Luxe
Cet artisan de l’écriture a redonné ses lettres de noblesse à une pratique tombée en désuétude. Les maisons de luxe se l’arrachent.

La première chose que Nicolas Ouchenir fait quand il donne une interview à un journaliste, c’est de le regarder… écrire. «J’adore voir comment le poignet et le corps bougent !», s’amuse sans malice cet «artisan de l’écriture» pour reprendre ses termes. Le ton de l’entretien est donné : décontracté et chaleureux, malgré les demandes pressantes de ses clients. «Là, je suis en train de finir les cartons d’invitation de The Row, la marque des jumelles Olsen», raconte le chouchou des grandes maisons. A la veille de la Fashion Week parisienne, il va enchaîner avec des missives calligraphiées pour Moncler, Dior, Chanel, Margiela, Rykiel, Chloé…

Son métier, c’est cela : écrire, à la main, pour les plus grands noms du luxe et de la mode. Mais pas n’importe comment. Chaque écriture est spécifique. Il y a la Cartier, la Miu Miu, la Prada…. Et plusieurs autres centaines de créations originales. Loin, bien loin des trois styles proposés habituellement : bâton, anglaise et gothique. «Quand on appartient à un métier de création, de luxe, il est normal de rechercher l’exclusivité, mais aussi l’émotion que seule une écriture manuscrite peut véhiculer», explique le trentenaire.

Avec lui, la calligraphie est redevenue terriblement tendance. Il y a dix ans, seules quelques grandes familles recouraient toujours aux services de rares calligraphes pour les mariages et occasions mondaines… Sans aucune formation, Nicolas Ouchenir a réveillé la discipline endormie. «Après des études de commerce, j’ai travaillé sept ans comme vendeur dans les galeries d’art – notamment la galerie Jean-Gabriel Mitterrand. C’est là que j’ai commencé à rédiger à la main les invitations pour les vernissages. J’ai toujours aimé écrire. Quand j’ai vu que les gens venaient plus nombreux et gardaient le carton, j’ai compris qu’il se passait quelque chose.»

Son premier travail de calligraphie rémunéré est un événement de mécénat au château de Versailles. Il rédige Save the Date, invitations et chevalets dans une écriture «très ampoulée, très XVIIIe». Le bouche à oreille et des soutiens bien introduits (dont la «papesse» des relations publiques Pia de Brantes, avec qui il partage le bureau), font le reste. Aujourd’hui, il crée des écritures, mais aussi des logos et des identités visuelles pour l’univers du luxe et de la mode, essentiellement. Le futur logo de l’hôtel Ritz à Paris, c’est lui. La nouvelle identité visuelle de la maison de bijoux Chaumet, c’est lui. La signalétique du Rijks museum d’Amsterdam, c’est lui… La calligraphie des maisons de champagne Ruinart, Dom Pérignon ou encore Moët & Chandon, c’est encore lui. «Le champagne, c’est à la fois exclusif et populaire, il ne faut pas que l’écriture soit snob», commente-t-il, lapidaire.

Difficile de percer les secrets de création de ce jeune homme discret, qui confie : «Je m’imprègne de l’univers de la marque, je dialogue avec le client, mais dire pourquoi j’ai choisi une écriture ronde ou du rouge plutôt que du noir pour un tel ou un tel…» Seule certitude : pour Nicolas Ouchenir, l’imperfection, l’erreur, font partie intégrante d’une belle écriture. «Le reste, c’est du travail, du travail, et surtout, une bonne posture pour éviter les douleurs», raconte en toute simplicité celui qui peut, en véritable artisan, passer jusqu’à dix heures par jour à écrire.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.