Pour les annonceurs, le «brand content» est non mercantile, informatif et réinvente la relation à la marque en transformant la passivité en engagement par un travail sur l'essence de la marque, selon une étude Limelight/Opinion Way exclusive.

«Une marque intéressante avant d'être intéressée.» Cette définition du «brand content» donné par un annonceur dit plutôt bien ce que recouvre ce fameux mot-valise entré dans le langage du marketing ces dernières années. Brand content, un terme anglais pour faire du neuf avec du vieux et qui a supplanté le «contenu de marque» existant depuis le début du XXe siècle avec, notamment, Michelin et ses guides.

Mais le sujet n'est pas que sémantique. Avec Internet et les réseaux sociaux, le contenu de marque est devenu une notion assez floue, se déployant tous azimuts, sous de multiples formes, sans qu'en soient toujours clairement définis les objectifs.

L'étude de cadrage menée entre novembre 2012 et janvier 2013 par Limelight Consulting et Opinion Way auprès de 495 professionnels (139 annonceurs et 356 partenaires: agences, régies et maisons de production) avec Stratégies, livre à date un état de l'art du brand content, et surtout la perception qu'en ont les annonceurs.

«Tout le monde fait du brand content», résume Amaury Laurentin, directeur du développement de Limelight. En effet, 67% des annonceurs interrogés sont actifs et disent avoir déjà réalisé une opération ou être en cours, et 82% comptent à l'avenir l'intégrer dans leur plan de communication. «Pour 8 annonceurs sur 10, le brand content est complémentaire des autres actions, poursuit Amaury Laurentin. Il ne remplacera pas la publicité, mais va remonter dans la réflexion globale.»

Quelle définition en donnent-ils? La chose semble entendue, le brand content est non mercantile. ll est à la fois informatif et impliquant. Il est plus proche de l'essence de la marque, de sa valeur immatérielle que du produit et, à sa façon, réinvente la relation à la marque en «transformant la passivité en engagement», résume un annonceur.

Les objectifs qu'on lui assigne en découlent. A 86%, la finalité d'une opération de brand content pour les annonceurs est de «travailler la culture de la marque» et à 71% de «renforcer la préférence de marque», pour seulement 14% «augmenter les ventes».

Aurélie Boué, directrice générale de BETC Content, apporte une nuance: «Certes, l'étude confirme que le brand content travaille sur la marque et son univers, et pas sur le produit, dans une recherche de sens et pas de relation transactionnelle, mais c'est un levier de croissance qui a forcément un effet sur les ventes.» Et de poursuivre: «Les city guide de Louis Vuitton que nous réalisons nourrissent l'imaginaire de la marque mais s'inscrivent dans un cercle vertueux.»

De même, entre 2009 et 2011, Havana Club, en préemptant le territoire de la culture cubaine, a progressé de 18% et est devenu la marque préférée des barmen. Une stratégie efficace menée avec son agence M&C Saatchi GAD, récompensée en 2012 par le Grand Prix Euro Effie et le Grand Prix Stratégies du brand content.

Spectre large et multicanal

La capacité à générer de l'implication et de l'engagement est bien la première «valeur ajoutée» du brand content pour 83% des annonceurs, suivie de «l'interactivité» (73%). A cet égard, la stratégie communautaire menée par Oasis et son agence Marcel ayant transformé ses fruits en icones est récompensée sur tous les terrains. Outre le Phénix d'or de l'UDA remporté en 2011 et 2013, la marque a vu sa part de marché gagner 2,1 points entre 2005 et 2011 et son chiffre d'affaires être multiplié par deux. Sa communauté de fans sur Facebook est surconsommatrice de la marque: 84 % des fans Oasis ont consommé la marque entre juin et décembre 2011 soit 27 points de plus par rapport aux non-fans.

Dans l'étude Limelight, qui relève pas moins de dix-sept opérations pouvant être considérées comme du brand content – ce qui confirme un certain flou sur le sujet –, le spectre est large et multicanal. «Les partenaires privilégient films et musique quand les annonceurs mettent en avant le rôle des réseaux sociaux», souligne Amaury Laurentin.

En effet, si, pour tous, les films sont par excellence du brand content, les partenaires les plébiscitent davantage que les annonceurs. Ainsi, les webséries arrivent en tête, considérées comme du brand content par 77% des annonceurs et 83% des partenaires à l'instar du programme court (55% des annonceurs pour 71% des partenaires). Idem pour la programmation musicale (35% pour 46%) les partenariats artistiques (36% pour 49%) et les jeux (35% pour 43%).

Plus clivant, voire inattendu: la présence sur les médias sociaux perçue comme du brand content par une majorité d'annonceurs (51%), mais seulement un gros tiers de partenaires (39%). La présence de sociétés de production dans le panel est peut être une explication à ce faible taux… «Un résultat étonnant» pour Stéphane Guerry, directeur général de Saatchi & Saatchi Duke. «Car, dit-il, on ne construit pas un engagement durable pour une marque sur les réseaux sociaux sans proposer un contenu de marque original à la fois éditorial et visuel.» Dont acte.

L'avenir aux agences hybrides?

Limelight s'est aussi penché sur le choix des partenaires. Pour les annonceurs, quand l'idée ou le concept sont privilégiés (62% des cas), l'agence de publicité/corporate est le partenaire le plus légitime (34%). Quand le contenu rédactionnel est prioritaire (31% des cas), c'est l'agence de communication éditoriale (53%). A cet égard le cas de Leroy Merlin et de son programme «Du côté de chez vous» (depuis 1997) est exemplaire. L'enseigne, conseillée par l'agence éditoriale Textuel La Mine, a préempté le territoire de la décoration et de la maison, et est devenue une marque média via une émission TV, un magazine et sur Internet.

Quant aux agences médias, qui sortent bas dans ce classement, Thomas Jamet, président de Moxie et de la commission brand content de l'Udecam, n'est pas surpris des résultats. Dans son livre à paraître en mai Les Nouveaux Défis du brand content (Editions Pearson-Village mondial), il prédit un avenir aux agences hybrides. «Réussir une stratégie de brand content, c'est à la fois bien comprendre le consommateur, produire du contenu de qualité et bien déployer un système média dans une approche “earned”, “paid” et “owned media”, ce que nous avons fait pour Renault Twizy» dit-il.

Sur ce terrain, Red Bull et son opération Stratos reste la référence saluée par tous, selon Limelight. L'an passé, la boisson énergisante à base de taurine (produit contesté) a fait sensation en organisant le record du monde de saut en chute libre (39 000 mètres d'altitude) à partir d'une capsule spatiale. L'investissement, estimé entre 40 et 50 millions d'euros, aurait bénéficié de retombées médias trois fois supérieures. Le brand content, c'est aussi ça!

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