Au 135 boulevard Chanzy à Montreuil, face aux grues et aux terrains en friche, de lourdes portes métalliques anonymes dissimulent plus de 1 700 m² d’ateliers et d’espaces de coworking. Antre de l’innovation, de la co-création et de la connexion créé en 2012 par Nicolas Bard, ancien publicitaire repenti, ICI Montreuil accueille aujourd’hui des artisans de tous bords, des entrepreneurs de la création, des marques souhaitant se frotter à l’innovation, des visiteurs en quête d’inspiration et même une agence de communication. À l'intérieur de cette ancienne usine de fabrication de matériel électrique, les récentes cloisons en copeaux de bois pressé tutoient les poutres métalliques bleues et les néons criards hérités de la précédente vie de la manufacture Dufour.
Localisation
Dès l’entrée, le ton est donné: piano bariolé, sculptures de bois et ribambelle de vélos accueillent les visiteurs ainsi que les 163 résidents, qui payent un abonnement à plein temps, à mi-temps ou des prestations à la carte qui donnent accès aux différents espaces de ce «creative space» multitâche: au sous-sol, les ateliers ont été pensés par spécialité (bois, métal, textile, cuir etc.) et côtoient un espace de fabrication numérique, un atelier de plasticiens et un studio photo en devenir.
À l’étage, une salle d’exposition permet de présenter les productions des artisans et de les vendre. Et dès mi-avril, pour attirer davantage le grand public, un restaurant bio y ouvrira ses portes. «Un lieu qui permet d’aller de l’idée à la vente», une ambition de Made in Montreuil, la société coopérative créée par Nicolas Bard et son épouse Christine, pour promouvoir le made in France et en particulier les productions locales.
Héritage créatif
Habitant Montreuil depuis quatorze ans, amoureux de cette ville «à part, qui a vu passer Georges Méliès, qui a donné naissance au premier studio de cinéma et qui a vu s’installer tout un écosystème de la création», ils ont voulu «valoriser les talents dans un espace bienveillant.» Une bienveillance qui se traduit aujourd’hui par l’entraide entre les résidents et le réseau de Nicolas Bard: le jeudi c’est compta et le vendredi on bosse sur les business plans avec des financiers. Les réunions s’improvisent sur un coin de table en bois de récupération ou se prévoient façon workshop au cas par cas. «Les résidents ont besoin d’aide pour ces compétences qu’ils n’ont pas comme la stratégie de communication, le business plan etc.», ajoute le fondateur des lieux, qui veille au grain et fait tout pour «aider les utilisateurs à développer leurs activités économiques».
Un développement qui passe bien souvent par la participation des résidents à l’autre activité d’ICI Montreuil: l’émulation collective à destination des marques. Pour certaines entreprises, comme la Société générale (voir encadré), Nicolas Bard constitue «des équipes qui sont rémunérées, ce qui leur permet de développer leur réseau. Les annonceurs deviennent parfois leurs clients pour d'autres prestations.»
Revisite de site
Une manière de faire différente, à la sauce Bard, pour cet ancien publicitaire que les relations agences-annonceurs exaspèrent. Passé par Mindshare, Initiative, Circus Paris, cofondateur de Naked Communication Paris, le manque d’exigence des annonceurs le sidère et le fait que les agences françaises facturent un temps passé plutôt que leurs bonnes idées finit de le désespérer.
À ICI Montreuil, les marques viennent pour qu’on les aide à innover: trouver des concepts, de nouveaux services, de nouveaux produits à l’issue d’une journée ou d’un cycle d’ateliers réalisés en cocréation avec des résidents et des collaborateurs de la marque. Mais aussi pour la conception, la création et l'animation de lieux innovants comme ce fut le cas pour Holcim, leader du béton, qui souhaitait revitaliser un site de production dans le nord de la France.
Les clients sont nombreux (Red Bull, Sony, Ubisoft, Air liquide, Renault...) et les besoins diversifiés. Prochain objectif de Nicolas Bard: convaincre agences et annonceurs de prendre des abonnements sur le long terme pour que les collaborateurs puissent venir régulièrement en immersion. Le nouveau souffle de la création se situerait-il de l'autre côté du périphérique?
