet Diane de Maeyer.En revanche, les résidents des quartiers en question apprécient notre démarche, car nous faisons revivre leur quartier. Sans nous, la plupart des bâtiments resteraient vides. Grâce aux lofts, les quartiers désertés retrouvent un certain équilibre. »À Paris, le quartier Oberkampf-Bastille est désormais envahi de cafés et de restaurants. Certaines zones de Bruxelles surfent, elles aussi, sur la tendance.
Vers des surfaces cloisonnées
Qui dit nouvelles habitations, dit nouvelles populations et aussi nouvelles distractions, une logique sur laquelle tablent nombre de professionnels de l'immobilier. Ce n'est d'ailleurs pas toujours facile à gérer :« La plupart des acheteurs sont des hommes d'affaires ou des couples sans enfants, car le côté " open space " du loft n'est pas vraiment adapté aux familles »,explique Torstin Scholl. Souvent, les acheteurs potentiels veulent bien le loft, mais avec une disposition classique des pièces, comme dans les appartements traditionnels. Si vous êtes célibataire, il y a des chances pour que vous vous mettiez en couple et que vous fassiez des enfants...« Vous aurez alors besoin d'une certaine intimité »,ajoute l'agent immobilier. À Bruxelles, Diane De Maeyer confirme :« Le loft est un produit qui intéresse beaucoup de monde, mais la plupart des gens veulent des pièces séparées. Environ 60 % de nos lofts sont divisés en pièces. »Du coup, ces espaces ressemblent de moins en moins à des lofts, sinon par leur façade extérieure, seul témoignage d'un glorieux passé industriel.