Combien d’internautes se sont déjà retrouvés lésés face à un article sur internet réservé aux seuls abonnés, alors même qu’ils n’avaient aucunement l’intention de le devenir? C’est pour tenter de remédier à cette frustration, de plus en plus fréquente en raison de la généralisation des paywalls sur le web français, que de nouvelles start-up se sont créées ces derniers mois, comme Articly, Newsily, Qiota ou encore Poool. Leur modèle rappelle celui déployé dans l’industrie de la musique ou de l’audiovisuel par Itunes, Spotify ou encore Netflix: en facilitant l’achat à l’unité ou en proposant des abonnements illimités pour moins de 10 euros par mois, ces acteurs de la nouvelle économie ont démontré qu’il était possible de faire payer les utilisateurs pour du contenu de qualité.
«Entre l’abonnement à un titre, qui représente un marché de niche, et les internautes qui ne paieront jamais pour de l’information sur internet, nous pensons qu’une partie de la population est prête à dépenser quelques euros par mois pour s’informer, mais qu’elle est frustrée de ne pas avoir d’offre pour le faire», estime Pierre Tisserant, l’un des fondateurs d’Articly. Selon la dernière édition du Digital news report, publié par le Reuters Institute, seuls 11% des Français ont payé pour s’informer sur internet en 2015. Combien des 89% restants basculeraient dans l’achat si des solutions alternatives à l’abonnement pur et simple leur étaient proposées? L’avenir le dira.
C’est le pari fait par Articly. Lancée le 14 septembre, cette plateforme vend à l’unité les articles d’une quarantaine d’éditeurs partenaires, du Parisien-Aujourd’hui en France au groupe Prisma Media (Geo, Capital…) en passant par Marie Claire, L’Opinion et Le Télégramme. Les articles sont facturés de 20 centimes à 1,20 euro selon la taille ; l’éditeur est rémunéré à hauteur de 70%. Le modèle rappelle celui de la start-up néerlandaise Blendle, champion de la vente d’articles de presse à l’unité avec un million d’utilisateurs revendiqués dans le monde, et dont le lancement en France a été mis en suspens.
Multi-titre
«L’industrie de la musique a finalement réussi à faire payer les utilisateurs dès lors qu’une offre adaptée a été mise en place. Dans le secteur de la presse, une partie des jeunes actifs, qui s’informent beaucoup sur Facebook, ne se retrouvent pas dans les offres d’abonnement qui leur sont actuellement proposées», regrette Viviane Bach, cofondatrice de Newsily.
D’où l’idée de faire une sorte de Spotify de la presse: pour 9,90 euros par mois, l’utilisateur peut lire sur la plateforme autant d’articles qu’il veut, des contenus payants sur le site d’origine et qu’il consulte à la carte, dans une consommation multi-titres. Actuellement disponible en version bêta privée, avec pour partenaires les sites Street Press, Le Zéphyr et Les Nouvelles News, Newsily table sur un lancement en novembre avec une dizaine d’éditeurs.
«Contrairement à la musique et au cinéma, la presse n’a pas encore fait sa transformation numérique. Le marché se résume aux versions numériques des journaux et à des sites d’information en ligne dont le modèle essentiellement publicitaire est souvent bancal. C’est dans ce contexte que ces nouveaux acteurs arrivent, en proposant de simplifier l’expérience utilisateur», observe David Legrand, directeur de la rédaction du site high-tech Next Inpact. Autre spécificité de ces start-up: promouvoir du contenu premium là où le lecteur est, à commencer par Facebook. «Les 18-35 ans sont des gens qui rentrent beaucoup plus par le contenu que par la marque ; en utilisant les outils de ciblage de Facebook, nous voulons aider les éditeurs à générer des revenus avec leurs contenus premium sur une cible qu’ils ne touchaient pas jusque-là», insiste Pierre Tisserant.
Dans le cas d’Articly comme de Newsily, l’utilisateur n’est pas sur le site du média mais sur celui de la start-up, de quoi décourager les éditeurs les plus prudents, qui préfèrent garder l’audience chez eux. C’est partant de ce constat que Qiota a conçu son modèle: elle achète à l’éditeur des abonnements numériques en gros en échange de quoi elle peut vendre à l’unité un certain nombre d’articles directement sur le site du média via l’intégration de sa solution de micropaiement. «Nous voulons faire un système à la Pay Pal qui soit bien plus intéressant pour les éditeurs et qui évite à l’utilisateur de créer un nouveau compte sur chaque site» , résume Alessandro Massi, l’un des fondateurs. Un accord serait sur le point d’être signé avec un premier groupe de presse, pour un déploiement à l’automne.
Plus si affinités
«Nous pensons qu’en fluidifiant et en personnalisant l’expérience, il est possible de mieux engager l’internaute et donc de mieux le monétiser», estime pour sa part Maxime Moné, cofondateur de Poool, une start-up accélérée par le journal Sud Ouest. Ici, pas de modèle à la Itunes ou à la Spotify, Poool aide l’éditeur à vendre des abonnements numériques en personnalisant le message adressé à l’internaute. En fonction de son niveau d’affinité avec le site, on lui propose avant de lire un article, de regarder une vidéo publicitaire, de s’inscrire à la newsletter et in fine de s’abonner.
Pour les éditeurs, l’heure n’est pas venue de trancher entre toutes ces solutions. «En raison de la largeur de nos cibles et de nos contenus, nous devons tester différents types de monétisation. À terme, plusieurs systèmes ont vocation à exister mais la difficulté de la plupart de ces plateformes sera de créer une audience et une notoriété assez forte pour faire venir un nombre d’abonnés suffisant», met en garde Julie Costes, directrice déléguée du Parisien-Aujourd’hui en France.
11% des Français seulement ont payé pour s’informer sur internet en 2015.