Marketing
L'Union des annonceurs et l'institut Millward Brown Vermeer publient les résultats de l'étude Marketing 2020 France qui soulignent combien le marché français est encore à la peine en termes d'exploitation des données, de positionnement sociétal et d'agilité afin d'optimiser ses actions marketing.

«Les Français ont tendance à exceller sur les fondamentaux techniques du marketing, les études, le planning... mais ils ont une approche très intellectuelle et théorique. Le problème est la mise en œuvre opérationnelle», constate Pierre-Jean Bozo, directeur général de l'Union des annonceurs (UDA). L'association vient de livrer les résultats de l'étude «Marketing 2020 France» commanditée à Millward Brown Vermeer et visant à analyser le positionnement du marché français par rapport aux résultats mondiaux de l'enquête «M2020 globale» menée par l'institut d'études (lire la méthodologie).

«Cette étude souligne une nouvelle fois le paradoxe français», note Pierre Gomy, directeur général adjoint France de Millward Brown. Les entreprises françaises obtiennent généralement de meilleurs scores que leurs homologues dans le reste du monde voire par rapport aux sociétés dites «surperformantes» (sur la base de la croissance de leur activité), essentiellement anglo-saxonnes, sur des éléments clés pour la croissance selon l’étude «M2020» globale, à savoir:

- une forte implication (77% des responsables marketing français sont jugés «passionnés» par leurs dirigeants, contre 67% dans le classement général et 75% au sein des entreprises surperformantes),

- une orientation performance marquée (81% estiment que les KPI de leur marque sont clairement liés à la performance business, contre respectivement 56% et 67%) 

- des outils et process marketing (hors digital) largement développés (58% contre 39% et 46%).

 

Travail d'optimisation à effectuer

Mais si les Français ont les outils et souvent de bons outils, leur utilisation n’est pas systématique. En revanche, les entreprises surperformantes qui disposent parfois de moins d’outils, en optimisent bien davantage l’usage.

Ainsi, en France, la segmentation des consommateurs (capacité à cibler le plus précisément les clients pour proposer la réponse adéquate) est aussi claire que dans les autres entreprises, mais elle joue moins souvent un rôle de premier plan dans l'activité marketing (67% en France contre 79% et 83%).

La France a donc une excellente compréhension du consommateur et des insights, mais reste faible en matière d'analyse de la big data, de planification des points de contact client/consommateur, d'engagement client/consommateur, de service client/consommateur et de segmentation.

Autrement dit, les Français ont tendance à moins développer les compétences liées à la «consumer centricity», en tout cas elles ne sont pas perçues comme aussi prioritaires et stratégiques pour l’avenir qu'au sein des entreprises surperformantes notamment. 

Impliquer toute l'entreprise

Autre handicap pour les marketeurs français: s'ils sont 87% à soutenir et à avoir intégré la stratégie globale de leur marque, cette dernière n'est pas encore parfaitement comprise par tous au sein de leur entreprise. Plus d’un tiers des marketeurs français déclarent ainsi que cette stratégie n'est pas clairement identifiée dans l'organisation et à tous les niveaux décisionnels. «On voit là une vraie différence avec les entreprises anglo-saxonnes, qui ont cette double capacité de simplifier la stratégie de la marque afin qu'elle soit comprise par tous et de se donner les moyens de mobiliser leurs collaborateurs», assure Olivier Genoud, partner chez Millward Brown Vermeer.

Un handicap structurel doublé d'un problème culturel: en France, «les départements marketing sont moins ouverts aux idées nouvelles et plus frileux dans leur implémentation par rapport aux entreprises surperformantes», note le rapport de l'étude.

Au bout du compte, les entreprises françaises tendent à moins considérer le marketing comme LE partenaire stratégique de l’entreprise, contrairement à leurs concurrentes étrangères. «Les entreprises françaises fonctionnent encore beaucoup en silos. Le tandem CMO/CEO, qui a une forte influence en matière de décision stratégique, notamment dans les entreprises anglo-saxonnes, est encore rare en France», observe Olivier Genoud. Dans l'Hexagone, le marketing est considéré comme le partenaire le plus stratégique pour la croissance par seulement 43% des entreprises contre 52% dans les sociétés surperformantes. 

Connecter l'organisation

Ces dernières développent des «expériences totales» de marque en s’appuyant sur trois piliers, selon Millward Brown Vermeer: une mission/raison d’être forte, le consommateur au centre des stratégies et un environnement agile. «Ce sont autant de pistes d’amélioration pour la France: l'esprit d'entreprise et l'engagement des responsables marketing est bien là mais quelle est la proposition de la marque, son rôle sociétal, sa mission? Certaines entreprises ne comprennent pas comment corréler ses questions avec la stratégie de la marque», regrette Pierre-Jean Bozo. Tout en soulignant les points d'amélioration sur lesquels travailler, relevés par l'institut d'étude: «Engager employés et consommateurs autour de la mission-raison d’être, maîtriser l’infobésité pour générer des insights percutants et mettre en place une organisation connectée.» Or, si 82% des marques françaises ont un positionnement clair, seules 58% ont une mission-raison d'être sociétale. 

Renforcer la mission-raison d'être

Développer une expérience de marque sur différents points de contact nécessite d'abord une mobilisation interne. «Le cas de la marque de peinture Dulux est intéressant, note Olivier Genoud. Afin de matérialiser son concept de marque autour du thème “couleurs = optimisme”(Let's colour), elle a par exemple invité ses salariés brésiliens à participer à une grande opération pour repeindre les murs des favelas.» Un insight on ne peut plus impliquant! «Une mission-raison d’être forte et différenciante permet de générer plus de croissance, comme le prouve l’étude Brand Z sur le classement des marques les plus puissantes, et comme l’affirment 75% des répondants à l’étude M 2020 France», assure Millward Brown Vermeer.

Or cette attention portée au client passe par une exploitation optimale des données, à l'exemple de ce que font les entreprises surperformantes, qui ont parfois moins de données disponibles, mais les exploitent mieux. Les responsables marketing français interrogés sont seulement 40% à estimer qu'ils sont en mesure d'exploiter toutes les données et outils dont ils disposent afin d'améliorer l'efficacité de leurs actions (contre 53% au niveau mondial et 62% pour les entreprises surperformantes).

En mode miniprojet

Une optimisation qui n'est possible que par la mise en œuvre d’une gouvernance claire et efficace, autrement dit par une organisation plus agile, notamment à l'heure des médias sociaux, où la direction marketing joue le rôle d'interface avec les différents autres services de l'entreprise (DSI, DRH, commercial et finance). «Le schéma d'organisation “scrum”, inspiré du secteur IT, et qui consiste à découper un projet complexe en miniprojets limités dans le temps et regroupant des équipes ad hoc de spécialistes permettent de prendre des décisions plus rapidement. Le groupe bancaire ING, par exemple, a adopté ce genre de fonctionnement en installant un portfolio de miniprojets», commente Olivier Genoud. 

Fort de ces enseignements, l'UDA compte lancer un cycle de table-ronde sur le sujet à l'adresse de ses membres et prévoit également d'organiser des présentations auprès des directions générales et des directions des ressources humaines. 

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