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La data management platform agrège et unifie l’ensemble des données permettant de mieux toucher et séduire un individu. Un chantier complexe à l’ordre du jour des directions marketing.

C'est LE buzzword du moment. DMP : trois lettres pour dire data management platform, en français « plateforme de gestion de données », ou « plateforme de gestion d’audiences ». La DMP a envahi les blogs et les forums professionnels, s’imposant comme le nouvelle préoccupation des directions marketing. Mais de quoi s’agit-il ? Techniquement, le terme désigne une plateforme algorithmique surpuissante permettant de collecter, de trier, d’analyser une somme colossale de données. « L’objectif premier est d’enrichir la connaissance du client et du prospect, explique Alain Levy, PDG du spécialiste de la data Weborama. Avec la DMP, toutes les données sont unifiées autour de la personne. Et les marques peuvent enfin se développer à partir du fameux “customer centric”. L’individu devient le point d’entrée de toute réflexion, de toute stratégie, de toute action marketing. »

Mais alors, quelle différence avec les « datamarts », ces mégabases de données CRM nées dans les années 2000 pour gérer la relation client ? Réponse : la nature et le volume des données. La DMP va brasser la data CRM, mais pas seulement. Connectée aux autres sources de production et de gestion des données, elle agrège les données « propriétaires » d’une entreprise, issues par exemple du trafic sur son site web, mais aussi les données extérieures venues de sources tierces : études, fichiers, réseaux sociaux… La DMP est en quelque sorte une datamart mise à l’heure du big data.

Valoriser la data

Elle a, en plus, une finalité d’activation marketing. Son rôle est en effet de lancer des actions, de gérer des campagnes, de nourrir des stratégies marketing. « Une DMP a trois fonctions majeures : personnaliser la relation avec le prospect ou le client, optimiser les processus d’approvisionnement, les achats, la logistique, et prévoir la demande du consommateur pour adapter l’offre », résume Romain Chaumais, fondateur et directeur des opérations de l’agence conseil en technologie digitale Ysance. Donner – enfin ! – de la valeur à la data : telle est la promesse de la DMP.

Comment, dès lors, ne pas s’enthousiasmer pour un tel outil ? GDF Suez, Cofinoga, Bouygues Telecom, Havas, AuFéminin, Le Figaro, L’Oréal, Groupama, Parc Astérix, Cdiscount… Autant d’entreprises françaises qui ont déjà franchi le pas, avec des ambitions et des objectifs variés. « Nous voulions agréger en un même endroit des données comportementales liées à l’e-mailing, au display, à l’achat et à la navigation web. Nous cherchons ainsi à optimiser nos compagnes digitales dans un contexte de forte croissance de l’entreprise et de forte pression concurrentielle », explique Jérôme Sutter, vice-président marketing acquisition et CRM Europe du site de loisir Weekendesk.

En fonction de l’objectif qu’on lui assigne, la DMP peut actionner plusieurs niveaux de puissance de calcul. Un premier niveau vise à améliorer l’achat média et la performance des campagnes publicitaires. Un deuxième, plus élaborée, permet de maîtriser la gestion de la relation client sur l’ensemble des points d’interaction. Enfin, au dernier étage de la fusée, une activité de gestion globale de la data connecte la totalité des outils d’information de l’entreprise.

Dans la majorité des cas, les dispositifs en place et les projets en orbite se cantonnent à la première phase « média ». La Redoute, qui compte plus de 10 millions de clients actifs, a mis sur pied, en 2014, une plateforme pour collecter, segmenter, activer ses données clients et prospects, et animer son programme de personnalisation. Après avoir rencontré une bonne dizaine d’acteurs du marché, le e-commerçant a testé durant six mois la solution de Weborama avant de l’adopter. « Une DMP, c’est un système à la fois très complexe et très neuf. Il est indispensable de la tester en réel, pour mesurer son efficacité et éprouver son appropriation en interne et sa connexion à l’écosystème externe », affirme Matthieu Coilliot, directeur marketing de La Redoute. Chez Weborama, on parle d’un taux de transformation des campagnes multiplié par 2,5.

Plus on grimpe dans les étages, plus les projets sont lourds. Il faut prévoir un bon mois pour la seule implémentation technique, de trois à six mois pour connecter les bons tuyaux et ajuster le tir d’une DMP média ou CRM, et une bonne année pour une DMP globale. « Forrester a montré qu’une stratégie globale implique la connexion d’une douzaine d’outils au sein de l’entreprise : CRM, approvisionnement, acquisition clients, e-mailing… Il faut donc adapter les organisations, faute de quoi les bénéfices ne seront pas au rendez-vous », note Romain Chaumais.

Tout cela a un prix. Pour une DMP média ou marketing, il faut prévoir une enveloppe minimale de 150 000 ou 200 000 euros. « Outre les 50 000 euros de frais d’installation, nous payons une licence d’exploitation de 100 000 euros par an. À quoi il faut ajouter le coût de mobilisation des équipes en interne », précise Jérôme Sutter, chez Weekendesk, où les premiers retours sur investissements sont attendus au terme de trois à cinq trimestres de fonctionnement.

Encore en test

Pour une DMP globale, le ticket d’entrée peut être triplé. « Cela reste un outil réservé aux grandes entreprises. En tout cas, à celles qui comptent au moins un million de clients et qui dépensent au moins 5 millions d’euros dans leur publicité digitale », soutient Éric Clémenceau, directeur général France du fournisseur de plateforme programmatique Rocket Fuel.

Les projets d’ampleur sont encore très rares et essentiellement concentrés de l’autre côté de l’Atlantique. « Nous testons plusieurs scénarios dans les entreprises. Mais il faut bien reconnaître qu’elles ne sont pas encore très avancées sur ce sujet », commente Christophe Cousin, président de l’agence conseil en data marketing Camp de bases. Côté offre, le marché est en train de se structurer autour d’une bonne quinzaine d’acteurs : Rocket Fuel, Turn, Adobe, MediaMath, Ezakus, Lotame, Nugg.ad, Makazi, Score MD, Aggregate Knowledge, Core Audience, Knotice, Npario, Weborama, Zebestof. Google a annoncé le lancement de sa propre plateforme pour le premier semestre 2015. Et la vague de rachats de DMP par de grands acteurs du marketing digital, à l’image de Rocket Fuel, qui a acquis la plateforme x + 1, ou d’Adobe, récent acquéreur de BlueKai, est un signe. La DMP pourrait vite devenir un outil marketing indispensable pour les agences et les annonceurs. Et le buzzword se transformer en un véritable marché.

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