Plus des trois quarts des Français ont le sentiment que la communication des marques a fortement augmenté, et 56% jugent que c'est plutôt une mauvaise chose. Le camp des publiphobes gagne du terrain. Tel est le signal d’alarme que délivre une étude TNS Sofres publiée à l’occasion des Phénix de l’UDA.

La publicité ? Point trop n'en faut et, surtout, pas n'importe où, n'importe quand et n'importe comment… Tel est, en substance, le principal enseignement que l'on peut tirer de l'Observatoire des moyens de communication de TNS Sofres, dont la première édition sera présentée lundi 22 mars, à l'occasion de la remise des Phénix de l'Union des annonceurs (UDA).

L'objectif de cette enquête est d'évaluer la perception globale de la communication des entreprises et de son évolution. En préambule, le constat est plutôt sombre. La désaffection pour les marques gagnent du terrain : 56% des Français interrogés estiment que la marque n'est « pas du tout » ou « plutôt pas » importante lors d'un achat. Ils ont aussi moins de plaisir à découvrir de nouvelles marques ou services et à en parler.

Concernant la publicité, l'étude note une certaine radicalisation. Le camp des publiphobes gagne cinq points par rapport à 2007, à 42%, alors que celui des publiphiles, lui, tombe à 33% (–5%). Quant aux « indifférents », ils sont aujourd'hui 24%. « Plus on est instruit et aisé, moins on a envie de publicité », regrette Vincent Leclabart, président de l'agence Australie, qui publie chaque année une étude sur les Français et la publicité.

« Il faut tenir compte du déclaratif, tempère Nicolas Bordas, président de TBWA France et de l'Association des agences-conseils en communication. Les gens ne sont pas conscients de l'influence de la publicité dans leur vie, ou n'osent pas le reconnaître. En période de crise, le consommateur fait des arbitrages, ce qui lui fait dire que les marques ne sont pas si importantes. En réalité, il existe un véritable attachement à certaines marques. » Quant à l'opposition à la publicité, la question est, selon lui, mal posée : « On oblige les gens à se prononcer sur quelque chose qui ne se pose pas en ces termes. En fait, tout le monde est à la fois publiphobe et publiphile. »

Au-delà de ce constat, TNS Sofres a étudié la perception de l'évolution de la communication des entreprises et des marques. Plus des trois quarts des Français interrogés ont le sentiment que celle-ci a fortement augmenté. Et 56% jugent que c'est plutôt une mauvaise chose.

La « bulle » privée des consommateurs

Autre temps fort de l'étude : pour chacun des vingt-neuf moyens de communications pris en compte, des plus traditionnels aux plus innovants, TNS Sofres a mesuré le niveau de présence qui lui est associé, son degré de gêne ou d'acceptabilité et son pouvoir incitatif pour s'informer ou acheter, identifiant au passage les éventuelles disparités en fonction des secteurs d'activité. « Nous avons étudié l'attitude et non l'efficacité, souligne Pierre Gomy, directeur du développement marques et communication de TNS Sofres. Certains points de contact jugés gênants ou intrusifs peuvent être efficace… »

Les résultats sont parfois étonnants. Ainsi, au registre des communications quasiment idéales (non gênantes et efficaces) figurent les échantillons gratuits, les offres d'essai, les démonstrations en magasins et les publicités sur le lieu de vente.

De manière générale, tout ce qui est opéré sur le point de vente est considéré comme efficace et peu gênant, ce qui confirme, selon TNS Sofres, que « le point de vente est un point de communication central pour les marques ». En misant sur le « shopper marketing », les marques ne font donc pas fausse route.

En revanche, les prospectus dans les boîtes aux lettres, la publicité radio et surtout la publicité TV sont des moyens de communication jugés « gênants mais efficaces ». Un signal plutôt inquiétant pour la publicité télévisée, vecteur de communication de masse par excellence. « C'est justement ce côté communication de masse qui est peut-être fustigé ici, avance Françoise Renaud, directrice marketing et innovation de l'Union des annonceurs. Avec la multiplication des chaînes, la télévision est de plus en plus perçue comme une consommation individuelle. » Certains moyens sont jugés non gênants, mais inefficaces : c'est le cas de la publicité cinéma, de celle dans les transports, mais aussi du parrainage TV.

Reste la pire des catégories, regroupant les moyens de communication jugés à la fois gênants et inefficaces : les prospectus distribués dans la rue, le placement de produits, les appels téléphoniques, les publicités sur les sites Internet, les moteurs de recherche et les portails, ainsi que les courriels et SMS de marques ou d'entreprise. « Tout ce qui passe par Internet suscite des niveaux de gêne assez élevés, sans que ces contacts soient jugés très utiles, analyse Pierre Gomy. Autant il est facile de jeter un prospectus, de zapper un spot TV ou radio, autant il est difficile d'éviter les bannières, les SMS ou toute autre communication trop intrusive. »

Plus globalement, le recours aux nouvelles technologies (Internet, SMS, réseaux sociaux, blogs, etc.) est jugé inefficace : 86% des Français interrogés estiment que cela ne les influence guère, et 76% estiment qu'il s'agit d'un nouveau pas franchi dans la manipulation. « Le public a le sentiment que la publicité se précipite sur le moindre espace disponible », déplore ainsi Vincent Leclabart, d'Australie.

Face à cette surexposition à la communication, les consommateurs auraient construit une sorte de « bulle » privée qu'ils admettent de moins en moins de voir envahie. « Les gens ont tendance à rejeter la publicité sur ces nouveaux supports, car ils ont la sensation d'un trop plein, mais il n'y a pas de rejet franc et massif », constate Pierre Gomy, de TNS Sofres.

L'acceptation ne serait qu'une question de temps, approuve Nicolas Bordas, de TBWA : « Quand la publicité arrive sur un espace jusque-là vierge, comme Facebook ou Twitter, la première réaction est souvent négative. Mais quand elle apparaît comme une solution pour bénéficier d'un service, l'attitude des gens change. Les annonceurs et les agences doivent proposer une communication dont la forme soit acceptable par les gens. »

Un signal pour les marques et les agences médias

Cependant, certains secteurs d'activité semblent cristalliser le rejet plus que d'autres. Ainsi, la communication de la grande consommation, de la banque-assurance, des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs d'accès à Internet est considérée comme « intense » et « gênante ». « Plus que la qualité de leur communication, cela traduit davantage, selon moi, la mauvaise image générale que le public a de ces secteurs », analyse Vincent Leclabart. A contrario, la communication des grandes surfaces et celle des constructeurs automobiles, bien que jugées « intenses », restent « acceptables » pour les Français.

Sur tous les items de son étude, TNS Sofres confirme l'existence d'un fossé générationnel, séparant les 18-34 ans de leurs aînés. Plus ouverts à la publicité, les plus jeunes sont tout prêts à défendre les marques, voire à en devenir les ambassadeurs en échange de gratuité et s'ils peuvent en (faire) profiter… Vous avez dit sans scrupules ? « Ils sont pragmatiques », rétorque Pierre Gomy, pour qui cette attitude constitue une piste à explorer pour les marques.

Selon l'insitut d'études, qui a identifié trois « familles » de public (voir encadré), cette étude est, in fine, un signal adressé aux marques et aux agences médias. « Sur certains moyens de communication, il y a un sentiment de trop plein, résume Pierre Gomy. Il faut l'avoir en tête. Peut-être pas faire moins, mais faire moins de communication de masse et plus de ciblage. »

Un message défendu par des publicitaires, comme Nicolas Bordas : « Que l'intensification de la communication soit considérée comme une mauvaise chose résulte, selon moi, d'un excès de la quantité de publicité. Nous devons le combattre en diminuant le nombre de panneaux publicitaires et les coupures de publicité à la télévision, en évitant l'intrusion publicitaire inadéquate. » Vincent Leclabart ajoute : « Cette étude montre, une nouvelle fois, que la publicité a la nécessité d'être plus créative, plus distrayante. »

Du côté des annonceurs, l'enquête pourrait en inquiéter quelques uns. Sans remettre en question l'intérêt de l'étude, Françoise Renaud, de l'UDA, estime que « ces résultats sont trop bruts pour être utilisés en l'état » et que, sur certains items, il existe des signaux d'alerte qui méritent d'être approfondis… dans les mois à venir.

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