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Monique Atlan a publié en janvier 2002 avec Roger-Pol Droit «Humain. Enquête sur ces révolutions qui changent nos vies"»(Flammarion).

Peut-on encore parler d'une fracture numérique?

Monique Atlan. Il y a une grande entourloupe avec l'idée d'une fracture numérique qui opposerait les connectés aux déconnectés. Ce fut une réalité quantitative, mais ce qui fait la différence aujourd'hui, c'est l'usage qualitatif. The Kaiser Family Foundation montre qu'on joue 90 minutes de plus par jour sur le numérique dans les milieux défavorisés alors que ce n'était que 16 minutes il y a dix ans. L'écart, donc, s'approfondit. Mais Internet ne fait que révéler des différences d'attitudes.


Se déconnecter, est-ce se couper du réel ou du virtuel?

M.A. La question qui se pose est celle de la réorganisation psychique qu'on se fait du réel et du virtuel. Faut-il dire que les «amis» de Facebook ne sont pas des gens réels ou plutôt qu'ils sont un mode d'expression du réel? Des coachs, dans la Silicon Valley, apprennent aujourd'hui à se déconnecter. Il y a des espaces pour échapper aux outils technologiques. Mais ce n'est valable que si l'on en a les moyens. C'est un luxe. On se déconnecte à hauteur de ce qu'on se connecte.

 

Sommes-nous menacés par l'addiction?

M.A. On voit monter aux Etats-Unis une idée productiviste de temps gaspillé sur Internet que les parents devraient contrôler. Mais cela veut dire quoi? Il y a certes des comportements plus addictifs et soumis que d'autres, qui sont plus créatifs et plus raisonnables. Evidemment que les parents et les enfants doivent être sensibilisés. Mais je crois surtout à un apprentissage d'Internet. Et je ne vois pas pourquoi on stigmatiserait un usage rêveur qui favorise la créativité.

 

Comment avoir un bon usage de la technologie?

M.A. En ayant conscience que, comme le dit Evgeny Morozov, il y a une injonction à partager tout ce qu'on est. Julia Kristeva parle d'une génération qui préfère se laisser intoxiquer par les images plutôt que de se faire des représentations et de fonder sa propre singularité. Il faut donc être armé culturellement et psychologiquement pour faire un choix. Le problème est la part de liberté que l'on s'accorde vis-à-vis de l'outil alors que l'on n'éduque plus les gens à la notion de limite et de frontière.

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