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La plateforme publicitaire acquise et relancée par Facebook a noué des partenariats avec plusieurs grandes agences médias. De quoi révolutionner l’approche marketing.

Au suivant ! Après Omnicom Media Group et Havas Media Group, Vivaki (groupe Publicis) est le troisième des six géants de l’achat et du conseil média à avoir conclu un accord global avec la plateforme publicitaire Atlas de Facebook. A l’heure où nous bouclons, celle-ci est également en négociations avec WPP. Pourquoi un tel engouement ? Dévoilée en septembre 2014, Atlas permet de suivre le comportement des internautes passant d’un terminal à un autre alors que les cookies ne fonctionnent pas sur le smartphone. « Jusqu’à présent, les agences butaient toutes sur le mobile. Elles offraient au mieux des solutions bricolées, confirme Raphaël de Andréis, directeur général d’Havas Media France. Maintenant, il existe une solution technique pour mesurer l’ensemble de la vie digitale d’un internaute et donc construire de vraies stratégies sur un parcours sans rupture. »

Une avancée marketing rendue d’autant plus nécessaire que l’utilisation des supports mobiles est devenue majoritaire, notamment pour accéder aux réseaux sociaux. En outre, le parcours d’un internaute se complexifie. « Vingt-quatre points de contact sont nécessaires avant l’achat d’un voyage en ligne », indique ainsi Mathieu Férel, directeur associé d’ESV Digital, agence conseil en marketing digital qui a développé un outil d’évaluation de la contribution de chacun des leviers marketing dans le processus de conversion. Enfin, 40% des impressions (publicités sur une page web) ne toucheraient pas la cible voulue par l’annonceur. « Tracker l’utilisateur de plusieurs écrans représente le Graal pour tout annonceur, souligne Philippe Lourenço, fondateur de Mister Bell, régie publicitaire spécialisée sur le mobile. Mais cela s’avère déjà difficile d’arriver à le suivre rien que sur son smartphone. » Le dirigeant estime cependant que sa société a trouvé la solution grâce à une technologie présentée en février dernier. « Basée sur le finger printing, elle permet de retrouver un internaute sur mobile à 99% », avance-t-il. Lorsque l’utilisateur d’une application clique sur une publicité, la plateforme prend en compte l’appareil utilisé, l’écran, la langue, la version du navigateur… De nombreux paramètres qui vont permettre d’avoir des données précises afin de le reconnaître par la suite. « Mister Bell est alors capable de dire quelles ont été les publicités vues par l’utilisateur, les commandes qu’il a passées… et donc de lui adresser le bon message », explique Philippe Lourenço.

Une avancée, certes, mais encore limitée à un type de support et aux contacts de ses clients, et donc très éloignée des perspectives globales affichées par Atlas. « Nous avons démontré à des annonceurs comme Meetic et Accor que la publicité sur le mobile, encore sous-développée en France, permet de recruter de nouveaux clients, revendique toutefois le patron de la régie. Et nous avons mesuré pour Vert Baudet que les investissements sur le mobile faisaient grimper jusqu’à +20% la fréquentation de son site web. » Mais, pour ce qui relève du « cross-device », « beaucoup en parlent et rares sont ceux qui peuvent réellement en faire, reconnaît Philippe Lourençon. Pour des questions de volume, seuls Facebook et Google en sont capables. » 

Forte de ses 1,37 milliard d’utilisateurs dans le monde possédant un identifiant Facebook, la plateforme peut les suivre dès qu’ils se connectent, quel que soit le support. Quant à Google, les utilisateurs sont nombreux mais « la part de ceux qui s’identifient en se loguant pour accéder à leur messagerie sur Gmail n’est pas aussi importante », nuance Pierre-Emmanuel Cros, directeur général de Performics, agence médias du groupe Vivaki (Publicis). Toutefois, les requêtes saisies par les internautes sur le moteur de recherche dominant « délivrent des informations précieuses sur les intentionnistes, analyse Mathieu Férel, tandis que Facebook va être plus précis dans la segmentation de cibles voulues par l’annonceur. »

Pour les agences médias, conclure un accord avec Atlas signifie qu’il leur faut se connecter avec leur plateforme d’analyse de données, comme Artemis chez Havas Media, et avec les datas de leurs clients, pour connaître l’interaction des consommateurs avec les marques concernées. Car l’objectif de l’ad server consiste à « délivrer la bonne publicité à la bonne personne au bon moment sur le bon support », proclame son responsable régional sur l’Europe du Sud, François-Xavier Pierrel. Parallèlement au traitement du problème de « cross-device », les équipes de Palo Alto ont privilégié ce qu’elles appellent le « people based marketing ». « Les données sont dorénavant centrées sur l’utilisateur et non sur les sites, explique François-Xavier Pierrel. Cela a permis par exemple de constater que, pour un réseau d’opticiens américains [Coastal], la moitié des impressions délivrées touchait des consommateurs s’étant déjà rendus dans les magasins. » 

Ce type d’approche ne pouvait qu’intéresser des acteurs d’un marché publicitaire en quête d’optimisation. L’agence Performics de Pierre-Emmanuel Cros s’est déjà lancée dans une phase test avec certains clients, afin de mesurer l’impact des dispositifs digitaux sur les ventes en magasin. « Je peux maintenant savoir si les campagnes touchant des cibles définies sur un plan socio-démographique mais enrichies par toutes les données CRM des annonceurs ont généré des ventes », se réjouit le responsable de la filiale de Publicis. 

Cette information stratégique suscite cependant quelques interrogations sur l’utilisation que fait Atlas des données. A commencer par celles de l’utilisateur, qui accepte (implicitement ?) d’être pisté sur tous les écrans par le réseau social. Mais « il s’agit de privilégier l’expérience utilisateur, de lui éviter de se retrouver 50 fois avec une bannière lui proposant une paire de chaussures qu’il a déjà choisie », explique François-Xavier Pierrel. Du côté annonceur, « on ne sait pas toujours ce que Facebook fait des données brutes, que l’entreprise garde chez elle, alors qu’elles devraient rester chez le client », prévient Mathieu Férel. Le prix à payer au nom de l’efficacité ?

Quoi qu’il en soit, Facebook se dit prêt à travailler avec tous les acteurs du marché. Et affirme ne pas privilégier ses propres espaces dans les plans médias proposés par son ad server. Autonome par rapport à la maison mère, « la plateforme n’est pas là pour lui servir la soupe », insiste François-Xavier Pierrel. D’autant que, comme n’importe quel ad server traditionnel, Atlas se rémunère sur le volume servi. Et pour le groupe, l’essentiel est d’élargir son univers, « en prenant des positions dans les ad tech », prévient le responsable Europe du Sud.  

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