Création
Michel Bouvet, graphiste et affichiste français, est le commissaire général de la 2e édition de la Fête du graphisme, qui se tient à Paris jusqu'au 4 mars. Il défend une discipline encore sous-employée en France et pourtant foisonnante de créativité.

Au regard de la production présentée à la Fête du graphisme, quelle est la place aujourd'hui de cette discipline dans le champ de la création?

Michel Bouvet. Le dynamisme créatif du graphisme à travers la planète est étonnant et surpasse certaines autres disciplines artistiques. Alors que la publicité obéit à des règles et à de fortes contraintes et que l'art contemporain est lui aussi, à sa manière, régi par les règles du marché, le graphisme, lui, n'est pas soumis à un establishment. Il est vrai aussi que les enjeux ne sont pas les mêmes: une affiche de concert ou un générique de film n'ont pas l'impact d'une campagne publicitaire pour le lancement d'un nouveau modèle de voiture, par exemple. Mais du coup, les prises de risque sont plus grandes dans le monde du graphisme, qui foisonne d'inventivité et touche à une diversité incroyable de territoires et de supports (affiches, livres, revues, sites internet, génériques de film, clips, enseignes, signalétiques, étiquettes...). Le graphisme est partout autour de nous. Mais les gens ne s'en aperçoivent pas.

 

Il faut dire que, dans notre quotidien, la qualité du graphisme n'est pas toujours au rendez-vous...

M.B. C'est malheureusement vrai. Les entrées de ville avec les enseignes de magasins, la signalétique, les centres commerciaux sont de véritables catastrophes visuelles. Même les affiches de cinéma manquent cruellement d'invention! En ne s'attaquant pas à ce genre de problème, les pouvoirs publics et les entreprises de ce pays ont habitué les gens à vivre dans la laideur. A cause du peu d'intérêt des acteurs (publics comme privés) pour cette discipline, les graphistes de talent se sont donc repliés sur quelques secteurs un peu plus ouverts comme la culture, le social, le luxe, la mode et dans une moindre mesure l'édition. Finalement, aujourd'hui, il y a les publicitaires pour le CAC 40, les graphistes pour ces travaux périphériques et personne pour tout le reste, à savoir des milliers de PME. Le graphisme est dramatiquement sous employé.

 

La France serait-elle en retard ?

M.B. Au niveau des talents et de la production effective, pas du tout. La France est le pays produisant le plus d'affiches au monde, et la section française de l'Alliance graphique internationale, qui réunit l'élite mondiale de ce métier, est l'une des trois plus importantes. Mais il n'y a pas chez nous de politique et d'engagement réellement volontaristes en faveur du graphisme comme aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, aux Etats-Unis et surtout au Japon qui reste la référence en terme de graphisme. Dans ce pays, tout est habité par le graphisme. Dans un autre registre, la Pologne est aussi une référence. C'est sous l'impulsion du régime communiste que s'est développée dans les années 1950 la fameuse «école polonaise de l'affiche». Aujourd'hui, les pouvoirs publics français semblent bouger sur cette question - la fête du graphisme en est l'illustration. Mais on est encore loin de pays comme les Pays-Bas, où la police nationale a confié l'ensemble de son identité graphique à un studio, Dumbar.

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