Dossier Programmatique
La vente et l’achat publicitaire automatisés ne cessent de gagner du terrain. Analyse d’un marché en pleine effervescence avec David Baranès, directeur France et Europe du Sud d’App Nexus, leader ad tech indépendant de ce marché.

Comment se porte le marché du programmatique en France ?

David Baranès. Avec 61 % de croissance et un taux de pénétration de 40 % sur les achats display, c’est dorénavant un marché incontournable. D’autant qu’il est fort probable que nous atteignions cette année la part de 50 %. Cette ascension est confortée par une approche qualitative et premium des campagnes automatisées, orchestrées par des acheteurs et des vendeurs ayant une compréhension plus experte du marché.

 

Et sur le plan international ?

D.B. En termes de pénétration, nous sommes presque à parité avec les États-Unis ou l’Angleterre, alors que la France a tardé à prendre le virage du digital. Fait remarquable : le savoir-faire français en programmatique reste unique et reconnu dans le monde. La croissance est tirée par de grands champions nationaux comme Criteo. Nos agences et trading-desks, comme Tradelab et 1 000 Mercis, sont perçus comme des acheteurs très sophistiqués à l’échelle mondiale. Dans ce sillon enfin, il existe une myriade de start-up brillantes qui participent à la bonne santé du programmatique. En tant que plateforme ouverte, nous sommes fiers d’avoir contribué à leur émergence. Elles rejoignent aujourd’hui de grands groupes. Avec cette consolidation, un nouvel écosystème est en train de naître.

 

Nous vivons donc un moment clef pour le programmatique ?

D.B. Les prémices d’un changement sont là. Cette dynamique de consolidation change la donne. Cela faisait dix ans que Google régnait en maître sur l’ad tech. Or, il n’est désormais plus le leader incontesté. Un acteur comme AppNexus revendique aujourd’hui une supériorité technologique.

 

Reste que les grands annonceurs français ne sont pas au rendez-vous, à en croire votre dernier livre blanc…

D.B.  Sur le top 100 annonceurs de Kantar France Insights, le programmatique ne représente en effet que 10 à 15 % de leurs dépenses. Comment le marché peut-il être si mature en l’absence de ces annonceurs ? Parce que les investissements sont clairement portés par l’e-commerce, amateur de performance et de retargeting. Pourquoi ces grands annonceurs sont-ils si peu présents ? Probablement par manque de compréhension. Ils en font certes tous à petite dose, mais préfèrent des approches moins complexes.

 

60 % des sondés évoquent également un manque de transparence sur le sujet. Qu’en est-il ?

D.B.  Il existe plusieurs niveaux d’opacité. Il y a d’abord un problème de compréhension des technologies. Ensuite, certains évoquent une opacité relative des inventaires. Et là, pour moi, il ne s’agit plus d’un constat, mais d’un choix commercial. Nous avons en effet sur le marché différentes offres. Plus on recherche un ciblage précis et de la transparence, plus l’inventaire est onéreux. Mais le choix est là. Enfin, il y a encore trop d’acteurs, mais nous arriverons, d’ici deux ans, à un panorama simplifié.

 

La visibilité des campagnes semble également un sujet épineux...

D.B. Les normes de l’Advertising Interactive Bureau (IAB) sont là et différents outils de mesure, dont notre technologie Alenty, existent. Les taux de mesure restent assez bons, même si des différences subsistent d’un acteur à l’autre, faute de référents. Si les analyses du Media Research Council (MRC) nous aident, il est vrai que nous aurions besoin de vraies normes ou d’une technologie référente pour accorder tout le monde.

 

Au-delà des écarts de mesure importants, les normes de l’IAB  sont-elles réalistes ?

D.B. Elles ont le mérite d’exister pour faire avancer un marché. Mais n’oublions pas qu’Internet est le seul media qui s’engage sur une visibilité.  

 

Quid de l’opacité financière de campagnes qui échappent pour l’instant à la règlementation de la loi Sapin ?

D.B. L’ensemble du marché attend le décret d’application sur le digital. Il pemettra de lever les ambiguïtés.

 

La fraude est un autre sujet clef. Vous en avez fait cet été votre cheval de bataille...

D.B. Nous avons effectivement eu une approche draconienne en déployant une nouvelle génération technologique anti-fraude qui a éliminé beaucoup d’intervenants présentant un comportement à risque. Cela a été bon pour l’écosystème puisque d’autres acteurs nous ont suivis comme Liverail de Facebook. C’est un combat commun et ce consensus général va rendre la fraude de plus en plus difficile.

 

Croyez-vous en un programmatique responsable ?

D.B. Les ad-blockers, c’est un message de ras-le-bol au marché. Il faut donc proposer autre chose. On pourrait tout simplement les bloquer, mais c’est ignorer ce que l’internaute exprime. On peut également parier sur l’émergence de nouveaux formats moins intrusifs. Enfin, on peut s’intéresser de près à l’opération d’Axel Springer en Allemagne où l’éditeur demandait aux internautes de supprimer leur ad-blocker pour accéder au contenu du site. 70 % des internautes ciblés l’ont fait. C’est une approche assez remarquable. Les pistes sont là.

 

Quels sont les défis à venir ?

D.B. Le marché doit faire face à une double révolution de fond, celle des outils et celle des médias. De fait, les technologies se multiplient pour gérer toutes une série de nouveautés : supports de consommation multiples - desktop, mobile, vidéo - nouveaux formats, nouveaux modes transactionnels… À terme, nous devons parvenir à une uniformité technologique avec des solutions uniques. De leur côté, les acheteurs devront relever le défi du big data. Une transaction génère aujourd’hui  une centaine de données. Cette nouvelle intelligence doit être utilisée pour améliorer l’analyse publicitaire. Enfin, l’ensemble du marché doit ramener les 60 % d’investissement restants sur le display vers le programmatique, en s’orientant davantage sur le branding. Dans ce sens, l’arrivée de nouveaux formats, qui travaillent mieux la qualité de l’exposition publicitaire, est un atout.

 

Un mot, justement, sur ces nouveaux formats qui ont le vent en poupe ?

D.B. Le rich media, la vidéo, le native advertising sont maintenant employés de manière industrielle dans le programmatique. Pour notre part, nous travaillons à bras le corps le sujet de la vidéo, avec notamment l’arrivée d’Eric Hoffert, créateur de QuickTime et ancien collaborateur de Steeve Job. Avec 30 % de croissance sur le secteur de la publicité digitale et 98 % pour le seul domaine du programmatique, cette tendance est apparement promise à une belle histoire. De manière plus générale, on peut espérer que ces formats soient capables de rafraîchir la notion d’engagement publicitaire, en proposant quelque chose de moins intrusif et de plus intégré.

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