Ticket for change aide des salariés d’entreprise, acteurs du changement, à passer de l’idée à l’action. De quoi concilier utilité sociale et viabilité économique.

Vous rêvez de changer le monde, mais l’idée s’arrête à la machine à café ? Pas pour les «intrapreneurs». Ces salariés parviennent à de minirévolutions depuis leur poste de ­travail en poussant leur entreprise à devenir plus responsable sans lui faire perdre d’argent. «J’ai créé mon propre poste sans que l’on ne m’ait rien demandé», se félicite Nicolas Cordier, désormais «social business ­intrapreneur» chez Leroy Merlin. En 2011, en plus de son travail à la centrale d’achat de l’enseigne de bricolage, il ­développe des projets contre le mal-logement les soirs et les week-ends. «C’était comme si je montais ma boîte à côté. Il a fallu persévérer !» Deux ans plus tard, ses efforts ont payé : il se consacre aujourd’hui à plein-temps à l’autoréhabilitation d’habitats précaires à partir d’invendus des magasins ou encore à des formations bricolage avec Emmaüs.

 

Créer des modèles hybrides

Nicolas Cordier est aussi co-organisateur de Ticket for Change, un programme annuel initié en 2014 pour ­accompagner de jeunes «entrepreneurs du changement». Chaque session débute par un «voyage-déclic» inspirant à la rencontre de dirigeants éclairés ou de politiques ­engagés qui ont su sortir des sentiers battus. Il s’ouvre cet été aux salariés d’entreprise ­invités à leur tour à «prendre le vent du changement» et à l’importer au sein de leur ­entreprise. C’est ainsi que trois bus partiront du 25 août au 5 septembre 2015 avec dix intrapreneurs à bord. Parmi les candidats au voyage, un professionnel de l’agroalimentaire souhaitant aider les plus modestes à manger équilibré en créant des épiceries solidaires. Ou ­encore un transporteur dont l’ambition est de faciliter la mobilité des porteurs de projets durables en Afrique. Comme pour les jeunes (lire plus bas), les candidats salariés sont ­sélectionnés sur leurs idées et leur capacité à convaincre. De 25 à 60 ans, le panel se veut hétérogène, mais les ­candidatures ­proviennent surtout de grands groupes ­capables de financer cette formation à 10 000 euros : BNP Paribas, Price Waterhouse Coopers, Air France, ­Dassault ­Systèmes… «En plus de rencontrer une centaine d’experts, ils auront accès pendant sept semaines à un Mooc créé cette année avec HEC ainsi qu’à des conseils personnalisés après le tour», justifie Matthieu Dardaillon.

 

«L'intrapreneur n'est pas un cow-boy solitaire»

Comment gérer son temps entre travail et intraprenariat ? Comment améliorer l’impact social de son entreprise dans ses champs de compétences ? Comment dégager des ­synergies en interne et avec des partenaires extérieurs ? ­Voilà le type de questions ciblées par les ateliers «Corporate for change» conçus pour aider les «salariés exécutants» à ­devenir des «caméléons». «Il faut savoir ­présenter son ­projet sous différents éclairages en fonction des interlocuteurs, des ressources humaines aux financeurs, explique Nicolas Cordier. Il est nécessaire de bien connaître la stratégie de l’entreprise et le langage du métier avant d’apporter une idée en rupture, inspirée d’acteurs du terrain. Il faut un ­mélange de provocation et de diplomatie pour faire bouger les lignes », ­résume-t-il. Intraprendre, c’est aussi s’ouvrir à des acteurs extérieurs pour créer des modèles hybrides, entre l’entreprise classique et la fondation. ­«L’intrapreneur n’est pas un cow-boy solitaire, c’est un homme ou une femme de réseau qui coconstruit avec différentes ­organisations», analyse Olivier Maurel, ­directeur de l’innovation ouverte chez Danone.

 

«Etre pragmatique et crédible techniquement»

Travailler avec des ONG, les pouvoirs publics et des bénéficiaires sur le terrain demande une grande capacité d’adaptation. Les maux les plus courants ? Le sentiment de solitude et d’incompréhension. Ou encore l’essoufflement dans la durée. L’essentiel est d’être «pragmatique et non idéaliste, mais aussi crédible techniquement, assène Jean-Louis Kiehl, ­président de Crésus, une association de lutte contre le surendettement. Il ne faut jamais perdre de vue les valeurs fortes qui ont conduit à l’action». Il y a vingt-trois ans, Jean-Louis Kiehl a réussi à convaincre une banque de le suivre. ­Aujourd’hui, il travaille avec 35 établissements bancaires. «Au départ, on nous prenait pour des gardiens de chèvre, maintenant nous sommes un vrai partenaire», se réjouit-il.

 

Un bénéfice réciproque

Les entreprises y trouvent aussi leur compte. «Ce genre d’opération commence toujours par du greenwashing, mais si le ciment prend, tout le monde est gagnant», ­observe Jean-Louis Kiehl. Quand les banquiers consacrent une journée à faire de la prévention dans les écoles, «ils apprennent à vulgariser leur jargon pour mieux expliquer leurs produits aux clients». Même ­bénéfice chez Leroy Merlin, pour les vendeurs qui animent des ateliers bricolage avec les plus démunis. «Cela redonne du sens à leur métier et créé un sentiment de fierté et d’appartenance au groupe», ajoute ­Nicolas ­Cordier. Hors cadre mais solidaires avec leur structure, les salariés entrepreneurs peuvent surtout constituer de précieux leviers d’innovation selon Olivier Maurel, intrapreneur chez Danone depuis huit ans. «L’agilité de l’intrapreneur permet de créer un modèle plus souple, moteur d’innovation et de nouer un contact plus direct avec les évolutions du marché et de la société.» De quoi changer le monde avec et pour son entreprise.

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