Mesure
Le fameux « clic », référence absolue pour mesurer l’impact d’une publicité digitale, est-il aujourd’hui obsolète ? C’est l’avis de bien des professionnels qui cherchent à prendre en compte l’ensemble des leviers et points de contact participant à la conquête d’un client. État des lieux.

Depuis plus de dix ans, le « clic » reste un référent pour la publicité digitale. L’efficacité d’une campagne est jugée en fonction d’un seul critère : le clic de l’internaute. On parle de last click ou de first click pour attribuer 100 % de la conversion qui en découle au premier ou au dernier point de contact avec l’internaute. Or, à l’heure où, aux dires des professionnels, les internautes sont de moins en moins nombreux à cliquer, quand ils ne cliquent pas par erreur de touché sur l’écran de leur smartphone, cela ne veut plus rien dire. Et quid des campagnes digitales axées sur l’image et la notoriété d’une marque ? Et de la multiplication des canaux de diffusion ?

« Lorsque, dans le métro, je vois la publicité d’un pull à la station Auber, elle peut m’influencer, même si je ne descends pas immédiatement au Galeries Lafayette me l’acheter !, lance Charles Gros, cofondateur du trading desk indépendant Tradelab. Pourquoi cela serait différent sur le web ? »

Pour bien des professionnels, le last click, qui ne prend en considération que le point de contact final, masque d’autres leviers situés en amont du cycle de vente, et qui participent tout autant à la conquête d’un client. « Aujourd’hui, il est important de trouver un nouveau modèle d’attribution capable de mesurer efficacement l’impact de chaque canal, en y apportant un coefficient selon son niveau de contribution à la conversion », déclare ainsi Marie Le Guével, directrice générale du trading desk Amnet (Dentsu Aegis Network).

La solution multi-touch

Que propose le marché ? Selon les acteurs et leurs stratégies, différents critères sont aujourd’hui pris en compte pour établir un modèle d’attribution sur mesure, viable et cohérent. Ces critères renvoient principalement à des logiques de visibilité des bannières : date de l’exposition, position de la source, temps cumulé d’exposition, succession d’expositions, niveau d’engagement, etc.

Une fois ces éléments identifiés, différents modèles « multi-touch » (à points de contact multiples) sont potentiellement actionnables : le modèle linéaire où tous les points de contact sont crédités de façon égale ; le modèle constant, qui consiste à accorder une pondération, c’est-à-dire une valeur, croissante aux sources successives ; le modèle en déclin inversé : plus le point de contact a lieu longtemps avant la conversion, plus il est crédité ; le modèle dit « en J » , dans lequel la dernière source est la plus valorisée (généralement deux fois plus que la première) ; ou encore le modèle « en U », où les premières et dernières sources sont survalorisés avec un même coefficient, le reste étant réparti entre les autres.

Faire confiance aux algorithmes

Pour l’agence ESV Digital, auteur, en 2014, du livre blanc Les algorithmes au service de l’attribution marketing, ces modèles ont pour faiblesse de prédéfinir la pondération selon des critères subjectifs établis par les marketeurs. Par ailleurs, les règles qui régissent ces process sont bien trop simples pour représenter la diversité des mix médias, des visiteurs et de leurs parcours de conversion. La solution ? Faire confiance aux algorithmes, basés sur une pure analyse statistique des données. « Une telle approche ne prendra cependant tout son sens que si l’ensemble des points de contact avec l’internaute est analysé », indiquent les dirigeants de l’agence.

Autre adepte des algorithmes, Azaméo, un spécialiste du marketing digital à la performance. Partant du principe que plus de la moitié des internautes achètent sur les sites qu’ils connaissent, la societé a récemment introduit un critère de mémorisation de la marque dans son offre Azabrand. Objectif : mesurer le retour sur investissement d’une campagne de notoriété en ligne à partir des différentes actions du visiteur : accès direct, click banner ou entrée dans un moteur de recherche.

« En étant connecté aux sites de nos clients, nous observons la façon dont les internautes arrivent sur le site de la marque. Pour cela, nos algorithmes analysent les actions générées par l’internaute après la visualisation des bannières publicitaires. Nous observons ainsi les environnements et la fréquence de diffusion, afin de mesurer le retour sur investissement de la campagne », indique Emmanuel Niclot, directeur marketing produit d’Azaméo.

Alenty, spécialisé dans la mesure de la visibilité, a pour sa part développé des modèles d’efficacité publicitaire pour le branding, grâce à des partenariats avec des sociétés d’études (Nielsen, TNS...). Ces modèles prouvent le lien existant entre les métriques de performance (mémorisation, agrément) et les indicateurs de visibilité définis par Alenty. Pour cette société, une impression publicitaire est efficace si son message est vu dans son integralité. Alenty a donc développé une technologie de mesure unique,  permettant de savoir si la publicité d’un annonceur a été vue suffisamment longtemps. Ainsi, avec ces bureaux d’études, Alenty relie la puissance de la mesure, exhaustive et hautement technologique, à l’efficacité des processus, complexes et qualitatifs, du branding.

Logique test and learn

Mais ces nombreux modèles alternatifs ne semblent pourtant pas assez convaincants pour bouleverser les habitudes des entreprises : une écrasante majorité d’entre elles – 79 % selon l’Ifop – conserve le last click comme principal modèle d’attribution. « S’il reste majoritaire chez les annonceurs, c’est parce qu’il est le plus simple à déployer. Il est aussi celui qui les déstabilise le moins, puisqu’il leur assure la vraie performance de leurs bannières », assure Thomas Jeanjean, managing director de Criteo France. De fait, le remplacement des modèles d’attribution chamboule l’activité de l’entreprise et exige que des processus bien ancrés soient modifiés, voire remplacés par de nouvelles technologies. La crainte de s’engager dans un processus au résultat incertain est donc un vrai frein. Par ailleurs, les nouveaux modèles multi-touch sont souvent jugés trop récents et doivent faire la preuve de leur supériorité avant que le changement ne s’impose. Mais puisque le real time bidding apporte une nouvelle souplesse dans la façon d’aborder ses achats publicitaires en ligne, la logique du « test and learn » est également un bon moyen pour l’annonceur de mesurer l’impact des divers canaux publicitaires sur ses ventes. C’est le cas de ce qu’on appelle les A/B tests, qui consistent à comparer le comportement d’un groupe d’internautes exposés à une publicité programmatique et d’un autre groupe non exposé.

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