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Audipresse a publié le 22 mars les résultats de One, attendus avec impatience par le marché. Pour la première fois, une étude unique mesure l’audience des journaux et des magazines. Objectif: faire gagner au média presse des parts de marché sur la télévision et la radio.

Cela faisait des mois que les éditeurs, les régies et les agences l'attendaient, non sans fébrilité. Jeudi 22 mars, à l'occasion du 22e Observatoire de la presse, organisé conjointement avec l'OJD, la société interprofessionnelle Audipresse a présenté les résultats de One, la première étude d'audience commune aux journaux et magazines. Jusque-là, les premiers étaient mesurés par l'étude de la presse d'information quotidienne (Epiq), les seconds par AEPM (Audiences et études de la presse magazine), dont la dernière vague a été publiée en septembre 2010. Cela fait donc un an et demi que la presse n'a pas vu son audience mesurée. D'où l'enthousiasme qui entoure la publication de la première étude One. Pourquoi une telle attente? Que change vraiment cette étude?

 

Enfin de nouveaux chiffres. Quotidiens nationaux, régionaux, payants ou gratuits, magazines hebdomadaires, mensuels, bi ou trimestriels: l'audience de près de 250 titres et couplages a été passée au peigne fin grâce à un échantillon sans précédent de 35 600 interviewés pour l'échantillon national – qui sera enrichi, en septembre prochain, par 14 400 personnes interrogées, afin de rendre compte de la lecture départementale. Une méthodologie renforcée qui permet de mesurer l'audience des titres français de façon plus précise. «L'échantillon total va atteindre les 50 000 personnes, soit le plus important dans les études de lectorat européennes», remarque Constance Benqué, présidente de Lagardère Publicité. Avant toute chose, One livre au marché des chiffres actualisés, les premiers depuis septembre 2010, date de publication des derniers résultats des études Epiq et AEPM. «Il était temps», soupire Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse chez Carat. «Cela fait dix-huit mois que nous travaillons avec la même étude d'audience, d'où une certaine excitation aujourd'hui», se réjouit Véronique Priou, directrice du pôle presse de Zenith-Optimedia.

 

Qui sont les grands gagnants? Indéniablement, la presse gratuite d'information. Avec près de 4,3 millions de lecteurs quotidiens, 20 Minutes confirme sa place de premier quotidien de France en audience. A ses côtés sur le podium, Metro (3 millions de lecteurs quotidiens) et Direct matin (2,7 millions), premier quotidien en distribution en 2011 selon l'OJD. Ces chiffres ne peuvent toutefois pas être comparés avec les études antérieures, changement de méthodologie oblige. Du côté des quotidiens payants, c'est Le Parisien-Aujourd'hui en France (2,443 millions de lecteurs) qui ressort en tête, suivi par Ouest France (2,441 millions) et L'Equipe (2,2 millions). Avec plus de 1,9 million de lecteurs chaque jour, Le Monde confirme son poids face au Figaro (1,2 million), Libération (961 000) et Les Echos (468 000).

Du côté de la presse quotidienne régionale, Ouest France confirme sa suprématie, loin devant La Voix du Nord (1,14 million), qui double de peu Sud-Ouest (1,08 million), autrefois devant son concurrent nordiste dans l'étude Epiq. «Chaque jour, plus de 35 millions de Français sont lecteurs de presse, 21,9 millions lisent au moins un quotidien», explique Xavier Dordor, directeur général d'Audipresse. C'est en effet l'une des nouvelles, réconfortantes s'il en est, de cette étude. Malgré les divers discours anxiogènes sur la crise de la presse et sur la désaffection de son public, les Français montrent leur intérêt pour le papier, surtout s'il est glacé. L'antienne vaut toujours: «La France reste championne de la lecture de presse magazine», constate Xavier Dordor. Chaque Français lit en moyenne 5,7 magazines, dont un titre de presse télé, 2,1 titres de l'univers féminin-people-santé et 1,2 titre à centre d'intérêts.

Sans surprise, la presse télévisée tient le haut du pavé en termes d'audience. Avec pour rouleau-compresseur le colosse TV magazine, imbattable avec son audience de 15,9 millions de lecteurs. Le deuxième du classement réalise un peu plus de la moitié de l'audience du supplément TV des quotidiens régionaux, fusionné il y a trois ans avec son homologue du groupe Lagardère: Version Femina peut se prévaloir de près de 8,3 millions de lecteurs.

Le gros du bataillon de la presse hebdomadaire TV réunit entre 4 et 5,5 millions de lecteurs, de Télé star (4,2 millions) à Télé 7 jours (5,5 millions), tandis que Télé 2 semaines (4,3 millions) et TV grandes chaînes (2,8 millions) domine le classement des bimensuels. Canalsat magazine (7,2 millions) et Plus, l'autre magazine de Canal Plus (6,8 millions) font de même pour l'audience des mensuels, comme dans les anciennes études AEPM.

Alors que l'on a beaucoup glosé sur le déclin de la presse people et l'érosion de la diffusion de la plupart des titres de cette famille (voir Stratégies n° 1668), les titres people font figure de chouchous des lecteurs: juste après l'immarcescible picture magazine Paris match (3,7 millions), on retrouve en bonne place, dans l'ordre, Closer (3,4 millions), Voici (3,3 millions) et Public (2,6 millions).

Dans la famille des news, Le Nouvel Observateur est le plus lu (2,4 millions), devant L'Express (2,1 millions) et Le Point (1,8 million). Télérama, qui revendique un positionnement news, se situe à 2,4 millions de lecteurs, juste au-dessus du Nouvel Obs.

 

Les nouveautés mesurées. Pour les petits nouveaux de la presse, c'est l'heure de vérité. Enfin, les principaux lancements de ces dernières années: Be, Grazia, GQ, mais également Madame Figaro en format pocket, voient leur audience mesurée. «Depuis trois ans, la presse a beaucoup bougé, tant en termes d'investissements qu'en termes de “devices” [Internet, mobiles, tablettes]. One mesure aujourd'hui tout ce que les éditeurs ont investi ces dernières années», souligne Véronique Priou, de Zenith-Optimedia.

Le lancement de Grazia, en août 2009, a créé une petite révolution dans la presse féminine, tant en termes de périodicité que de ton. Autant dire que les observateurs sont curieux de voir si l'hebdomadaire de Mondadori a conquis autant les lecteurs que le marché publicitaire. Pour l'heure, avec ses 853 000 lecteurs chaque semaine, le titre glamour est encore très loin d'Elle et ses deux millions de lecteurs. En revanche, Grazia devance son concurrent direct Be, lancé quelques mois plus tard par Lagardère Active et dont l'audience frôle les 700 000 lecteurs. Egalement attendue, l'audience de Madame Figaro, pour lequel le groupe Figaro a lancé il y a tout juste un an un format pocket, vendu en kiosque de façon autonome. Avec 1,3 million de lecteurs à chaque numéro, le magazine ne bouleverse pas la hiérarchie des hebdomadaires féminins.

Côté messieurs, GQ est l'autre nouveauté mesurée pour la première fois par One. Unanimement salué comme une réussite éditoriale, le mensuel haut de gamme du groupe Condé Nast, lancé en mars 2008, réunit une audience de 323 000 lecteurs, loin derrière son concurrent, certes moins chic, FHM (670 000 lecteurs).

Relancé en septembre 2011, M le magazine du Monde a quant à lui réussi sa mue, du moins dans les yeux de ses lecteurs: il affiche une audience de 1,6 million de lecteurs et talonne son concurrent direct, Le Figaro magazine (1,63 million).

 

Les usages mieux pris en compte. Plus que des chiffres d'audience actualisés, l'étude One permet, par sa méthodologie même, une meilleure prise en compte des nouveaux usages. Pour la première fois sont mesurées les lectures convergentes de la presse, c'est-à-dire l'audience des marques de presse, tous supports confondus: papier, Internet, smartphones et/ou tablettes.

Cinquante-trois titres sont ainsi mesurés. Objectif: mieux comprendre le parcours des lecteurs sur ces nouveaux supports et, ce faisant, mieux orienter les annonceurs. «Ce sont des données précieuses qui vont permettre de comprendre les chemins de lecture: on peut ainsi isoler les lecteurs exclusifs de presse», se réjouit Sophie Renaud, de Carat.

«La marque Le Monde est leader sur les 25-49 ans CSP+ ainsi que sur les hauts revenus. Ces résultats devraient nous aider à combler le décalage entre la réalité et la perception du marché publicitaire, souligne Corinne Mrejen, directrice de M Publicité. One permet de mesurer les montées en charge du numérique et donc la “digitalisation” de nos marques.» A lui seul, précise-t-elle, Le Monde réalise 60% de son audience dans le numérique, qu'il s'agisse de lecteurs exclusifs ou qui s'informent à la fois par le journal papier et par Internet.

A titre de comparaison, presque 60% de l'audience du Figaro se fait exclusivement avec le papier, une part qui monte à près de 64% pour L'Express, 67% pour Le Nouvel Observateur et 71% pour 20 Minutes. A l'inverse, parmi les marques les plus numériques, Première, Libération, L'Expansion et L'Equipe.«Mesurer l'audience des extensions digitales des marques de presse peut faire évoluer la stratégie d'implémentation des annonceurs», estime Véronique Priou, de Zenith-Optimedia.

Autre innovation de One, la prise en compte non plus seulement du lieu d'habitation, mais également de tous les lieux de vie, que ce soit les départements dans lesquels les sondés travaillent, partent en vacances ou ont des attaches personnelles. «Trois Français sur quatre sont liés à plus d'un département», explique Xavier Dordor, d'Audipresse. Tous les médias le constatent: les Français sont de plus en plus mobiles. «Cela permet de mesurer plus précisément l'ensemble des lectures», remarque Aurore Domont, directrice exécutive de Prisma Pub.

 

Un médiaplanning facilité. La principale avancée de One est de réunir au sein d'une même étude d'audience, utilisant donc une méthodologie unique, la presse quotidienne et magazine. «Pour que la presse soit plus forte face aux autres grands médias au plan publicitaire, il fallait en finir avec l'éparpillement des études d'audience, pointe Pierre Conte, président de Figaro Médias et d'Audipresse. Cinq années de travail ont été nécessaires, au cours desquelles ont été associées toutes les familles de presse, le Centre d'étude des supports de publicité (CESP) ainsi qu'un comité de pilotage réunissant les meilleurs patrons d'études. Toute étude est imparfaite, mais One a des présomptions fortes d'être moins imparfaite.»

Certes, il y avait jusque-là la BUP, la «base unifiée presse», une modélisation statistique utilisant les données des études AEPM et Epiq destinée à des plans médias mixant presse quotidienne et magazines. Une construction artificielle et donc imparfaite que vient aujourd'hui remplacer l'étude One. «Ce décloisonnement permet une mesure plus précise de l'audience réelle de la presse. Je ne suis pas certaine que nous allons multiplier les plans qui mixent la presse quotidienne et magazine, mais pourquoi pas, cela peut ouvrir des perspectives», estime Véronique Priou. «One permettra de consolider les plans mixtes, chose impossible avant», renchérit Sophie Renaud, de Carat.

De quoi disputer leurs parts de marché à d'autres médias puissants? «On ne pourra jamais disposer d'un comptage de l'audience automatique, comme c'est le cas pour la télévision ou l'Internet: le média ne s'y prête pas. Mais l'étude One permet une analyse très fine du lectorat», ajoute Sophie Renaud.

L'objectif de One est donc d'augmenter le poids global du média presse en termes d'investissements publicitaires. «Nous voulons installer le réflexe de référencement de la presse dans les plans médias des annonceurs. Plus nous serons puissants, lisibles et transparents, plus nous pensons que cela aidera à promouvoir la part de marché de la presse dans les investissements des annonceurs», espère Pierre Conte.

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