Pour gagner la bataille de l’attention, les marques renouent avec une bonne vieille ficelle : l’expérience client. Et les consommateurs en redemandent ! Décryptage sur le retour du bon sens dans les échanges marchands.

Ce sont de petites attentions qui font toute la différence. Au marché, le primeur fait goûter ses fraises Gariguette tout juste arrivées. Des fauteuils et les journaux du jour sont accessibles à tous au centre commercial So Ouest de Levallois-Perret. À la Maif, Camille l’assistante virtuelle, vient en aide à l’internaute en cas de problème. Chez Decathlon, les randonneurs peuvent tester des chaussures de marche sur les sentiers alpins. Et dans le pop-up store de Magnum, ouvert dans le Marais, à Paris, les gourmands sont invités à personnaliser leur glace.

Voici, parmi tant d’autres, quelques exemples représentatifs de la diversité de ce que l’on nomme l’expérience client. Ce levier vieux comme le monde qui réchauffe les relations commerciales est, depuis deux ans environ, au centre de toutes les stratégies marketing. Pour moderniser le propos, les agences lui ont même trouvé un anglicisme : UX pour User Experience. «Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : celle de l’économie de l’expérience», explique Manuel Diaz, président de l’agence Emakina. «Une marque, c’est une somme d’expériences séquencées entre ce que les consommateurs attendent, projettent et partagent.» Pour étudier la cohérence entre ces trois séquences, l’agence a lancé un outil d’analyse baptisé Brand Expérience Store. «Les marques doivent plus que jamais mériter l’attention qu’elles demandent», poursuit Manuel Diaz, «principalement en créant du sens. Quand Apple, par exemple, refuse de livrer des informations contenues dans l’iPhone de l’un de ses clients au FBI, elle devient une personne politique capable de s’opposer à un Etat.» Quand le groupe SEB, leader mondial du petit électroménager avec 25 marques, s’engage à fournir pendant dix ans des pièces détachées pour réparer ses produits, et non en acheter de nouveaux, c’est un très bon signal envoyé aux individus las de l’indécence économique de l’obsolescence programmée. «En matière d’expérience réussie, les marques redécouvrent qu’elles ne sont pas uniquement des annonceurs. La communication ne se substituera jamais au produit», poursuit Manuel Diaz.

À ce jeu-là, les marques-enseignes s’en sortent bien mieux, car elles maîtrisent toute la chaîne de valeur, de la conception à la distribution. Apple, Nespresso, Yves Rocher, Decathlon ou Sephora arrivent régulièrement en tête de toutes les études sur les enseignes préférées des Français.

Créativité des marques

Sur le net aussi, l’optimisation de l’UX est une priorité absolue. «Proposer une expérience de qualité, qu’elle soit on ou offline, permet de capter le shopper plus longtemps», souligne Christian de Bergh, directeur général Retail Branding de Dragon Rouge, «il s’agit de sublimer le rapport entre un lieu et un temps donné pour mieux vendre».

Mais pourquoi précisément aujourd’hui cette folie UX ? «C’est un retour de bâton du digital», avance Julien Féré, directeur des stratégies de KR Média, qui vient avec Clear Chanel et le Celsa de mener une étude sur les centres commerciaux comme lieu de vie. «Le shopper est un être hédoniste et social. Il a besoin de ressentir des émotions avec ses pairs les humains ! Il aime aussi être surpris par la créativité des marques. Avec le digital, nous avions un peu oublié que l’acte d’achat ne répond pas à une mécanique froide et uniquement fonctionnelle.» Certains centres commerciaux l’ont bien compris en musclant leur offre de services : casiers pour recharger son smartphone, Personnal Shopper, espaces de repos confortable, dog-sitting, etc.

Réalité augmentée

«L’expérience client, c’est l’expression que j’ai la plus entendue cette année au salon Marketing point de vente. C’est un mot-clé magique que les marques s’approprient de nouveau», lance Monique Large, fondatrice de l’agence Pollen consulting et auteur du cahier de Tendances Innovation Retail : qu’en pensent les Shoppers ? Dans cette étude, elle s’est penchée sur les attentes du shopper et identifié ce qui fonctionne le mieux en termes d’usages, d’informations et d’expérience. En tête du ressenti «expérience» : les magasins connectés à condition qu’ils offrent, dixit les consommateurs interrogés, «autre chose que ce que je peux faire chez moi devant mon écran». Autres dispositifs plébiscités : les dispositifs de réalité augmentée qui permettent de s’immerger dans le produit avec les lunettes Oculus Rift ou les casques Google Card Board que l’on peut, par exemple, tester chez North Face, à Londres ; à cela s’ajoutent les Pop Up Store type My Dressing de La Redoute, installés dans un container mobile ; les ateliers de création dans les grands magasins comme le BHV ou Leroy Merlin. Et l’incontournable click & collect, le service phare du web to store. Les Galeries Lafayette viennent d’ailleurs de lui dédier un espace très cosy, en phase avec les valeurs chics de la marque. Quant à Darty, l’enseigne réserve désormais des places de parking à ses clients les plus pressés. D’autant qu’ils sont précieux : ils génèrent à eux seuls pas moins de 20% de son chiffre d’affaires.

Marketing stratégique

L’expérience client était aussi à l’honneur au salon one to one de Monaco, où les premiers «UX Awards» ont été décernés, en mars dernier, pour récompenser la qualité de l’expérience utilisateur, l’ergonomie, la facilité de navigation, le temps de chargement, la cohérence globale, l’univers de marque, le branding et l’originalité. Cyrillus, Birchbox, Tikamoon et Balsamik ont été distingués.

Qui pilote ce graal de nouveau à la mode au sein des organisations aujourd’hui ? Traditionnellement confiée aux responsables commerciaux, de la relation client, du service après-vente, l’UX va progressivement migrer vers le marketing stratégique. En effet, 86% des marketeurs au niveau mondial estiment qu’ils tiendront les rênes de l’intégralité de l’expérience client d’ici à 2020. Parmi les canaux digitaux les plus pertinents pour séduire, fidéliser et engager le shopper : les médias sociaux (63%), le world wide web (47%), les applications (47%) et l’internet mobile (46%) (source : Marketo 2016). Espérons que d’ici là, les marques feront preuve de cohérence entre les milliards d’interactions qu’elles créent.

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