Evénementiel
La division événementielle de l’entreprise québécoise se développe et devient Événements 45 Degrees. Rencontre à Montréal avec Yasmine Khalil, sa directrice, et Renée-Claude Ménard, responsable des relations publics de cet expert en divertissement artistique.

Après des comptes déficitaires et des licenciements, le Cirque du Soleil a annoncé en avril sa vente à des investisseurs américains et chinois. Que se passe-t-il?

Renée-Claude Ménard. Le Cirque du Soleil a traversé, comme bien d’autres, une période difficile en 2012 suite à la crise économique de 2008. Guy Laliberté a cherché la meilleure option pour pérenniser et accélérer la croissance d’une entreprise qu’il a créée il y a trente et un ans. Ses enfants ne sont pas intéressés. Il a donc choisi de vendre 90% des parts qu’il détenait dans le Cirque du Soleil: 10% à la Caisse de dépôt et placement du Québec et 60% à un consortium comprenant la société d’investissement américaine TPG Capital et le groupe chinois Fosun. Il garde 10% des parts et reste consultant créatif.



Quels sont les projets de développement ?

R.-C. M. La priorité c’est de conquérir la Chine. Et pour le faire, mieux vaut avoir un partenaire local. Fosun, propriétaire du Club Med, est particulièrement dynamique dans le secteur du divertissement. Avec lui, nous allons pouvoir orchestrer un développement intelligent sur ce marché à fort potentiel. TPG est un fonds d’investissement lui aussi très présent dans le secteur du divertissement. Implanté dans la Silicon Valley, il va nous apporter des compétences en digital, une expertise que nos équipes développaient avec peine en interne. Enfin, ils sont liés à l’agence CAA, Creative Artists Agency, qui gère la propriété intellectuelle de grands artistes et spécialistes du contenu.



Des associations artistiques en vue ?

R.-C. M. Nous projetons de développer des spectacles basés sur d’autres créations. Ainsi, en décembre 2015, le prochain spectacle du Cirque du Soleil portera sur Avatar. Nous allons imaginer la version live du film. C’est un de nos axes de développement.



Quels sont les autres ?

R.-C. M. Nous travaillons sur la vision de la marque Cirque du Soleil pour les dix prochaines années. L’idée est d’envisager des associations ou des créations qui soient en phase avec ses valeurs: la performance humaine, le voyage, l’évasion, la création. Nous souhaitons en effet déployer la marque sur d’autres activités. Nous planchons par exemple sur un parc d’attractions thématique, un village Cirque du Soleil, en partenariat avec notre partenaire mexicain Grupo Vidanta à Nuevo Vallarta. Et nous allons continuer à créer des spectacles. À un autre rythme toutefois: un par an au lieu de trois, comme par le passé, car c’est trop, cela nous déconcentre. Nous allons enfin nous focaliser sur la vente des billets! Notre business consiste quand même à 95% à faire venir des spectateurs. Nous vendons chaque année entre 12 et 14 millions de billets.



Vous avez également annoncé la création de l’agence événementielle Événements 45. N’aviez-vous pas déjà une activité similaire?

Yasmine Khalil. Nous nous sommes lancés de manière informelle en organisant des soirées privées pour lancer de nouveaux spectacles. Ce n’est qu’à partir de 2004 qu’une équipe en interne s’est consacrée au développement de la marque Cirque du Soleil avec des apparitions sur de grands événements type Oscars, Super Bowl ou Eurovision, mais aussi pour le compte d’entreprises comme Microsoft ou Fiat. Nous gérions des demandes, sans les solliciter.



Vous êtes également associés à l’agence de communication québécoise Sid Lee…

Y.K. Nous nous sommes associés pour lancer Sid Lee Entertainment, une offre destinée à leurs clients. Ils souhaitaient pouvoir proposer des expériences de marque aux consommateurs. C’est une agence créative dans laquelle nous croyons. Le Cirque du Soleil investit ainsi dans des sociétés au potentiel créatif intéressant comme elle l’a fait pour 4U2C (for you to see), une société de designers graphiques et d’experts en imagerie 3D spécialisée dans la conception et la réalisation d’événements visuels.



Comment en êtes-vous arrivés à Événements 45 ?

Y.K. Nous avons fait une étude pour mieux comprendre le marché dans lequel nous évoluions depuis plus de dix ans. Il s’agissait de nous aider à choisir dans les 1 000 demandes annuelles qui nous parviennent, d’identifier les projets à défi créatif pertinents, en phase avec notre expertise. Nous avons alors pris conscience de l’étendue de ce marché. La communication événementielle touche à tous les secteurs d’activité. Beaucoup de nouveaux joueurs cherchent à se positionner sur ce créneau parce que la tendance marketing du moment, c’est de créer des expériences. Or peu ont notre expertise et rares sont ceux qui peuvent s’appuyer sur la crédibilité et la caution créative d’une marque comme celle du Cirque du Soleil. D’où l’idée de créer une société indépendante. Elle continuera à produire des événements sous la marque Cirque du Soleil pour ceux qui le souhaitent, mais elle pourra également développer des manifestations sous la marque d’un client.



D’où vient son nom ?

Y.K. Le trouver a été la chose la plus difficile! Nous avons cherché du côté de la lune, des astres, mais nous ne voulions pas apparaître comme des petits cousins germains du Cirque du Soleil. Il nous fallait notre identité propre et une dimension internationale. Or 45° latitude nord, c’est la position exacte sur le globe de Montréal où siège notre entreprise; 45 degrés fahrenheit, c’est aussi la température exacte pour servir le champagne et chaque événement que nous organisons est un moment de célébration, une occasion d’ouvrir une bouteille. Enfin, ce nouveau nom nous donne l’ouverture nécessaire pour aller vers d’autres territoires artistiques.



Vous avez un exemple ?

Y. K. Le Futuroscope est venu nous chercher pour bénéficier de notre créativité. Nous sommes en train de concevoir un spectacle d’eau pour son parc aquatique, à découvrir en février 2016. C’est la première fois dans l’histoire du Cirque du Soleil que nous allons faire un spectacle sans artistes. Il y a quelques années, cela aurait été impossible. Le Cirque du Soleil, c’est avant tout des hommes et de l’acrobatie.



Vous allez maintenant être proactifs sur le marché. Quel type d’événements visez-vous ?

Y. K. Une des belles recettes que nous avons réussi à développer, ce sont des projets conçus pour attirer des touristes dans une ville, un pays, une région, avec un spectacle unique qui raconte l’histoire du lieu. À Andorre, par exemple, une destination prisée en hiver, nous présentons un spectacle chaque été depuis trois ans. Le show est rempli tous les soirs et les hôtels aussi. C’est un axe de développement. Les cérémonies des grands rendez-vous sportifs sont aussi intéressantes même si le challenge est grand. Ce sont des projets de longue haleine pour une heure de représentation. Avec le Cirque du Soleil, les attentes sont toujours très grandes mais cela nous pousse, nous stimule. Nous avons ainsi été choisis pour la cérémonie d’ouverture des Jeux panaméricains qui se sont tenus en juillet à Toronto. Les organisateurs nous ont donné carte blanche sur le processus de création. C’est une première pour nous de réaliser ce type de spectacle, mais j’espère en faire d’autres.

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