Dossier High-tech
Alors que les premiers casques immersifs arrivent en mars sur le marché grand public, un secteur multiplie les initiatives pour tirer profit de cette innovation: le tourisme. De l’organisation d’un voyage à l’expérience d’une visite, la réalité virtuelle cherche sa place au soleil.

 S’imaginer en classe affaires, assis sur son canapé, flâner dans Pékin, faire du lèche-vitrine au marché de Noël de Heidelberg en Allemagne pour céder finalement aux charmes des palmiers de Miami. Ce sera bientôt possible avec l’application « Lufthansa Experience VR ». En cours de développement, elle permet d’accéder à une série de films touristiques tournés à 360 degrès. Disponibles sur téléphones portables, ils peuvent également être visionnés à l’aide de casques de réalité virtuelle dont les premiers modèles grand public arrivent sur le marché (cf. encadré). Le médiatique rachat du constructeur Oculus Rift par Facebook pour 2 milliards de dollars en 2014 a braqué les projecteurs sur ces casques issus de l’industrie du jeu vidéo. Aujourd’hui développés par Samsung, Sony, HTC ou encore Microsoft, ils promettent de révolutionner de nombreux secteurs en offrant des expériences immersives inédites. À commencer par celui du tourisme.
À l’image de Lufthansa, plusieurs grands acteurs du secteur se sont d’ores et déjà emparés de la réalité virtuelle. En 2014, le groupe hôtelier Marriott a par exemple propulsé ses clients sur une plage de Hawaï ou sur le toit d’un gratte-ciel londonien avec son système « Teleporter » déployé dans huit villes des États-Unis. Au casque Oculus classique était associée une série de dispositifs reproduisant les sensations du soleil sur le visage, du vent et des effluves marines. 

Storytelling

Pour beaucoup, c’est d’abord, un bon moyen d’afficher la modernité d’une marque. « La réalité virtuelle fait de Lufthansa un acteur innovant en soignant son image de marque », explique la porte-parole de la compagnie aérienne Mirjam Eberts. Autre avantage : elle permet de raconter des histoires, mais aussi d’intensifier et de renouveler l’expérience client, le nouveau graal des directions marketing. Mirjam Eberts parle ainsi de « réel storytelling » et d’une nouvelle communication avec des clients prenant directement part à l’action ». Une invitation au voyage bien plus efficace que les classiques brochures touristiques.

Infos et divertissement

Outil de communication, la réalité virtuelle peut aussi servir très concrètement dans la préparation d’un voyage, permettant par exemple de pré-visualiser une chambre d’hôtel. « Les voyages ne sont pas des produits tangibles. La réalité virtuelle est du coup intéressante pour la décision d’achat », résume Thomas Hoger, chez 3spin, entreprise allemande qui travaille sur les applications de réalité virtuelle de Lufthansa. « C’est un outil de prévente », explique Maria Grimardi, responsable marketing du croisiériste Uniworld dont le film à 360 degrés permet de monter virtuellement à bord de son luxueux navire S.S Maria Theresa. L’agence de voyage Thomas Cook a également équipé certaines de ses boutiques en France et en Grande-Bretagne de lunettes Cardboard, dispositif basique en carton imaginé par Google. Couplé à un smartphone, il permet de visualiser son futur club de vacances. Et s’affirmer face à la concurrence. « Thomas Cook souhaite donner un second souffle aux agences de voyages physiques et pousser les clients à rentrer à nouveau dans nos boutiques. Avec cette innovation, la marque apporte une véritable expérience dans la recherche et l’achat d’un séjour », décrypte Guillaume Cromer, directeur d’ID-Tourism, cabinet de conseil dans le secteur.

Dans la lignée des différentes applications sur smartphones ou tablettes déjà proposées dans certains musées pour enrichir la visite, la réalité virtuelle ouvre également de nouvelles perspectives au tourisme culturel. Une machine à remonter le temps pour voyager dans des lieux inaccessibles ou disparus et virtuellement reconstitués. Le champ des possibles est très large : si la Nasa va lancer cette année l’application « Mars 2030 » qui propose d’explorer la planète rouge, à Paris, l’entreprise Timescope a quant à elle choisi de plonger dans l’histoire de France. Longue-vue d’un genre nouveau, sa borne de réalité virtuelle qui sera inaugurée en mars place de la Bastille permettra de visualiser pour 2 euros la forteresse qui occupait le site en 1416, ou encore de saisir l’ambiance au petit matin du 14 juillet 1789. « Notre idée est de révolutionner l’expérience de visite », résume le président de la start-up Adrien Sadaka, dont les graphistes ont reconstitué la place en 3D à partir d’archives historiques. « La borne répond à un besoin d’informations des visiteurs et de divertissement », explique l’entrepreneur, actuellement en discussion avec plusieurs villes européennes.

Scepticisme

« Il y a des choses extraordinaires à faire, c’est à l’évidence l’avenir du tourisme et ça devient accessible », commente Sébastien Kuntz, président de MiddleVR, un créateur d’applications et d’outils de réalité virtuelle. Cependant, « j’ai le sentiment que le marché tâtonne, nuance-t-il. Ce n’est pas aussi mûr que pour d’autres secteurs comme l’énergie, la formation ou l’immobilier ». Il faut dire que ces secteurs ont investi plus tôt dans des dispositifs très coûteux et, pour la plupart, à usage professionnel. « À part quelques start-up, les professionnels restent selon moi en général assez sceptiques », ajoute Guillaume Cromer. Pour les convaincre, le succès ou non des casques grand public devrait jouer un rôle primordial.

Les casques débarquent dans les foyers

Alors que jusqu’ici, seuls les développeurs disposaient de prototypes, 2016 verra les premiers casques arriver sur le marché grand public. Outre la sortie de la version finale de l’Oculus Rift prévue au printemps sont attendus le casque Vive d’HTC, et celui de Sony compatible avec la PlayStation 4. Pour des prix certes encore élevés, (environ 700 euros pour l’Oculus), mais sans aucune mesure avec ceux des dispositifs de réalité virtuelle utilisés auparavant par les industriels. Parallèlement au déploiement du matériel, les contenus deviennent également accessibles, alors que la plate-forme Youtube héberge depuis peu des vidéos à 360 degrés.

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