Dossier Communication
Algorithme, exploitation des données, objets connectés…la technologie a fait une entrée remarquée dans les agences de communication. Reste maintenant à organiser des mariages heureux avec les profils marketing et créatifs. Un enjeu majeur pour tout le secteur.

Devenir le premier groupe de «brand tech», telle est l’ambition de You & Mr Jones. Début 2016, l’agence de David Jones, ex-directeur général monde du groupe Havas, a fait ainsi l’acquisition de l’agence Fifty-five, spécialisée en data-marketing. Le néologisme est révélateur d’un des enjeux phares du secteur : marier communication et technologie. « Mon constat du monde des grands groupes de communication, c’est qu’ils sont très forts en marques, marketing et publicité, partout dans le monde, mais qu’ils ne sont pas toujours experts en technologie, explique David Jones. Quant au monde de la technologie, aussi brillant soit-il, il ne s’intéresse pas forcément assez aux marques ». Primordial pourtant à l’heure du programmatique, du big data et des objets connectés, mais aussi au regard des enjeux de performance, de coûts et d’efficacité recherchés par les marques. Le marché est donc en quête de réponses et de profils

nouveaux. À commencer par les creative technologists que l’on trouve chez Publicis Conseil, We Are Social ou encore Digitas. « Ils consacrent 50 % de leur temps à faire de la R&D et de la veille sur l’univers des technologies et des start-up. Et 50 % à faire des recommandations stratégiques aux équipes de production opérationnelle », décrit Sandrine Plasseraud, CEO de We Are Social. Chez Mazarine Digital, de nouveaux postes ont également été créés : lead développeur front, architecte technique ou encore ergonome pour adapter la techno à l’humain. « L’agence ne répond plus à un brief comme avant. Elle accompagne désormais ses clients pour répondre à des problématiques complexes. Elle doit être capable de maximiser la performance sans contraindre la création. Elle doit s’assurer de la faisabilité technique des concepts, livrer un rendu conforme aux codes de la marque ou encore concevoir et marketter des offres de service digitales, compétitives et rentables », explique Richard Verglas, DG et COO de Mazarine Group. Autre profil inédit : l’engagement practice leader. Créé par Emakina, il a été confié en janvier 2016 à Philippe Masseau, un ancien du groupe Publicis. « Il chapeaute un pôle mêlant contenu, data, CRM et social conçu pour générer des conversations avec les consommateurs. Nous souhaitons ainsi créer de nouveaux contenus intelligents et créatifs pour les marques », détaille Manuel Diaz, CEO du groupe.  

L’exploitation des données est au cœur des enjeux. «Nous recherchons de plus en plus de talents hybrides, des profils curieux, formés au planning stratégique ou aux études statistiques et dont les compétences marient data et création. Comme ils sont rares, nous les formons nous-mêmes», confie Wale Gbadamosi Oyekanmi, CEO et directeur de création de Darewin.

Place à la data

Chez Havas Media Group, le poste de connexion manager a fait son apparition afin de mieux intégrer la data aux campagnes. Et chez FF group, Olivier

Deletombe, ancien directeur général adjoint de Performics, spécialiste en programmatique et marketing à la performance, a fait son entrée au titre de Head of social media. « Création et data sont aujourd’hui complémentaires et indissociables, explique-t-il. Pour concevoir des campagnes plus justes et plus efficaces, il est devenu indispensable de les marier. C’est l’objet de ma nomination ».

Dans l’ensemble, les noces sont donc célébrées avec enthousiasme. « La technologie aide les créatifs à affiner leur ciblage et à créer des expériences inédites », commente Hugo Loriot, media technologies director de Fifty-Five. « Elle est le nouveau bras armé de la créativité », affirme de son côté Olivier Lefebvre, directeur de création de Fred&Farid. Elle est au service des marques et des clients au même titre que la créativité ». Même fond de pensée pour Jules Jolly, DA senior chez Marcel : « La technologie doit être au service d’une idée. Plus globalement, on ne devrait même plus parler de digital, c’est juste un canal de communication supplémentaire ». Un non sujet ? « La techno est juste un nouvel outil. L’enjeu de la création reste le même : faire en sorte que la publicité aide les marques à être utile aux consommateurs et à leur rendre service », commente Wale de Darwin.

Travail d’équipe

Reste que le nouveau couple n’est pas toujours bien perçu. C’est souvent « l’huile et le feu » reconnaît Pierre-Antoine Durgeat, président d’Adeventori, un spécialiste en publicité digitale ciblée et diffusée en temps réel. Et d’ajouter : « la publicité digitale a pris l’habitude de décliner la publicité télévisée. Elle est globalement mal perçue et rejetée par les créatifs traditionnels. Les données et le programmatique ne les font pas rêver ».

Les agences doivent donc, elles-aussi, repenser leurs organisations pour assurer leur transformation digitale. « Attention à ne pas constituer d’équipes en

silos avec une multiplicité de spécialistes travaillant séparément dans leur coin », met en garde Manuel Diaz. Une idée partagée par Pascal Malotti, directeur conseil de Valtech : « Idéalement, il faut que toutes les équipes travaillent ensemble en amont pour que la créativité soit possible technologiquement ». Disko a, pour sa part, repensé son organisation, avec comme seule logique de travail : la temporalité. « Le web exige d’être rapide et innovant. Il faut donc exécuter vite et bien, mais aussi regarder ce qui se fait de mieux dans le monde et se remettre sans cesse en question. C’est pour cela que nos créatifs sont très au courant des derniers outils et canaux digitaux », raconte Davy Tessier, fondateur et ceo de Disko. L’agence s’est ainsi divisée en trois équipes (de 5-6 personnes) : une qui travaille en temps réel sur les réseaux sociaux, une autre chargée des campagnes digitales, et une axée sur les créations d’interfaces. Par ailleurs, elle a choisi de ne plus avoir de directeur de création, seulement des directeurs artistiques « pour plus de liberté décisionnelle et de réactivité opérationnelle ». Chez Mazarine aussi les équipes ont été géographiquement regroupées afin de réunir les différents métiers. « Cette réorganisation nous a permis de refondre complètement le schéma de développement de nos projets digitaux, d’accélérer le “time to market” de nos projets, et de rapprocher les

métiers de la création, de la technique et du conseil », se réjouit Richard Verglas. Pour Manuel Diaz : « Il ne faut pas raisonner en outils. Notre rôle est d’aider les marques à trouver leurs audiences. Il faut vivre avec son époque ».

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