Réputation
Le «french bashing», toujours très prisé outre-Manche, s’exerce également, et parfois même plus durement, à l’intérieur même de l'Hexagone. Pour couper court à la mésestime, voire à la déprime récurrente des Français, l’agence corporate W a créé en 2010 l’Observatoire de la marque France.

Selon l'«Observatoire de la marque France» mené par l'agence W., il ressort que la France est une marque plutôt performante au niveau mondial, n'en déplaise aux tenants du «french bashing», comme en témoignent des mastodontes tels que le groupe pétrolier Total.

Mais n'y aurait-il de salut pour l'image de la France qu'hors de ses frontières? Les entreprises françaises ont en effet tendance à se concentrer sur l’international, aux dépens de leur pays d’origine. L’étude «Les marques d’avenir en France», mise en place par le cabinet Viavoice, s’est penchée sur ces «marques d’avenir»: des entreprises établies ou émergentes appelées à devenir les références dans leur secteur d’activité. Plusieurs centaines d’acteurs économiques français (dirigeants d’entreprises, investisseurs, créateurs de start-up, économistes…) ont été interrogés sur les marques qui se distinguent sur le territoire français. Qui sont-elles? Et surtout, d’où viennent elles?

Logique de marché

Le concept de marques d’avenir étant probablement trop nuancé, W et Viavoice ont construit l'étude en deux étapes. Lors de la première, c'est un panel de 200 personnes qui ont été questionnées sur les marques qu’elles considèrent comme étant d’avenir: sur le podium, l'incontourtnable Apple, le géant Google et... le français Total. Un classement dicté d’une part par la logique de marché, sachant qu’Apple et Google représentent les deux plus grosses valeurs boursière mondiale, mais qui souligne également la suprématie du numérique dans l'économie.  

Cependant, il serait erroné de vouloir résumer le leadership de ces marques à leurs seules performances économiques. En effet, à l’heure actuelle l’entreprise ne peut plus se passer de la marque pour exister aux yeux du marché et des consommateurs. Et une marque, c’est avant tout une histoire: la longévité, le caractère historique d’une marque sont un gage de sa bonne image. Ainsi il n’est pas étonnant de constater que 84% des marques d’avenir citées comme telles ont été créées avant l’année 2000.

Toutefois, lorsqu’on leur demande ce qui constitue la position de marque d’avenir, les répondants citent en premier la capacité d’innovation et de renouvellement: à 61% pour Apple et 50% pour Google, pionniers dans leur domaine, et à 44% pour Total pour sa politique de transition énergétique.

Hormis la surreprésentation des Etats-Unis dans le trio de tête, l’ensemble du classement se révèle largement occupé par des entreprises françaises (L’Oréal, Danone, Airbus), avec 62% des citations contre seulement 26% pour l’Amérique ou 6% pour l’Allemagne.

Le digital, atout pour être leader

Afin d'affiner l'analyse sur la notion de marques d’avenir (deuxième étape de l'étude), W a écrémé les marques citées afin de ne garder que les entreprises récemment créées, c’est-à-dire âgées de moins de dix ans. Un critère qui fait émerger un nouveau classement établi auprès de 400 personnes et qui place en tête le site de covoiturage français Blablacar, suivi du site de VOD américain Netflix et de la marque californienne de caméras miniatures Go Pro.

Là encore, les entreprises leader ont intégré le digital à leur offre ou leur fonctionnement. Les secteurs technologique, électronique et informatique sont ceux qui concentrent le plus de réussites entrepreneuriales (35%). Autres secteurs à émerger: l’énergie et la santé, étant largement plébiscités avec 10% de représentation chacun. A noter aussi que des secteurs que l’on pensait figés car arrivés à maturité se trouvent remis en cause par des nouveaux entrants, à l'instar de l'aéronautique.

Pour réagir, les entreprises concurrencées ont dû repenser leur fonctionnement pour proposer un modèle hybride, plus adapté aux modes de consommation, influencés par le digital. Cette solution passe notamment par des plateformes (ou place de marché), une interface en ligne qui met en relation producteurs et consommateurs, sans intermédiaire ni limites géographiques et temporelles. Les dix premières marques d’avenir de ce deuxième classement ont ainsi bâti leur activité sur ce type de modèle: Blablacar, Netflix, Airbnb, Spotify, Deezer, Uber… Cette nouvelle donne passe de nouveaux modèles économiques comme l’économie collaborative (Blablacar et Airbnb).   

Il n'y a pas que Paris en France

Au final, dans ce classement, les marques françaises surclassent leurs homologues américaines (47% contre 38%). Une preuve que «notre pays n’a pas simplement des atouts, mais que, dans la guerre économique qu’est la mondialisation, la France est peut-être en train de les jouer, et ainsi de saisir sa chance!», selon Denis Gancel, président de W.

Tout aussi encourageant, si l’Île-de-France demeure la pépinière par excellence, Paris n’a pas le monopole des marques d’avenir: le nord et le sud de la France sont également largement représentés, avec des marques locales comme Ouishare à Roubaix ou Wiko à Marseille. «Les projets d’entreprise auraient donc de grandes chances de se concrétiser et de prospérer sur le territoire français. En revanche, la partie centrale du pays est complètement absente des résultats», note Denis Gancel. 

Plus largement, à travers l’étude «Les marques d’avenir en France», W souhaite faire des «pépites» que sont Carmat (concepteur de cœur artificiel), Withings (fabricant d’objets connectés) et Criteo (service de ciblage publicitaire en ligne) des exemples et des modèles à suivre pour les entrepreneurs français. Petit bémol toutefois, ces modèles n'en sont pas encore à mettre en avant leur origine hexagonale: 53% ont préféré un nom anglophone, sans doute pour mieux s’exporter.

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