Achat médias
La radio, la télévision et l’affichage se lancent dans l’aventure du programmatique, au moins sur la forme. L’heure est au lancement de nouvelles offres.

Pendant longtemps, les marques n’ont eu que les médias traditionnels pour communiquer avec les consommateurs. Elles ont aujourd’hui les plateformes numériques. «Les acteurs historiques sont obligés d’adopter les codes et les approches du digital, rappelle Pierre Calmard, le président d’Iprospect, le pôle marketing digital de Dentsu Aegis Network. Le marketing de masse, où l’on arrosait à tout-va, est terminé, car la déperdition est phénoménale. Ce qui représente une opportunité pour ces acteurs. Exploiter la data pour mieux qualifier les audiences est pour eux un bon moyen de valoriser leurs inventaires.»

Dans ce contexte particulièrement porteur, pas un mois ne se passe sans qu’une initiative ne rapproche les médias historiques de la logique de l’achat d’espace programmatique. À commencer par celle de Time Inc qui vient d’harmoniser la commercialisation de ses titres papiers et des ses supports digitaux. En France, où en est-on? Voici un point à date pour trois médias : la radio, la télévision et l’affichage.

 

Radio

Les radios traditionnelles ont l’habitude de vendre des spots. Or l’offre déployée sur internet permet dorénavant de cibler des auditeurs. Créateur d’A2X, une solution technologique d’achat en RTB des impressions audio, Triton Digital s’est spécialisé dans la monétisation d’inventaire audio, d’ores et déjà à l’œuvre chez les services de streaming musical. Pandora, Spotify ou Deezer s’appuient sur les données que leurs utilisateurs ont eu l’obligation de communiquer à leur inscription. Les autres, quant à eux, tentent de récupérer des cookies ou autres identifiants et de les rapprocher d’utilisateurs anonymes déjà connus. C’est cette approche que va prochainement déployer NRJ en France. «Nous avons lancé, en juin 2015, une offre programmatique audio sur nos 220 web radios, confie Kevin Benharrats, directeur délégué de la radio. Ce sera une première européenne.» Pour s’y préparer, NRJ Group avait lancé un appel d’offres dans le but de créer sa propre plateforme de data (DMP). Et il prévoit d’intégrer son système de vente (SSP). Ce changement ne signifie pas pour autant l’abandon de l’approche classique sur le réseau hertzien. « Les mass media ont encore un rôle à jouer auprès des marques. Demain, face à l’éparpillement des audiences, ils auront même une plus grande valeur », affirme Kevin Benharrats.

Un constat partagé par Guillaume Astruc, directeur général d’IP France, la régie de RTL Group. « Vouloir trop cibler peut s’avérer contreproductif, car on constate un début de ras-le-bol chez des internautes, cernés par des publicités trop personnalisées », estime-t-il. Pour les annonceurs, la régie de RTL travaille donc pour l’antenne radio sur une automatisation des processus d’achat « à partir des demandes du marché ». Son prestataire, PopCorn, développe un logiciel à même d’établir un médiaplanning en fonction des objectifs en GRP des annonceurs et des espaces disponibles.

 

Télévision

Les chaînes historiques n’ont de cesse de s’adapter au tsunami numérique. À commencer par la première d’entre elles, TF1, qui a intégré, début avril, l’offre publicitaire de son service replay dans sa plateforme de vente de vidéos en ligne, One Exchange IPTV, lancée huit mois plus tôt. Une nouvelle approche, puisque la personnalisation des messages publicitaires est impossible sur les programmes en direct, la réglementation obligeant les chaînes à diffuser la même publicité à tous. Les espaces publicitaires des émissions regardées par le public en différé sur le téléviseur – ce qui représente 45 % du replay, contre 41 % sur l’ordinateur et 14 % sur la tablette et le mobile, selon TF1 Publicité – font désormais l’objet d’une commercialisation spécifique. Sur le replay, le ciblage repose encore, comme en télévision, sur les données socio-démographiques de Médiamétrie. « Mais la prochaine étape portera sur l’individualisation des publicités à partir des données recueillies via les boxes, explique Fabrice Mollier, directeur marketing, stratégie et innovation de TF1 Publicité. Or les fournisseurs d’accès ont une connaissance globale du foyer pour la télévision, non d’un individu. » Pour aller plus loin, la plateforme One Data de TF1 propose donc, depuis mars, de programmer la campagne d’un annonceur en fonction du profil des consommateurs présents dans les audiences. « C’est la première fois que le Worldpanel de Kantar, basé sur les achats des consommateurs, est inséré dans un logiciel de médiaplanning », explique Fabrice Mollier. Plus de quarante segments de consommation (jus de fruits, café, biscuits, yaourts, eaux gazeuses…) sont progressivement entrés dans cet outil permettant de faire du mass média avec un meilleur ciblage. « Une marque pourra ainsi concentrer ses messages sur les espaces les plus exposés aux gros acheteurs d’un type de produit », précise Fabrice Mollier.

Le service public s’est, pour sa part, concentré sur son offre numérique, en se dotant, en avril, de sa plateforme DMP. « L’objectif est d’agréger toutes les données disponibles dans l’environnement de France Télévisions, ce qui enrichira l’expérience publicitaire, mais aussi éditoriale, de l’utilisateur », souligne Yannick Lacombe, le n° 2 de la régie. D’ici à la rentrée prochaine, France Télévisions Publicité analysera la data récoltée « pour constituer ensuite des segments marketing qui auront du sens pour les annonceurs ».

Aux États-Unis, Google a annoncé, mi-avril, proposer aux chaînes de télévision de les aider à planifier leur offre d’inventaire en ligne, en l’intégrant à la solution Doubleclick for Publishers. Cette offre concerne pour l’instant les émissions télévisées diffusées sur internet, sur desktop et mobile. Doubleclick possède également la technologie mDialog. Elle propose des inventaires pour vidéos en ligne, en programmatique temps réel et VOD, sur tous les écrans connectés iPad, iPhone, Android, GoogleTV, Apple TV, Roku et Xbox.

 

Affichage

Concernant l’affichage, Posterscope a inauguré, en mars, aux États-Unis, sa plateforme de RTB pour 2 800 panneaux digitaux. La filiale de Dentsu Aegis Network a eu recours à la technologie Vistar Media, qui tient compte de la localisation des panneaux et des créneaux horaires les plus propices. Qu’en est-il en France ? « Pour se lancer, il faut commencer par utiliser le même langage que le secteur du programmatique, explique Emmanuel Pottier, directeur stratégie et innovation de Clear Channel France. Plutôt que de vendre Lille, Paris ou Lyon, la régie doit également pouvoir proposer les contacts intéressant un annonceur. » Le groupe, présent sur les panneaux digitaux des centres commerciaux, a commencé à prendre en compte l’environnement des panneaux d’affichage et à commercialiser des images et messages animés en les facturant à la seconde. « On peut dorénavant vendre du coût pour mille, ce qui n’existait pas en affichage traditionnel », poursuit le responsable, tout en précisant qu’il ne va pas pour autant faire de la vente en temps réel et aux enchères. « Mais, maintenant, Netflix peut toucher 2 millions de brand lovers qui aiment le skateboard via notre offre. » 

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