Identité visuelle
Le 2016 Rebrand Global Awards, prix international, récompense les plus belles transformations de marques, en termes d’identité visuelle. Stratégies a demandé à cinq designers de passer au crible les cinq gagnants.

Djantoli par Landor



Il est des chiffres qui font froid dans le dos. Comme celui-ci: un sur dix. Soit le nombre d’enfants qui meurent avant l’âge de cinq ans en Afrique, de complications d’une maladie bénigne. En cause: une détection trop tardive par les familles des infections respiratoires ou des maladies digestives. L’association Pesinet (acronyme de «pesée infantile sur le net »), créée au Mali depuis 2007, lutte pour un meilleur accès aux soins. Mais l’engagement faisait défaut. Landor a choisi le nom «Djantoli» (soit «veiller sur» en langage bambara) et a inventé un logo accompagné d’un compteur, qui décompte en temps réel les vies sauvées - que l’on peut actualiser sur les cartes de visites de l’association grâce à un tampon spécial. «Le digital permet de faire du logo un média», explique Luc Speisser de Landor, qui a par ailleurs remporté un prix Effie avec ce compteur de vies. Des chiffres, cette fois-ci, porteurs d’espoir.



Emmanuel Thouan, président de Dici design:

«Le choix de travailler sur les chiffres, qui sont des indicateurs mettant en avant le travail mené par l’association, et de les mettre à jour est une idée originale pour valoriser le vivant. Le jeu entre l’application sur le nombre de vies aidées chaque jour (digital) et le tampon (print) est également un lien entre le terrain et la modernité.»



Myrkdalen par Creuna



Les amateurs de glisse et les amoureux du Grand Nord connaissent peut-être cette station de ski, nichée dans une vallée norvégienne. Initialement dénommée «Voss Fjellandsby –Myrkdalen», son nom a été simplifié, notamment pour attirer un tourisme plus international. La nouvelle identité visuelle, très radicale, s’inspire des contours des paysages qui entourent la station: fjords et glaciers. Avec une signature imaginée pour appâter les fanatiques de sensations fortes: «In the middle of adventure». Brrr…



Clément Derock, cofondateur de Seenk:

«Le repositionnement est assez drastique, ambitieux et audacieux. Le résultat est en tout cas évocateur de la montagne, du sport extrême: on retrouve les codes des équipementiers, résolument dynamique, dans la performance sportive et festive. Un univers qui se distingue de la tonalité précédente, plus familiale. Le dessin en tant que tel est assez travaillé avec son code “rupturiste” reprenant la pente, la glisse. En focalisant sur le nom propre MYRK et en isolant le nom commun “dalen” (vallée) avec un jeu judicieux de ligature, il fait de son nom un dessin fortement attribuable. L’univers photo, des images de nature avec une belle lumière, ramène de la chaleur là où le logotype seul aurait été un peu trop futuriste.»

 



Helsinki Philarmonic Orchestra par Bond Agency



Comment injecter du rock'n’roll dans un orchestre philharmonique? Classieux, prestigieux, le Helsinki Philarmonic Orchestra l’est sans nul doute. Mais comme nombre de ses confrères de la grande musique, il manquait singulièrement de sex-appeal. Bond Agency n’a pas donné dans le gentillet, plutôt dans le «black is black». Tout en redonnant de la chair et du sang à la marque via la signature «United for Helsinki» qui met en avant ses musiciens. Une nouvelle identité qui a divisé en Finlande, tout en intriguant les plus jeunes. Les vraies personnalités n’engendrent jamais la tiédeur.



Johanne Casagrande, DGA directrice des stratégies chez Quatre:

«Les marques culturelles sont-elles vraiment des marques comme les autres? À la fois moteur de la vitalité des territoires (image, attractivité, économie), elles ont aussi un rôle de lien social. Situées dans un contexte concurrentiel fort, tant au plan local qu’international, elles se placent en réalité sur un marché bien plus global, celui du temps de loisirs. Or dans un contexte de pression du pouvoir d’achat, d’augmentation de la mobilité et de développement des nouvelles technologies, rester attractif est un vrai challenge. Il est désormais indispensable de valoriser la personnalité de l’établissement au-delà de sa programmation. Le branding du Helsinki Philharmonic Orchestra donne à voir les émotions, bénéfice final et point commun universel qui lie tous les publics au-delà des âges, nationalités, profils. Un branding qui donne du sens, guide, éclaire et crée une relation ; un territoire capable de se déployer dans toute la chaîne d’expérience et de valeur.»



Givaudan par Interbrand



Loin des yeux, loin du cœur? La rengaine est connue. Basée dans les montagnes suisses, Givaudan, société B to B, ne manque pourtant pas d'appâts: elle réalise des senteurs et des fragrances pour la parfumerie et l’industrie agroalimentaire. «Pour se distinguer de ses compétiteurs, il s’agissait pour Givaudan de créer de l’émotion, explique Vincent Baroin, CFO et CEO d’Interbrand. En somme, rendre l’invisible visible, avec la signature “Enjoy the essence”, dont le double sens renvoie à l’essence d’une personnalité et à celle d’un parfum.»

 

Olivier Dognon, directeur de création chez Team Créatif:

«Givaudan a réussi à capitaliser sur son icône, jusque-là inexistante, pour révéler sa marque à travers la force du signe, dont l'aspect “matière”, et dont la naturalité apporte de l’émotion et une meilleure compréhension des métiers de Givaudan. Le travail de l’icône gagne en modernité, en proximité et visibilité. Ainsi la marque se devine sans mots comme Nike, Apple… C’est la force du design!» 



The Domain par Principals

 

Touffus, baroques, foisonnants… Les jardins à l’anglaise renvoient à un imaginaire luxuriant, loin de l’épure des parcs de Le Nôtre. Pourtant, l’identité de The Domain, espace de The Royal Botanic Gardens & Domain Trust (Jardins botaniques royaux, situés à Sydney) était bien sage, d’un classicisme… «boring». De plus, cet espace de concerts et de fêtes ne se différenciait pas assez nettement des jardins botaniques. L’agence Principals a imaginé une explosion de couleurs des plus flashy. Une exubérance so british.

 

François Hannebicque, directeur de création d’AKDV:

«Avant: une marque sage et installée, très institutionnelle. L'arbre en est un symbole fort, la typographie à “sérif” accentue son classicisme. La diversité et la fantaisie étaient apportées par la couleur et les formes des feuillages. Après: une marque en mouvement, une marque digitale. La nouvelle marque a d’ailleurs pour base le “D” de Domain. La lettre en est le centre, l’empreinte, la réserve, le socle. Ainsi tout peut bouger autour d'elle: styles, couleurs acidulées, photos en mouvement, graphismes, “pattern”. La marque, écrite au centre du D, prend la couleur dominante de son environnement graphique. C’est une marque vivante, en mouvement, attribuable et résolument “digitale native”.»

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