Vous êtes ici
Pour bénéficier des alertes ou des favoris, vous devez vous identifier sur le site :
Vous avez déjà un identifiant sur stratégies.fr ? Identifiez-vous
Pas encore d'identifiant ? Créez vos identifiants
Saison creuse
31/03/2005Que se passe-t-il quand tous les vacanciers sont partis ? De La Baule à Cannes en passant par Biarritz, petit tour de France des lieux de villégiature pendant les longs mois d'hiver.
Alphonse Allais voulait installer les villes à la campagne. Ce rêve fou est peut-être en train de se réaliser : les grandes stations françaises de villégiature de bord de mer ne connaissent plus de saison, ou presque. Fini les belles endormies aux volets clos ! À force d'étaler la saison estivale, on a réussi à réduire l'hiver à la portion congrue. Les animations se multiplient tout au long de l'année pour la clientèle de proximité. Noël se fête aux balcons et seul le mois de janvier traîne un peu en longueur en attendant les premiers beaux jours de... février. La plupart des hôtels et services restent désormais ouverts toute l'année. Et le Club littoral de Maison de la France, qui regroupe 36 stations balnéaires françaises de renom, oeuvre pour peser autant que la montagne aux yeux du client butineur en quête d'une escapade bol d'air en hiver. Leurs recettes ? Un produit mixte destiné à la fois au tourisme d'affaires, pour lequel les grandes stations sont concurrentes, et au tourisme de loisir, où chaque destination peut jouer de ses atouts singuliers. Un marketing qui gère les stations comme des marques, avec pour chacune un positionnement propre. Et l'événement et sa promotion comme moyens d'attirer le client toute l'année en gommant les périodes creuses.
Deauville, ses Planches,Un homme et une femme...Toutes les villes touristiques du littoral français n'ont pas la chance, comme la station de la Côte fleurie, d'être le bord de mer de Paris, à deux heures seulement de la capitale. Ce qui lui vaut d'avoir été immortalisée dans des dizaines de films. Deauville bénéficie à plein du fractionnement croissant des vacances.« Depuis la création, il y a trente ans, du Festival du cinéma américain, notre stratégie de développement reste la même : créer des événements facteurs de fréquentation, de rayonnement et d'animation à l'année pour allonger la saison. Avec comme slogan aujourd'hui : " À chaque saison ses plaisirs "»,explique Laurence Dupart, directrice de l'office du tourisme de Deauville et vice-présidente du Club littoral. Deux nouveautés en hiver : le festival de théâtre de rue Noël au balcon pour la clientèle régionale et surtout, sur l'hippodrome de la Touques, une piste en sable fibré - un revêtement high-tech résistant au gel -, la première du genre en Europe, ouverte en 2003. On court désormais en plein hiver, dans la « cité du cheval », grâce à un investissement de 3,3 millions d'euros consenti par France Galop et les collectivités locales. Objectif : attirer en décembre et janvier une clientèle de professionnels à forte valeur ajoutée pour la ville.
Animations de rue à Noël et pêche à pied sur la plage à Pâques
Sur place, l'hôtel Normandy reste ouvert en janvier, tout comme la quasi-totalité des commerces de luxe. Le Golf et le Royal, en hibernation, ouvrent à la demande depuis deux ans pour des séminaires et conventions qui prennent de plus en plus, durant cette saison, le relais des particuliers. Pour ceux-ci, le groupe Lucien Barrière propose des week-ends évasion et cocooning avec thalassothérapie et balades en calèche, ce qui permet de trouver un équilibre entre tourisme de loisir et d'affaires.
La Baule, à l'inverse, n'a plus comme souci d'allonger la saison mais d'animer la station toute l'année. La « plus belle plage d'Europe » vit en effet de ses résidences secondaires. Elles sont plus de 12 000, soit à raison de 5 personnes en moyenne par habitation, une population de 60 000 habitants qui déferle chaque jeudi soir de Nantes, Angers, Rennes et l'Ouest parisien, et passe ici la plupart de ses vacances tout au long de l'année, avec de gros pics à Noël, Pâques et à partir de mars.« D'où une stratégie de petites animations destinées aux enfants pour capitaliser sur cette réalité de station familiale et qui satisfait à la fois cette clientèle et celle des hôteliers »,explique Damien Dejoie, directeur de l'office du tourisme. Ainsi, la mise en scène du « Noël magique » a accueilli 120 000 visiteurs l'an dernier, tandis qu'à Pâques, depuis deux ans, un parcours découverte propose aux enfants une pêche à pied sur la plage avec un guide pendant les grandes marées.
« La Baule ne connaît plus de saisonnalité »,confirme Marc Zuccolin, directeur de la station pour le groupe Barrière qui, avec le casino, le centre de thalassothérapie et le country club, gère 7 établissements. Il note un parfait équilibre entre les clientèles de loisir et d'affaires. Pour la première, l'hôtel Hermitage vient de lancer ses « Moments musicaux », des week-ends de trois jours en novembre et avril qui affichent complet, en attendant « Noël en famille » l'hiver prochain. Pour la seconde, l'objectif est de renouveler une opération comme la convention de lancement de la Peugeot 407, qui a accueilli 18 000 personnes de janvier à mars dernier, un record. Le défi : faire revenir 100 % des clients qui ont séjourné à La Baule.
Biarritz, « capitale européenne du surf », mène désormais, elle aussi, une stratégie de ville moyenne qui vit toute l'année. Alors qu'il y a quelques années, 80 % des hôtels étaient fermés en hiver, de même que les restaurants, la tendance s'est aujourd'hui inversée. Le prestigieux Hôtel du palais a fermé exceptionnellement en février, le temps de se refaire une beauté. Sur le carnet de commandes de la station pour 2005 : 34 congrès et événements dont 4 en janvier, avec en particulier le Festival international de programmes audiovisuels (Fipa). Pour illustrer cette nouvelle politique, la ville vient de relooker son logo. Un personnage les bras ouverts symbolise toujours l'image accueillante de la cité, mais il ne sort plus des eaux. Preuve que la réalité économique de la ville a largement dépassé le cadre balnéaire.« Un nouveau logotype plus statutaire, à l'image d'une ville ouverte à la fois sur l'extérieur et sur ses habitants »,commente la direction de la communication de Biarritz.
La station balnéaire vient de lancer, de janvier à mars, deux grandes offensives. En direction des agences de voyages, un séjour en promotion pour découvrir les atouts de la destination en hiver. Pour le grand public, une offre d'hébergement de trois nuits pour le prix de deux avec en prime trois « green-fees » (droits d'entrée) pour le prix de deux sur les golfs du Phare, d'Ilbarritz, d'Arcangues ou de Bassussarry. Pour toucher une clientèle de festivaliers seniors, très différente de celle des golfeurs, Biarritz organise depuis trois saisons un festival de bridge et de scrabble qui accueille un millier de joueurs du 14 au 27 février. Après la culture, le jeu est un nouveau cheval de bataille qui a le vent marin en poupe, vu ses bonnes retombées économiques. Deauville et Cannes l'ont elles aussi bien compris : qui joue, dîne et dort !
Cannes, première station à s'être dotée d'un logo il y a vingt ans, est depuis deux ans une marque déposée qui crée ses produits dérivés et possède une direction commerciale et marketing pour le loisir et le tourisme d'affaires. Son maire Bernard Brochand, ancien grand patron de la publicité, gère sa ville comme une entreprise, tambour battant, et sa promotion comme celle d'une marque de luxe mondialement connue, avec un positionnement avant-gardiste côté affaires et « lifestyle » côté loisirs. Son carnet d'adresses est réputé le plus complet de France, selon les Cannois.« Deuxième ville française des salons professionnels après Paris et parmi les leaders mondiaux des manifestations internationales B to B en communication et hautes technologies, Cannes est un cas unique en Europe d'une ville dont la clientèle est à 80 % internationale »,remarque David Lisnard, adjoint au maire chargé du tourisme et président du Palais des festivals et des congrès. Entre les manifestations professionnelles qui remplissent la ville du 1er octobre au 30 juin, les 70 000 Cannois et les touristes recrutés dans toute l'Europe, dans les pays arabes, en Russie et de plus en plus en Inde et en Chine, nouvelles cibles prioritaires, Cannes ne connaît plus de saisonnalité. « Ville festive et glamour à forte valeur imaginaire grâce au cinéma, elle met aussi en avant son côté « ville d'adrénaline » avec ses trois établissements de jeu et son Festival international des jeux en février », insiste David Lisnard.
En concurrence avec Londres, Barcelone, Dubaï...
Il restait une quinzaine de jours creux début janvier avant le Midem. Cannes a inventé le Cannes Shopping Festival, inspiré du Dubaï Shopping Festival. Au programme de la deuxième édition, du 5 au 16 janvier : dix défilés de mode dans le grand auditorium mythique du Palais des festivals, neuf soirées de prestige avec des couturiers et des joailliers, tombola et soldes de luxe. Des paillettes comme s'il en pleuvait ! L'opération a été menée en partenariat dans 300 pays avec Fashion TV et le magazineEllequi a sorti un tiré à part diffusé à tous les abonnés français, britanniques, russes, italiens et moyen-orientaux. Autre nouveauté du plan marketing et commercial : le Cannes Golf Festival, créé l'an dernier pour meubler la première semaine de juillet, avant l'arrivée massive des vacanciers.
Revers de la médaille de cette dimension internationale, les concurrents de Cannes sont les grandes capitales d'affaires comme Barcelone, Dubaï, Londres, Copenhague et même Singapour ou Miami. Cannes, qui a accueilli 260 000 congressistes et 60 manifestations en 2003, réplique par le gigantisme avec comme positionnement l'accueil de manifestations de 5 000 à 30 000 personnes. Pas au-delà, pour ne pas tuer une poule aux oeufs d'or qui rapporte 730 millions d'euros par an à la ville. L'extension du Palais des festivals, dont les travaux vont commencer en juin, ajoutera 23 000 m2 de surfaces d'ici à 2007, avec une gare routière souterraine et une nouvelle salle de 9 000 m2. Investissement : 47,5 millions d'euros.
Mais pendant les travaux, la prospection continue, avec une nouvelle campagne de marketing direct auprès des agences événementielles, « Smart your event », pour mettre en avant la compétitivité de la cité cannoise pour les lancements de produits, pharmaceutiques et automobiles en particulier. Étape suivante : le développement du marketing sportif pour attirer de nouvelles cibles en vue de l'ouverture d'un Palais des sports d'une capacité de 4 000 personnes en septembre prochain.
Cas assez unique d'une petite station essentiellement touristique qui tire bien son épingle du jeu, Hossegor, la très chic, avec son architecture singulière, doit son bonheur à son « beach break », réputé le plus beau du monde. Cette vague déferlant sur fond de sable, qui tombe de 4 à 5 mètres de hauteur, attire toute l'année les surfeurs du monde entier. Le « petit Biarritz des Landes » possède aussi une concentration exceptionnelle de résidences secondaires, notamment parisiennes, qui se remplissent dès le premier rayon de soleil. De ce fait, la ville vit au rythme d'un événement tous les mois, avec une stratégie de juste équilibre entre son image dynamique liée au surf - Hossegor abrite la Fédération française de surf et les centres européens des entreprises de glisse -, le golf, pratiqué par la clientèle résidentielle aisée - avec comme slogan « L'élégance océane » - et la culture (danse, spectacles et concerts), qui anime les trois mois d'été et fidélise la clientèle de proximité. Pour tous ces lieux de villégiature, l'été reste évidemment une saison de rêve.