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Ils inventent des business models
14/02/2003Journaux, entreprises, sites Internet, Web agencies... Pour se développer, trouver un second souffle ou dégager des recettes supplémentaires, ils ont mis au point un modèle économique original.
Denis Lafay [Lyon] : Ce journaliste exploite la fibre sociale
Denis Lafay, trente-cinq ans, est un journaliste heureux. Non seulement le patron du bimestrielActeurs de l'économieprend son temps pour enquêter(« J'ai vu 31 personnes pour mon dossier sur la dynamique économique à Lyon »),mais il s'est versé un salaire pour la première fois en 2002. Jusqu'à présent, son épouse, médecin, assurait l'intendance. Il a cependant toujours rémunéré ses collaborateurs : cinq permanents officiant au service marketing/gestion et une demi-douzaine de journalistes pigistes.« L'aventure de presse précaire commence à devenir plus sereine »,résume ainsi le directeur rédacteur en chef du magazine qu'il a lancé sur abonnement en 1997.
À cette époque, le titre n'était pas très glamour(RH en Rhône-Alpes)et un peu trop réducteur. Le passage en kiosque, en 1999, a permis de changer de titre, de maquette, et de s'affirmer comme un magazine d'enquête économique et sociale centré sur « l'homme dans l'entreprise ». Une préoccupation héritée de l'influence familiale du père de Denis, DRH et ancien dirigeant d'un groupe de protection sociale. En 2002, Denis Lafay a aussi édité avec succès un Guide professionnel du management et, dans un autre genre, deux superbes ouvrages sur les grands patrons rhônalpins avec leurs chefs cuisiniers et leurs artistes préférés.
Acteurs de l'économieparie sur l'équilibre à court terme en profitant de la montée en puissance des abonnés (2 100), de la publicité (+ 9 %) et du chiffre d'affaires (280 000 euros, + 33 %). Il reste à stabiliser la diffusion, largement tributaire de la une. Parmi les meilleures ventes en 2002, supérieures à 8 000 ex., figuraient des dossiers polémiques qui ont été relayés par les médias nationaux.Claude Ferrero
Christian Philibert [Rennes] : Un quotidien aux archives payantes
Ouest France n'a jamais cru à l'information gratuite en ligne. En revanche, dès 1995, le déploiement d'Internet a réveillé un vieux projet : proposer à une clientèle de professionnels une veille de proximité, en puisant parmi les articles publiés chaque jour dans les 42éditions locales. Six années de développement informatique et un million d'euros ont été nécessaires pour lancer, en septembre 2001, Ouestfrance-enligne.com.
L'abonné, entreprise ou collectivité locale, peut accéder aux articles et photos du quotidien, ainsi qu'aux archives. Il reçoit chaque jour, avant 8 heures, un e-mail lui indiquant le nombre d'articles parus répondant aux mots clés qu'il a enregistrés et visualise la liste des titres et débuts d'articles. Il télécharge ensuite ce qui l'intéresse. Le système fonctionne sur une base de données Oracle, avec un moteur de recherche Verity, et intègre annonces légales et appels d'offres. Les forfaits valent de 100 à 1 500 euros par an.« Nous devrions avoir une centaine d'abonnés à l'été 2003,indique Christian Philibert, directeur d'Ouest France multimédia.C'est une croissance moins rapide que prévu, mais nous avons un taux de réabonnement de 100 % et nous développons l'accès payant à l'article, sans abonnement. Nous venons de passer les 2 000achats par mois avec cette offre à la carte. »Yves Pérennou
Didier Colombier [Roubaix] : La Web agency reconvertie dans l'e-mailing solution
Il s'agit bien d'un virage à 180 degrés. Didier Colombier a vite compris que l'avenir de la Web agency classique n'était plus de tout repos. Avec ses associés, installés à Roubaix, capitale de la VPC, il a converti son savoir-faire dans l'e-mailing solution, une panoplie de prestations allant du routage de mailings à la conception de newsletters pour les entreprises et marques qui veulent informer leurs clients et prospects en temps réel.« En décembre 2002, nous avons traité cinq millions d'e-mails et notre capacité technique atteint les 300 millions d'e-mails par an »,explique-t-il. La fonction hébergement de sites, l'essentiel de l'ancienne activité, est, elle aussi, conservée, mais vouée à ne plus grossir.
L'enjeu de ce revirement est simple. Les dirigeants d'Adistar ont remarqué que l'e-mailing devrait quintupler dans les trois ans en France et tripler dans les cinq ans aux États-Unis.« Nous nous développons sur un marché en explosion »,se réjouit Didier Colombier, qui a saisi que la gestion des bases de données pour le marketing direct était la nouvelle poule aux oeufs d'or du Net, surtout quand le client peut créer lui-même ses propres campagnes. C'est pourquoi il mise sur une augmentation d'un tiers de son activité (un million d'euros de chiffre d'affaires en 2002, avec quatorze personnes).
Parmi ses clients, Adistar compte beaucoup de vépécistes, de grandes enseignes de la distribution, du B to B, des marques affirmées comme la margarine diététique Primevère ou le blé Ebly.Éléonore Lecomte
Marie-José Lembo [Marseille] : Le magazine qui s'est fait une place en ville
Marseille est une ville qui cumule les handicaps : les gens ne lisent pas, il y a deux quotidiens gratuits et le contexte économique difficile ne facilite pas la vente d'espace publicitaire. »Marie-José Lembo, directrice de la publication et rédactrice en chef deMarseille L'Hebdo,l'hebdomadaire de ville qu'elle a lancé au sein du groupe La Provence, il y a bientôt trois ans, dresse ainsi le sombre tableau qui accompagne la vie de son journal. Celui-ci a pourtant su se faire une place au soleil, puisqu'il annonce une diffusion payée de 12 500 à 14 000exemplaires et devrait équilibrer ses comptes très prochainement.
Adossé au quotidienLa Provencepour la gestion administrative, une partie de la publicité et surtout l'imprimerie (1),Marseille L'Hebdoa trouvé son lectorat.« L'objectif,précise Marie-José Lembo,consistait à puiser dans un lectorat qui se détournait de la lecture d'un quotidien en raison de son mode de vie. »Pari gagné ? Oui et non, car le titre sait désormais qu'il ne touche que des gens qui lisent déjà un quotidien.Marseille L'Hebdodoit son succès à une formule dynamique (un gros dossier par numéro, beaucoup d'informations culturelles, pratiques, des portraits, etc.) et à une équipe resserrée (douze journalistes à temps plein, quelques pigistes).« Nous pourrions vivre seuls,assure ainsi sa rédactrice en chef.Ce serait difficile, plus dur sur la durée, moins confortable, mais ce ne serait pas impossible. »Marie-Line Lybrecht
(1) L'hebdomadaire permet de faire tourner des rotatives moins sollicitées par le quotidien.
Sophie Berdoues [Toulouse] : Ce parfumeur tient la dragée haute aux majors du secteur
Notre stratégie est d'identifier les segments de marché où il y a des besoins et de proposer des lignes de produits qui n'ont pas encore d'équivalent sur le marché »,explique Fanny Leclerc, responsable marketing de Parfums Berdoues, qui a fêté l'an dernier ses cent ans. Installée près de Toulouse, la société, dirigée par Sophie Berdoues, pharmacienne de formation, avait été créée par sa famille, des chimistes parfumeurs de métier. Elle s'était rendue célèbre en 1936 avec la création de l'eau de toilette Violette de Toulouse, dont elle est toujours le fabricant exclusif. L'entreprise a multiplié ses lignes de produits et enregistre depuis sept ans une croissance à deux chiffres sur l'ensemble de ses gammes.
Face aux majors de la cosmétique et de la parfumerie, aux budgets marketing étoffés, l'entreprise compense son manque de renforts publicitaires en consacrant 5 % de son chiffre d'affaires (10 millions d'euros) en recherche et développement. C'est ce qui lui a permis de se faire une place dans les linéaires des grandes surfaces ou dans le circuit sélectif.« Sur toutes les lignes, nous avons toujours d'excellentes retombées presse »,explique Vanessa Delore, en charge du dossier au sein du groupe de communication Via Nova, qui gère 90 marques sur le marché santé, forme et beauté.« Il y a certes le côté affectif lié à l'histoire de l'entreprise et à sa taille, mais sa créativité joue un rôle essentiel. »Après s'être imposée en grandes surfaces avec une gamme épilation innovante (elle fut la première à lancer le Roll On), elle est aujourd'hui le premier fournisseur à proposer une gamme de cinq références pour la femme enceinte (Materne Programme), sélectionnée au niveau national par Auchan et Leclerc. Et ce n'est qu'un exemple...Adeline Descamps
Louis di Sarno [Arles] : Le gratuit plus fort que son modèle
Louis di Sarno l'avoue : le gratuit culturel qu'il a créé et qu'il dirige depuis trois ans est tout simplement inspiré deTaktik,un gratuit culturel marseillais, lui-même calqué sur le modèle de la presse gratuite d'information thématique qui fait florès dans les pays anglo-saxons. MaisTaktika rendu l'âme, alors queCésarpoursuit son bonhomme de chemin depuis son siège arlésien. Ce bimensuel au format A4, qui rayonnait sur le triangle Arles-Nîmes-Avignon, s'est même offert une incursion sur l'ensemble du territoire des Bouches-du-Rhône.
Distribué dans les cinémas, offices de tourisme, théâtres, etc.,Césarest tiré entre 40 000 et 60 000exemplaires. Cette souplesse en fonction de la saison est l'un des éléments clés de l'équilibre économique du titre :« L'impression coûte cher,explique Louis di Sarno.Nous ajustons au mieux le tirage. Pas question, par exemple, de maintenir un niveau élevé en été quand les étudiants ne sont pas là. »En contrepartie,Césara développé deux hors-série, l'un au mois de juin pour les festivals, l'autre en octobre à l'occasion de la saison culturelle.
Côté pub,Césara trouvé le filon :« Nous avons inventé l'investissement publicitaire culturel,explique Louis di Sarno.Les institutions achètent de l'espace pour annoncer leur actualité et nous sommes devenus incontournables. »Reste queCésarne veut pas se satisfaire de 610 000 euros de chiffre d'affaires.« 300 000 euros de plus seraient les bienvenus »,avoue son patron. D'où l'idée de se positionner désormais comme le journal de la génération des 35heures et d'ouvrir les colonnes aux loisirs au sens large. De quoi solliciter les annonceurs qui vont de pair : automobile, télécoms, etc. L'autre projet consiste à déclinerCésardans d'autres régions.Marie-Line Lybrecht
Jean-Pierre Largillet [Nice] : Un site puisant dans les ressources d'un technopôle
Avec un résultat de 300 000 pages lues par mois dans les entreprises, Jean-Pierre Largillet, le fondateur du site sophianet.com, peut être satisfait. Cet ancien journaliste deNice Matina lancé, il y a quatre ans, son site d'informations, pour« donner une visibilité à une plate-forme économique ».
Si Sophia Antipolis s'y prêtait bien, l'aventure n'a pas été de tout repos, l'éclatement de la bulle Internet et les soubresauts du secteur des télécoms ayant pimenté la sauce. Mais sophianet.com a survécu, et plutôt bien, même si Jean-Pierre Largillet reconnaît que sa société, Webtime Médias, vit aussi grâce à son activité d'agence de presse et de Web agency. Une partie du financement provient aussi« d'une activité de valorisation de la communication des entreprises sur le site ».
L'implantation à Sophia Antipolis possède des atouts :« J'ai sous la main des gens remarquables, Sophia permet des échanges entre technophiles qui m'ont beaucoup aidé. »Jean-Pierre Largillet estime pourtant« n'être qu'à 5 % du chemin ».Il travaille à présent au développement de son site vers le multisupport, notamment pour les petites annonces, et à un moteur permettant de proposer un service de recherche documentaire. Il a aussi contacté la ville de Marseille pour développer le même site dans la cité phocéenne.Marie-Line Lybrecht
Bruno Chibane [Strasbourg] : Le magazine qui emballe la culture en Alsace
Inventer un mensuel culturel régional, assurer sa survie pendant quatre ans et l'imposer comme un support incontournable devant les institutions d'Alsace. AvecPolystyrène,Bruno Chibane (photo) a gagné plusieurs paris à la fois. Discret, ce passionné de cinéma tait une autre réussite : depuis 1998, il a fait éclore le talent d'une dizaine de photographes et maquettistes, partis faire carrière hors d'Alsace après un apprentissage chez lui.
Le titre, qui assoit sa crédibilité sur des rédactionnels engagés dans l'actualité culturelle régionale, affiche un tirage de 7 500 exemplaires et un chiffre d'affaires publicitaire annuel de 220 000 euros. Le couperet a pourtant failli tomber, il y a deux ans, quand la société éditrice, qui abritait également un studio graphique, s'est retrouvée à court de fonds propres. L'association avec BKN, agence de publicité strasbourgeoise éditrice d'un hebdomadaire gratuit de programmes de cinéma, a permis à Bruno Chibane de sauver son bébé. Les rédacteurs et photographes dePolystyrène,qui ont beaucoup travaillé bénévolement, y trouvent, s'ils le souhaitent, un terrain d'expression plus lucratif.
L'agence, qui structure son savoir-faire autour de deux pôles d'intérêt (la culture et la grande distribution), s'apprête à sortir de sa région natale en ouvrant un bureau à Lyon.Polystyrène,dont la pagination augmentera d'un quart avec l'apport de rubriques sur la mode, le design et l'architecture, fera de même : de mars à juillet prochain, Bruno Chibane mènera un test de diffusion dans deux zones géographiques voisines, en Lorraine et à Belfort.Olivier Mirguet