Vous êtes ici
Pour bénéficier des alertes ou des favoris, vous devez vous identifier sur le site :
Vous avez déjà un identifiant sur stratégies.fr ? Identifiez-vous
Pas encore d'identifiant ? Créez vos identifiants
Le son en dix métiers
22/11/2002Compositeurs, producteurs, acteurs... L'univers du son regroupe des métiers variés. Panorama du secteur en dix portraits.
Le compositeur : Jérémie Blanc, directeur associé de Sunset Production
Les musiques originales représentent 80 % des bandes-son en France. Avec sa composition pour le Crédit mutuel, Jérémie Blanc, directeur associé de Sunset Production aux côtés de Laurent Guthmann (de gauche à droite sur la photo), a touché la martingale. L'agence Paname lui avait demandé d'assurer la musique originale du Crédit mutuel. Avec pour mission de trouver un univers tous publics. Jérémie Blanc choisit de réorchestrerI Say a Little Prayerde Burt Bacharach, immortalisée par Aretha Franklin. Karine Costa, jeune chanteuse à la voix fraîche, interprétera le remix. Warner décide de sortir le disque parallèlement à la campagne. Le single acquiert une existence propre, et Karine Costa est invitée sur les plateaux deStar Academyou duHit Machine, tandis que les radios diffusent le titre jusqu'à six fois par jour pour NRJ. À ce jour,I Say a Little Prayerest disque d'argent (125 000exemplaires vendus).« Le mariage de raison entre la musique et l'annonceur s'est transformé en mariage d'amour,résume-t-il.La pub a profité au disque, et le disque a profité au Crédit mutuel. »Un cas de figure assez rare depuis le succès, dans les années quatre-vingt, de la chanson de ChambourcyJ'ai faim de toi, interprétée par Sandy. Mais Jérémie Blanc compte bien réitérer l'exploit...
Le créatif en agence : Vincent Malone, directeur du département son chez Louis XIV DDB
Il est la référence créative du secteur, le grand manitou de la création radio. Ancien musicien, Vincent Malone a été recruté il y a quinze ans par Christian Vince chez DDB pour s'occuper des bandes-son, et il est désormais à la tête du département son de Louis XIV DDB.« Je préfère la radio à la télévision,avoue-t-il.Entre l'idée et l'auditeur, il n'y a qu'un micro, tandis que sur un film, on doit subir quinze réunions et des contraintes très lourdes. Un annonceur va davantage se lâcher en radio. En télévision, tout est calibré au poil près. »Malone, qui traîne ses guêtres dans les studios depuis l'âge de quatorze ans, réalise aussi à l'occasion. Il arrive fréquemment qu'il mette sa propre voix, grave et gouailleuse, sur les spots qu'il écrit.« Pour moi, une bonne radio ne s'écrit pas. Ce qui m'intéresse, c'est la vie, la spontanéité. »Cet homme-orchestre, également compositeur à ses heures, est aussi un militant de la création en radio : il a été à l'origine du relancement du Grand Prix radio, il y a deux ans.« Ce prix est très positif pour le métier, il lui donne la place qu'il mérite. »
Le producteur : Jean Dindinaud, patron de la maison de production son Chez Jean
Jean Dindinaud, patron de Chez Jean, a commencé comme musicien rock. Également réalisateur, il coordonne les desiderata de l'agence, la phase de casting, le travail avec l'ingénieur du son et les comédiens.« Dans les spots, on utilise souvent deux types de voix : les voix posées, souriantes, d'une neutralité bienveillante, pour les packshots de fin, et des natures de voix plus originales, souvent trouvées dans le café-théâtre, pour les scènes de comédie. »Canal+ constitue toujours un vivier intéressant : les Robins des Bois, Omar et Fred ou encore Benoît Poelvoorde, la voix de Décathlon, marchent très fort. En moyenne, l'équipe passe une heure en studio sur un spot radio, pour un coût moyen de 3 200 euros. Il peut également arriver que les agences briefent des maisons de production pour imaginer une création.« L'écriture radio est très particulière,souligne Jean Dindinaud.Pour la maîtriser, il faut être immergé dans le milieu du son. »
Les TV producers : Fabrice Brovelli et Christophe Caurret, TV producer et responsable musique chez BETC Euro RSCG
L'un est issu de la scène alternative, l'autre de la scène techno. Ils disent se disputer souvent sur des choix musicaux, mais ont radicalement changé la manière d'appréhender le choix des bandes-son dans la pub. Fabrice Brovelli, TV producer, et Christophe Caurret, responsable musique (de gauche à droite sur la photo), tous deux chez BETC Euro RSCG, ont, selon les spécialistes,« une longueur d'avance »sur leurs homologues des autres agences. Et pour cause. Ils arpentent les concerts (plus d'une centaine par an), ont des discothèques impressionnantes (Fabrice Brovelli avoue plus de quatre mille disques) et vivent de plain-pied dans l'univers musical.« La musique, c'est comme la cuisine : il faut rester en relation avec le terroir »,estime Fabrice Brovelli. Ils ont osé les Chemical Brothers sur Air France, ont fait réorchestrerRevolutiondes Beatles par Alpha, François Tellier ou Hawksley Worksman pour Orange, et imposé un groupe peu connu, les Fisherspooners, sur un spot BNP destiné aux jeunes.« J'aime l'idée de la vulgarisation musicale,avoue Fabrice Brovelli.C'est comme un bon gâteau qu'on a envie de partager. »Son conseil aux annonceurs ?« N'essayez pas d'imiter les autres et utilisez des musiques qui créent un vrai territoire de marque. »
Le directeur de casting : Charles Neuville, agent artistique
Agent artistique, Charles Neuville a pour mission de débusquer des voix pour la publicité, toujours friande de nouveautés. Il gère plus de quatre cents comédiens dans un secteur qui, comme les castings « physiques », est très sujet aux tendances.« Les phénomènes de mode ne sont pas aussi tenaces que dans l'image, mais ils existent. On m'a beaucoup demandé des voix du style Audrey Tautou aprèsAmélie Poulain.Il suffit aussi qu'un créatif ait vu un film avec Steve McQueen pour vouloir la voix de l'acteur ! L'autre jour, j'ai dû chercher un acteur ayant la même voix que François Truffaut, ce qui n'est pas le plus évident... »Étonnamment, la dictature de la jeunesse sévit aussi dans le son :« On recherche des voix de plus en plus jeunes, n'excédant pas la fourchette des 18-35 ans »,remarque Charles Neuville. Un casting voix peut être assez sportif : il arrive parfois que Charles Neuville, le brief reçu, doive trouver dans la journée une sélection d'acteurs. Le cachet de base d'un acteur se situe entre 760 euros pour une voix off de film et 530 euros pour un message radio.
Le comédien radio : François Berland, acteur
Voix de velours au téléphone, François Berland doit à son timbre grave et chaleureux un succès incontesté dans la publicité radio. L'ancien élève du cours Simon et du cours Florent, qui se produit sur scène, au cinéma ou dans des téléfilms, est aussi la voix antenne de Radio Nostalgie, la voix off deStar Academyet duMaillon faible. Parmi les spots radio à son actif, des pubs Michelin, Disney et de nombreuses bandes-annonces.« Au niveau du jeu, il existe trois créneaux de base,explique-t-il.La force tranquille, un ton retenu et élégant pour les marques de luxe, les voitures ou les banques. L'intonation gaie et chaleureuse pour les marques alimentaires ou de voyages. Et le ton très marqué, dynamique, à l'américaine, pour les promotions ou les annonces de films de Schwarzenegger. »Être comédien radio requiert, injustice de la nature, une voix qui « passe » l'épreuve du micro, mais également une technique à toute épreuve.« Il faut savoir se caler sur un texte de trente secondes, donner l'illusion de parler lentement alors que le spot est très court, maîtriser sa voix comme un instrument. »Un organe qui ne nécessite pas forcément d'entretien, en tout cas pas chez François Berland qui, peu adepte des décoctions au miel, avoue« fumer comme un pompier »...
Le créatif en radio : Patrice Maillard, directeur de création d'IP Radio
Depuis dix ans, Patrice Maillard, directeur de création d'IP Radio au sein de la régie IP France, est à l'affût de tout ce qui se réalise dans le secteur de la publicité radio.« Lorsque l'on écoute des spots, une sensibilité particulière se développe,explique-t-il.Un peu comme pour la musique abstraite. »Selon lui, la radio est un exercice difficile, que peu de créatifs maîtrisent.« Il s'agit de se faire une image du son, d'avoir le goût des mots et le goût d'une image sonore à transmettre, colorée par les musiques et les bruitages. »Parmi ses « chouchous », Vincent Malone, de Louis XIV DDB (lire p.60) et Gabriel Gaultier, PDG de Leg,« le seul directeur de création qui se soit impliqué dans le son et continue à avoir une réelle exigence dans ce domaine ». Les tendances actuelles de la création radio ?« Les messages sont dévorés par les volontés humoristiques,déplore-t-il.Seulement, il y a peut-être trois personnes à Paris qui savent faire de l'humour... La pub radio peut aussi être émouvante et poétique, comme dans les spots Orange, par exemple. On n'est pas obligé de produire seulement des sketches. »
Le journaliste de l'info téléphonée : Florent Lumière, cofondateur de Tout'Ouïe
Ancien journaliste radio, Florent Lumière a créé, aux côtés de Sarah Denis, issue de Radio France et de France 3, Tout'Ouïe, agence de communication spécialisée dans le son. La spécialité de la structure est l'information audio corporate, notamment via le journal téléphoné. Exemple : vous travaillez chez France Télécom et apprenez que Michel Bon s'apprête à quitter la tête de la société. Un numéro spécial vous renvoie alors vers un flash d'information dans lequel Michel Bon s'adresse en exclusivité à ses salariés. Les journaux téléphonés contiennent aussi des revues de presse, des chroniques à périodicité variable. L'équipe de Tout'Ouïe compte quinze journalistes, dont certains sont affectés à de grands comptes comme la SNCF.« Le journal téléphoné permet de construire un lien humain et privilégié avec les salariés, qui découvrent les projets de leur patron par ce biais et non dans les médias grand public »,estime Florent Lumière. Le coût d'un journal de ce type dépend de sa périodicité, et varie entre 30 500 et 228 600 euros par an.
Le synchronisateur : Charles-Henri de Pierrefeu, directeur de la synchronisation chez Universal Music Publishing
Charles-Henri de Pierrefeu est directeur de la synchronisation chez Universal Music Publishing. Fouillant dans des catalogues de milliers de titres, il propose des bandes-son aux maisons de production, en ayant en tête les problématiques stratégiques des annonceurs. Son objectif : créer de véritables territoires de marque via la musique.« La musique de pub suit, copie, répercute, amplifie les évolutions de l'univers musical,remarque-t-il.C'est un reflet déformé et déformant des tendances musicales, avec toujours un temps de décalage. »Un exercice difficile à l'heure où dégager de grands courants relève de la gageure.« Nous sommes dans une période confuse, de brassage,note Charles-Henri de Pierrefeu.Entre nostalgie et futurisme, la musique se cherche, comme une boussole dont l'aiguille bouge dans tous les sens ».Son homologue d'EMI Music Publishing, Olivier Cabrol, distingue, lui, trois catégories de musique : la « hype », c'est-à-dire les artistes sur le point d'exploser ; la « mode » ou les tendances du moment, branchées mais peut-être éphémères ; et la « tendance », ce à quoi les musiciens « mode » se réfèrent, qui va de Nirvana au Velvet Underground en passant par le pape du disco Giorgio Moroder. À vous de choisir votre camp musical...
Le directeur de label : Alexandre Sap, fondateur du label Recall Group
Ancien de l'émission de NaguiTaratata, Alexandre Sap en a eu un jour assez de la « variet' » et a décidé de monter son label, Recall Group, consacré en priorité au rock. Avec une stratégie intéressante :« Pour émerger en indépendant, les médias et la publicité me semblaient des données essentielles », explique-t-il. Il s'est donc associé à une maison de production son spécialisée dans la pub, Le Son, pour allier leurs forces face aux clients, aux agences et aux maisons de production. Cela lui permet de promouvoir ses artistes via la publicité, comme Hawksley Workman, qui a chantéRevolutionpour Orange, ou le groupe français Tommy Hools, qui signe la musique du dernier spot Hollywood Tornado.« Aujourd'hui, on a l'impression que les directeurs artistiques redécouvrent le rock,souligne-t-il.Mais le rock à toujours véhiculé des émotions et une certaine philosophie ». Dans un genre plus électronique, le label Blonde Music, dirigé par Marianne Dudouit, fait figure d'incontournable, avec des artistes comme Air, Laurent Garnier, Phoenix ou Dimitri from Paris.