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Face au succès exponentiel des messageries instantanées, les médias vont être de plus en plus nombreux à développer des «news bots», des petits robots qui permettront aux internautes de dialoguer avec leurs médias pour s’informer.

Dans le carnet d’adresses de votre téléphone, des centaines de contacts, où les membres de votre famille côtoient vos relations professionnelles, et peut-être demain des médias. Comme aujourd’hui vous envoyez un SMS à votre sœur ou votre collègue, vous pourrez demander au Monde ou à 20 Minutes où en sont les investigations sur les attentats de Bruxelles du 22 mars ou bien quelles sont les modifications que les parlementaires souhaitent apporter au projet de loi El Khomri.

Bienvenue dans l’ère de l’information conversationnelle, dans laquelle les internautes pourront véritablement dialoguer sur leur mobile avec une marque média, comme ils discutent aujourd’hui entre amis. «Nous en sommes encore loin, dit sans ambages Frédéric Filloux, éditeur de la Monday Note, newsletter spécialisée sur l’économie des médias numériques. L’assistant à commande vocale d’Apple, Siri, est idiot, il n’apprend presque rien de ses erreurs et ne semble pas accumuler la moindre connaissance.»

Mais les progrès en matière d’intelligence artificielle devraient nettement améliorer les choses. Pour les médias, de telles solutions s’appellent des «news bots», des programmes informatiques dédiés à l’actualité, qui informent les internautes à la demande de façon automatique, sans intervention humaine. «Il existe deux sortes de bots: des bots transactionnels, comme Siri, qui en fonction de la façon dont il est paramétré répond aux questions qu’on lui pose, et des bots conversationnels, qui sont capables de comprendre ce que vous voulez selon le contexte et des éléments de profil, qui s’expriment par exemple par vos tweets, vos achats sur Amazon ou vos recherches sur Google», explique Frédéric Filloux.

L’assistant intelligent Google Now en est un embryon, tout comme celui développé par Microsoft, Tay, dont les premiers pas hasardeux sur Twitter ont été largement décriés sur la toile.

Premiers pas

«Pour se développer dans le domaine de l’information, cela nécessitera un accord tripartite entre les médias, ceux qui détiennent les données de profil comme Facebook, Amazon ou Google, et enfin les lecteurs. L’enjeu est réel: les médias de qualité vont avoir de plus en plus la volonté de fidéliser leurs audiences en développant des services, et le plus puissant d’entre eux est la personnalisation extrême de l’information», ajoute l’éditeur de la Monday Note.

Pour l’heure, les médias font leurs premiers pas dans l’information conversationnelle en développant leur présence sur les messageries instantanées, de Whats App à We Chat, en passant par Telegram et demain Facebook Messenger (lire encadré). Ces plateformes totalisent plus de deux milliards d’utilisateurs de par le monde, davantage que les quatre premiers réseaux sociaux, Facebook, Twitter, Instagram et Linked In.

Buzzfeed est par exemple présent sur Line, Le Huffington Post sur Viber, le Washington Post sur Kik et la BBC sur Whats App. De son côté, Forbes a créé un «news bot» pour la messagerie Telegram, qui permet notamment aux mobinautes de recevoir, dans une ergonomie proche de celle des SMS, les grandes actualités qui les intéressent et même de poser à Forbes des questions simples, comme «qui est Elon Musk?», le fondateur des voitures Tesla. «Nous espérons que notre outil sur Telegram va nous aider à toucher une nouvelle audience», indique Bruce Upbin, l’un des rédacteurs en chef du magazine économique.

«Les messageries instantanées sont les derniers endroits sur internet où les internautes sont encore protégés des sollicitations extérieures, où ils peuvent encore faire leurs propres choix, que ce soit en termes de contacts, de types d’interaction et de timing. Il faut faire attention à ne pas jouer aux apprentis sorciers», prévient Nicolas Becquet, journaliste et responsable des supports numériques du quotidien belge L’Echo.

Rupture par SMS

Quartz a choisi une autre voie: plutôt que de s’inviter dans les messageries instantanées, le site américain a conçu sa propre application d’information conversationnelle sur Iphone. «Il s’agit d’une conversation en continu sur l’actualité, qui ressemble à un échange par SMS: nous vous envoyons des messages, des photos, des GIF et des liens, et vous pouvez nous répondre quand vous voulez en savoir plus sur un sujet», explique Quartz sur son site.

«Cette application marque une rupture: Quartz n’est plus dans une logique de vitrine de ce qui a déjà été publié ailleurs. Il s’agit d’un nouveau produit, qui reprend la façon dont les gens dialoguent sur mobile, et qui ne vise pas l’exhaustivité», souligne Alice Antheaume, directrice adjointe de l'École de journalisme de Sciences Po et auteur du blog Work in progress.

«L’application de Quartz n’est pas conversationnelle. Pour les médias, l’information conversationnelle reste encore de la science-fiction mais c’est parfaitement faisable d’un point de vue technologique, à condition d’investir en machine learning», insiste de son côté Frédéric Filloux.

Bientôt un «bot store» dans Facebook Messenger

À l’occasion de sa conférence annuelle F8, dédiée aux développeurs, Facebook devrait officialiser le 12 avril la création d’un «bot store», qui permettra aux marques et aux médias de développer leur propre application-robot pour Facebook Messenger. Comme Uber et Spotify, qui permettent déjà aux millions d’utilisateurs de la messagerie instantanée de réserver une voiture ou d’écouter de la musique sans avoir à quitter l’appli, marques et médias devraient y proposer leurs propres services et ainsi offrir une nouvelle façon d’interagir avec leurs clients ou lecteurs.

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