Fidélité
Depuis dix ans, la promotion fait peau neuve. Omniprésente, elle se digitalise, se modernise et séduit de nouvelles cibles. Une croissance positive qui fragilise cependant la rentabilité des industriels.

La promotion a le vent en poupe. Dans le classement France Pub 2015, elle enregistre, dans un marché à la baisse, une progression de 2,4% des investissements des annonceurs. Quant à l’institut Nielsen, il note un nombre de références concernées multiplié par 3,5 en moins de dix ans. 

«Sa pratique s’étend à de nouveaux secteurs historiquement éloignés tels que les transports, l’immobilier ou les assurances», souligne Philippe Ingold, fondateur du cabinet de conseil et de formation Promoresearch, qui organise chaque année les Assises de la promotion.

Il faut dire qu’elle représente la parade la plus efficace pour développer les parts de marché alors que 75% des shoppers se disent influencés dans leur décision d’achat par les techniques promotionnelles. Elle sait tout faire : convaincre sur un lancement en favorisant l’essai ; faire circuler ses clients fidèles dans une gamme ; favoriser l’achat d’impulsion ; augmenter les volumes ; améliorer un référencement, voire déstocker. En période de crise, la promotion peut même maintenir le niveau ventes sans avoir à baisser les prix.

Le contexte de faible croissance s’avère un élément clé pour comprendre sa bonne santé : «Aujourd’hui, un shopper sur trois prépare sa liste de courses en amont. La recherche de promotions fait partie intégrante de ce rituel», explique Michaël Flautre, directeur des médias digitaux de la Sogec, société spécialisée dans la conception de solutions promo-relationnelles omnicanales. Et au final, selon l’Observatoire de la promotion, baromètre annuel réalisé par l’entreprise, ce sont 55% des consommateurs qui recherchent de manière systématique une promotion.

Les techniques ont peu évolué depuis le célèbre cadeau Bonux. Le bon de réduction, qui règne toujours en maître, selon les professionnels, présente l’avantage du bénéfice immédiat face à l’offre remboursable en différé, légèrement en recul. S’ils sont plus loin derrière : le cagnottage sur carte, le cumul des remises sous forme monétaire et les cadeaux collector séduisent toujours, l’un permettant d’animer une relation sur la durée, l’autre de créer l’expérience de marque. Quant aux jeux, ils servent davantage des logiques d’animation ou de recrutement.

«Bons plans»

Mais depuis peu, la promotion se modernise. Les mécaniques intègrent davantage de créativité pour initier du lien, en lieu et place de la seule carotte financière. L’hiver dernier, Carrefour a ainsi proposé de gagner un an de loyer, quand Nestlé soumettait le bénéfice d’une offre céréales «100% remboursée» à la réalisation d’un selfie.  

Les supports eux-mêmes se réinventent (voir encadré) alors que la promotion 2.0 favorise le recrutement de nouvelles cibles.

Des sites tels que Groupon ou vente-privee.com ont presque rendu le discount tendance. Le nouveau phénomène des applications «bons plans» crée chaque jour de nouveaux promophiles. Différents modèles sont ainsi proposés au mobinaute pour l’aider à développer son pouvoir d’achat. Shopmium, par exemple, propose des offres géolocalisées de proximité remboursables en différé, quand Bonnial digitalise les prospectus promotionnels de 225 000 magasins à destination de ses 3,5 millions d’utilisateurs.

Les familles avec enfants, seniors et CSP-, cibles promo-sensibles traditionnelles, partagent désormais leur penchant avec de nouveaux venus : des hommes, des cadres, des amateurs de marques premium ou encore de jeunes shoppers. «Cette dernière catégorie, friande de bons plans, répond exactement aux mêmes mécaniques. Ces adeptes des réseaux sociaux sont en revanche fondamentalement plus digitaux», commente Didier Chabassieu, président de l’agence spécialisée dans les stratégies promotionnelles High Co. 

Si la digitalisation rebat les cartes en matière de ciblage, le papier a encore de beaux jours devant lui. Avec un web-coupon qui pèse actuellement 2% dans les volumes du bon de réduction, les déclarations sensationnalistes de Jean-Edouard Leclerc promettant la suppression du prospectus font douter. Avec presque 2 milliards d’unités éditées chaque année, l’imprimé reste le principal détonateur du chiffre d’affaires en magasin. «69% des Français lisent au moins un prospectus par semaine, et peuvent en consommer jusqu’à six sur certaines zones», rappelle Alain Drillet, directeur général adjoint de Mediapost, filiale du groupe La Poste et leader de l’imprimé publicitaire. À l’heure où ce consommateur réclame davantage d’engagement, l’échantillonnage par asilage colis, boîte aux lettres ou street marketing prend également du galon. De plus en plus soutenu par de la data, il permet de concevoir des opérations très affinitaires. Dernier exemple en date, la marque Milka, qui a ciblé l’ensemble des détenteurs de machine à café à capsules pour leur proposer des dosettes de chocolat compatibles.

Géolocalisation

L’impact de la digitalisation, s’il est réel en termes de recrutement, doit donc être relativisé en termes de puissance. «La génération née avec un mobile dans la main n’a que 4 ans, ça nous laisse encore un peu de temps», ironise Didier Chabassieu. Mais si le président de High Co garde un certain recul, il recherche, comme tous les autres acteurs du marché, la technologie de demain qui saura le mieux relayer les messages promotionnels. Son dernier essai le plus convaincant ? L’utilisation du programmatique mobile couplé au geofencing, technique de géolocalisation par GPS, pour diffuser des offres contextualisées selon l’heure de la journée et la position du shopper. Du 23 septembre au 4 octobre 2015, 20 millions d’impressions ont été délivrées à des clients se trouvant à moins de 200 mètres de magasins Franprix. Un exemple probant qui montre ce que la data pourra apporter au secteur de la promotion dans les prochaines années.

Pour certains, elle pourrait même redéfinir totalement la manière de penser l’offre promotionnelle. William Faivre, président de Catalina, société qui propose depuis plus de vingt ans des solutions de personnalisation promotionnelle, croit en elle pour restaurer une création de valeur qui tend à disparaître. «La promotion indifférenciée peut être destructrice de chiffres d’affaires en s’adressant à des consommateurs déjà acquis ou qui ne reviendront plus. Nous allons enfin pouvoir mesurer la rentabilité d’un shopper pour la marque et ne lui adresser une promotion que si elle génère un bénéfice pour la marque. Le retour sur investissement redeviendrait alors la norme.» 

Car la rentabilité du système représente véritablement le talon d’Achille de la success story promotionnelle. Alors qu’en 2015 la promotion par prospectus a contribué à 78% de la croissance valeur en grandes surfaces, Denis Burguin, expert Revenue Management chez Nielsen, s’inquiète : «Avec 3 milliards d’euros restitués l’année dernière dans le portefeuille du consommateur, soit 8% de plus que l’année précédente, la générosité s’emballe et les industriels, contrairement aux idées reçues, font beaucoup pour le pouvoir d’achat des Français. Mais, quand on compare leur investissement au chiffre d’affaires incrémental des campagnes, le chiffre est négatif dans 59% des cas.» Le revers de la médaille révèle quelques dangers.

Auchan mise sur la PLV digitale en rayon

Depuis avril, des écrans positionnés dans l’allée centrale des supermarchés Auchan proposent des vidéos produit de dix secondes avec incitation à l’achat. Une première en France. «Des expériences digitales ont été menées sans succès par le passé, faute notamment d’un format adapté, d’emplacements pertinents et de contenus adéquats», explique Romain Dublanche, directeur général d’In-Store Media France, expert en communication sur les points de vente et partenaire de l’enseigne. Ces écrans pourront être intégrés dans un parcours plus global, comprenant des mises en place dans les parkings et à l’extérieur du magasin, dans les galeries marchandes. Pour affiner l’offre, deux tests ont été effectués pendant plusieurs mois, en 2015, dans deux hypermarchés. Résultat: une augmentation du chiffre d’affaires de 50 à 310% selon les campagnes. Des résultats probants qui ont incité l’enseigne à généraliser ce dispositif promotionnel inédit de PLV digitale en rayon. Commercialisé par Imediacenter, la régie publicitaire d’Auchan, il comptera d’ici à deux ans 3 500 écrans, implantés dans 121 hypermarchés, 70 galeries et 102 drives. «En fin d’année, nous compterons déjà 50 centres équipés selon un maillage national cohérent», précise Sandrine Clion, directrice opérationnelle de la régie.

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