Notoriété
Les entreprises sont nombreuses à venir à la rencontre des visiteurs de l’Exposition universelle. Une aubaine pour leur image, même si leur présence ne fait pas toujours l’unanimité.

McDonald’s, Nestlé, Coca-Cola, Lindt, Ferrero, Illy, San Pellegrino, Danone… Mais aussi Accenture, Fiat, Samsung, Telecom Italia, Air France… Qu’elles s’affichent en grand dans leur propre pavillon ou plus discrètement dans celui de leur pays d’origine, les grandes entreprises sont venues en masse à l’Exposition universelle de Milan. Il est vrai que l’événement ambitionne d’attirer 20 millions de visiteurs du 1er mai au 31 octobre sur le thème «Nourrir la planète, énergie pour la vie». Même s’il est «difficile d’évaluer le retour sur investissement», comme le souligne Lionel Sitz, professeur de marketing, spécialiste du branding et du comportement du consommateur à l’EM Lyon, les marques trouvent un intérêt à y participer: celles de l’agroalimentaire viennent par affinité avec le thème, les autres par souci de prestige ou pour marquer leur statut de multinationale.

Détourner les critiques

Certaines entreprises comme Lindt, McDonald’s et Coca-Cola, par ailleurs sponsors de l’exposition, ont même tenu à ériger leur propre édifice. Ce qui n’a pas manqué de poser problème. La forte mise en avant des deux géants américains dans le pays d’origine du Slow Food a suscité la polémique, tant sur internet qu’à Milan. Dès l’ouverture, Carlo Petrini, le fondateur de ce mouvement, adepte de l’écogastronomie et qui dispose de son propre pavillon, s’est offusqué de la présence de la chaîne de fast-food. Elle a aussitôt réagi dans un communiqué ironique, s’étonnant que les militants du Slow Food défenseurs de la biodiversité n’acceptent pas d’autres types de nourriture et ne respectent pas «la liberté des gens et leur capacité à choisir». Ambiance.

Une polémique dont se seraient bien passées les deux icônes américaines, qui souffrent des accusations répétées mettant en cause leur responsabilité dans la montée de l’obésité. En atteste l’érosion de leurs ventes, notamment aux États-Unis, et la multiplication des interdictions de commercialisation des sodas en milieu scolaire. Dans ce contexte, le simple fait pour Coca-Cola et McDonald’s de s’afficher en grand à Milan est habile sur le plan stratégique : leur présence laisse à penser par un effet de halo qu’ils sont une partie de la solution aux défis de l’alimentation mondiale et non du problème, comme l’affirment leurs détracteurs. «Le meilleur moyen d’éviter d’être associé à la malbouffe, c’est de participer à un événement qui promeut le contraire», résume Lionel Sitz.

Tout aussi habile est la manière dont les deux firmes américaines parviennent à éluder le fond du débat et à détourner les critiques, en attendant que leur diversification vers des produits plus équilibrés porte leurs fruits. Dans son pavillon, le géant d’Atlanta se focalise par exemple sur l’importance d’avoir un style de vie actif et sur son souci de l’environnement en présentant sa bouteille fabriquée à partir de végétaux. Et comme à Paris au salon de l’agriculture, Mc Donald’s valorise à Milan ses partenariats avec les agriculteurs locaux.

Investissement limité

En devenant partenaire principal de l’un des neuf pavillons présentant des filières (Illy pour le café, Ferrero pour la confiserie…) mais surtout en opérant à l’intérieur d’un pavillon national, avec moins de visibilité, les entreprises limitent tout autant leur investissement que le risque de controverse. Ainsi pour le pavillon français, une vingtaine de partenaires privés ou publics ont apporté l’équivalent de 2,3 millions d’euros, somme qui complète le budget accordé par l’État, soit 20 millions d’euros pour construire, entretenir et animer un pavillon de bois de 2 000 m² en forme de halle. «Ce surplus venant des partenaires nous sert à financer des événements, par exemple des concerts, et donc à attirer plus de visiteurs», explique Alain Berger, commissaire général.

Reste que si l’on considère le poids de l’industrie agroalimentaire (165 milliards d’euros de chiffre d’affaires) et des grands groupes (Danone, Lactalis, Bongrain…), ces 2,3 millions paraissent bien peu. De fait, Milan attire moins les partenaires français que Shanghai où ils avaient investi 6 millions d’euros en 2010. Ce repli tient à plusieurs causes. D’abord, l’Italie, où la France est déjà bien implantée, ne revêt pas le même potentiel de développement que le marché chinois. Affectés par la crise  économique, les partenaires français ont suivi le désengagement de l’État qui a dépensé à Milan deux fois moins qu’à Shanghai.

Le pavillon français a pourtant pris soin de multiplier les formules d’accès pour s’adapter aux petits budgets. Avec le statut de mécène, certains partenaires se limitent à des apports en marchandise: Roche-Bobois a ainsi fourni le mobilier; Armor Lux a habillé le personnel d’accueil et Spring Court l’a chaussé. Leur nom apparaît sur un panneau de remerciements. «C’est une opportunité pour Roche Bobois de montrer sa créativité et la qualité de ses fabrications. Il n’y a pas de mesure à proprement parler des retombées, mais on constate une exposition médiatique accrue de notre marque», se félicite Gilles Bonan, le président du directoire de Roche Bobois, qui a investi l’équivalent de plus de 150 000 euros. Autre mécène, Peugeot a installé à Milan un food truck, un modèle de niche mais en pleine expansion, avec le développement de la «street food».

Pédagogie

Moyennant une contribution plus élevée, d’autres partenaires optent pour une exposition pédagogique illustrant leur savoir-faire dans le domaine de l’alimentation. De quoi leur offrir une plus grande visibilité. Deux acteurs majeurs du secteur agroalimentaire se sont inscrits dans cette catégorie. Danone propose un parcours expliquant comment concilier l’activité agricole et la qualité de ses eaux minérales. La coopérative agricole Terrena (Paysan breton, poulets Doux) explique comment ses bonnes pratiques contribuent à lutter contre l’effet de serre.

Plus original, Air France-KLM, pourtant éloigné de cet univers, est parvenu à justifier sa présence à Milan en montant une exposition sur la nourriture dans les avions. «Le groupe est engagé dans une dynamique de montée en gamme de nos produits et services pour laquelle nous avons investi plus d’un demi-milliard d’euros. Cet effort sans précédent se décline dans la restauration que nous proposons à bord de nos avions. Et cela fait écho au thème de l’Exposition universelle. Nous le revendiquons, nous sommes un ambassadeur de l’art de vivre à la française», explique Ulli Gendrot, responsable de la communication institutionnelle de la compagnie qui espère toucher plus de 100 000 visiteurs de toutes nationalités en deux semaines.

Reste que le plus gros partenaire du pavillon français n’est pas une entreprise, mais une «marque» territoriale: la région Rhône-Alpes. Après Shanghaï en 2010, elle a investi 550 000 euros pour occuper jusqu’au 25 juin un espace de 300 m2 proposant une immersion sensorielle dans ses saveurs et son savoir-faire, avec une mise en avant d’Evian et des vins de Savoie. Cette diversité d’approches et la réputation de la France dans la gastronomie ont valu au pavillon hexagonal d’être l’un des plus fréquentés derrière les États-Unis et l’Italie, avec 600 000 visiteurs totalisés début juillet.

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