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Presse économique
Votre petite entreprise les intéresse
05/03/1999Les lancements de magazines dédiés aux très petites entreprises (TPE) se multiplient. Un nouveau marché qui intéresse les annonceurs.
Christine Kerdellant peut quitter le groupe Expansion le coeur léger pour rejoindre Prisma presse. Elle laisse son bébé dans un confortable berceau. Né en avril dernier,L'Entreprise en solos'est offert le luxe de la rentabililité dès son premier numéro. Ce magazine destiné aux TPE, comprenez les très petites entreprises - structures individuelles ou de moins de cinq salariés - vend aujourd'hui près de 70000exemplaires. «Nous sommes vraiment tombés sur une mine d'or», estime l'ancienne directrice de la rédaction deL'Entrepriseet créatrice de cette déclinaison thématique. Devant le succès, le groupe Expansion a décidé d'augmenter la cadence. De trimestriel,L'Entreprise en soloest devenu bimestriel en janvier dernier. Le filon des petites entreprises aiguise les appétits. Gérard Touati (Welcom) a lancé en janvier dernier le bimestrielLe Nouvel entrepreneur. Et Vincent Lalu (La Vie du rail) lancera, début mars,Mon entreprise,un trimestriel. Quant àDéfis,un magazine présent depuis longtemps sur le créneau des TPE, il a enregistré une hausse de 33,4% de sa diffusion sur une année, à 51342exemplaires. Il s'agit de la meilleure progression en pourcentage de la presse économique. Les éditeurs de presse économique ne croient pas à une coïncidence. Le segment des TPE est clairement appréhendé comme un pôle de croissance, limité mais néanmoins réel. Christine Kerdellant évalue le potentiel deL'Entreprise en soloà 100000exemplaires. Vincent Lalu, lui, espère 70 à 100000exemplaires à terme pourMon Entreprise,et Gérard Toutati 50000exemplaires pourLe Nouvel entrepreneur. Révélateur de ce nouveau créneau,L'Entreprise en soloest pourtant né presque par hasard. «Je faisais continuellement le grand écart pour contenter à la fois les petites et les grandes entreprises,raconte Christine Kerdellant.Mais je savais que je mécontentais les petites qui ne le cachaient d'ailleurs pas dans les vu/lu mensuels deL'Entreprise.» L'équation imparfaite demeure jusqu'à ce que l'idée d'un magazine distinct, lancée à la cantonade, fasse très sérieusement mouche auprès des commerciaux, convaincus de l'existence d'un marché. La suite leur donnera raison: le créateur individuel a le vent en poupe. «Ce marché n'existait pas il y a dix ans,analyse Vincent Lalu.Il y a actuellement un mouvement, très important et mal maîtrisé, vers l'entreprise individuelle. Il est facilité par deux éléments: l'apparition de nouveaux outils comme Internet et l'externalisation des tâches fonctionnelles, standard téléphonique, prestations comptables... Le Web permet d'être un tout petit acteur dans son coin tourné vers un marché illimité.» Quant au dénombrement des TPE, personne n'est d'accord. Les estimations varient du simple au double, de 1,5 à 3millions. Une chose est sûre, cette population relativement disparate, qui va du consultant jusqu'au fleuriste en passant par l'entrepreneur high-tech, ne cesse de croître. Même si le rythme de création des entreprises a tendance à ralentir, 95% d'entre elles sont des PME. Elles représentent près de 70% de l'activité en France, génèrent des affaires et créent des emplois.
Les éditeurs enthousiastes
Le phénomène n'a pas échappé aux annonceurs, qui découvrent - depuis peu - que cette population consomme. Des services financiers, de l'informatique, de la téléphonie, des fournitures de bureau... France Télécom, Cegetel, Hewlett-Packard ou encore le distributeur spécialisé Métro mettent en place des équipes spécifiques, lancent des produits dédiés et voient évidemment d'un très bon oeil l'apparition d'un segment de presse TPE, précieux pour toucher cette clientèle mal définie, mouvante et peu connue. «Ces titres disposent d'un potentiel publicitaire indéniable pour des services et des prestations de business to business,confirme Luciano Bosio, directeur de Carat presse.De plus en plus de grandes entreprises cherchent à toucher de toutes petites structures et dégagent pour cela des budgets importants. On est là au coeur des spécificités de la presse qui permet un ciblage très précis.» Mais attention, l'attractivité publicitaire des titres TPE reste très limitée. «Aujourd'hui, leurs performances connues ne sont pas telles que l'on puisse les recommander pour des secteurs hors-captifs», poursuit-il. Il en faudrait davantage pour entamer l'enthousiasme des éditeurs. «Les TPE forment une population nouvelle et isolée qui intéresse énormément les annonceurs et les publicitaires», estime Vincent Lalu, qui vise, pourMon Entreprise, 25pages de publicité par numéro. Même sentiment au sein du groupe Expansion. Michel Roccard, directeur du marketing, a dépassé ses prévisions de chiffre d'affaires surL'Entreprise en solo.«Nous avons réalisé 150pages sur quatre numéros et le potentiel se situe sans doute au double.» ÀInitiatives Magazine,un bimestriel lancé en janvier 1995, Antoine Ingold a vu son chiffre d'affaires publicitaire décoller de 30% entre 1997 et 1998. «Les annonceurs sont plus nombreux et plus diversifiés», dit-il. Quant à Robert Lafont, le patron du mensuelEntreprendre,dont le lectorat comprend un bon tiers de TPE, il observe un changement d'intérêt des annonceurs. «Il y a une sensibilité plus forte du marché aux TPE. C'est devenu très valorisant alors que c'était presque péjoratif.» Gérard Touati, quant à lui, ne s'attendait pas à un tel accueil de la part du marché publicitaire. «Ce qui nous a surpris,explique-t-il,c'est la spontanéité avec laquelle les agences et les annonceurs nous ont contactés. Moi qui ai lancé une bonne quinzaine de titres dans ma vie, je peux vous le dire: c'est un cas unique!» Signe des temps: en février dernier, le salon des Entrepreneurs, organisé à Paris, a vu doubler le nombre des exposants et visiteurs. Marylise Lebranchu, secrétaire d'État aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, s'est fait le porte-parole infatigable de la micro-entreprise. Quant à la «grande presse» économique, elle observe le phénomène avec le plus grand intérêt.Phénomène de mode?
«Après les cadres, représentés parL'Expansion,puis les entrepreneurs-repreneurs à la Bernard Tapie dans les années 1980, c'est maintenant le tour du micro-entrepreneur, des professions libérales et des consultants d'être à la mode», remarque Jean-Joël Gurviez, éditeur deCapital et deL'Essentiel du management. Le patron du pôle économique de Prisma presse ne souhaite pas prendre le risque d'un lancement sur une cible jugée trop étroite. En tout cas pas pour le moment. «Je préfère tenir compte de cette mentalité pour façonner nos deux magazines. Mais vous me donnez des idées!» avoue-t-il. De fait, siCapital, Challenges, Le Nouvel Économisteou (suite page 60) encoreL'Expansion, s'intéressent aux TPE, c'est davantage en tant que sujets rédactionnels qu'en tant que cibles. «Nous mettons régulièrement en valeur des créateurs innovants,explique Gérard Muteaud, rédacteur en chef en charge du secteur entreprises àChallenges.La TPE constitue toujours une solution pour un chômeur ou un salarié qui s'ennuie.» Quant à Jean-Michel Quatrepoint, directeur de la rédaction duNouvel Économistemais également patron d'une TPE (La Lettre A), il ne se fait pas d'illusion. «Les grands journaux en parlent parce que c'est dans l'air du temps, mais les volontés politiques exprimées sont court-circuitées par Bercy. Aujourd'hui, le système n'est pas fait pour les petites entreprises.»