Relation client
Obtenir une réponse ou un conseil tout de suite... Ce rêve commence à devenir réalité avec les chatbots. Sont-ils pour autant à la hauteur des attentes? Un premier bilan a été dressé par l’Institut de la qualité de l’expression.

La bleue ou la rouge? «Quelle cravate pour le meeting avec tous les DRH du groupe?» Réplique classique d’un échange entre époux ou question pressante adressée à un chatbot? Le second scénario va devenir d’autant plus probable que les Gafa ont ouvert les vannes en grand. En mars dernier, Mark Zuckerberg en personne annonçait l’arrivée des chatbots sur Messenger. Dans la foulée, Facebook et Microsoft lançaient des environnements de développement ad hoc. En agence ou chez les annonceurs, les équipes digitales des annonceurs peuvent désormais créer des chatbots.

De cette déferlante ont rapidement émergé les premières bonnes pratiques. En France, le mouvement semble encore balbutiant puisque 5% seulement des marques ont créé un chatbot sur Facebook Messenger. Assez cependant pour établir un premier bilan sur la qualité des échanges. C’est l’objet d’une étude menée par l’Institut de la qualité de l’expression. À partir de huit critères (voir méthodologie), les dialogues produits par une centaine de chatbots ont été passés au crible, une analyse plus approfondie ayant été menée sur ceux d’Axa, Bla Bla Car, Domino's Pizza, H&M, EDF, Orange, Sephora et Voyages-sncf.com.

Réalistes

Premier constat: la multiplication des chatbots marque un changement d’époque. «Le temps où les marques avaient des valeurs est terminé, explique Jeanne Bordeau, fondatrice de l’Institut de la qualité de l’expression. Maintenant, elles ont des traits de personnalité pour engager la conversation avec leurs publics.» Les premiers pas restent prudents malgré tout et les chatbots se présentent toujours pour ce qu’ils sont. Une option réaliste en phase avec la période, remarque Jeanne Bordeau: «Les marques ont compris que c’est une approche nouvelle. Leurs chatbots adoptent tous une approche didactique, en expliquant d’emblée comment ils fonctionnent.»

Second constat: le modèle de fonctionnement reste simple avec des questions-réponses fermées ou à choix multiples. Une première étape qui va être vite franchie, estime Jeanne Bordeau: «Avec l’injection prochaine et massive de data, il sera possible de déterminer les questions les plus fréquentes et d’élargir les possibilités d’argumentation.» Pour autant, les chatbots ne sont pas totalement démunis. Ils peuvent générer une impression positive en adoptant un style et un ton propre. Les moyens ne manquent pas: modes d’interpellation, choix des mots et des tournures, formules de civilité et de clôture sont autant de leviers déjà disponibles. Mais d’autres pistes de progrès doivent être approfondies, soutient Jeanne Bordeau:«Un bot doit renforcer ses capacités de réponse, démultiplier les scénarios de conversations, apprendre à prendre en compte les aléas, privilégier les mots aux boutons et limiter la simple impression de choix multiples.»

Fidèles

Troisième constat: l’efficacité est bien là. Une dizaine d’échanges en moyenne suffit pour aboutir. À condition de ne pas sortir des sentiers battus… «Les chatbots savent très bien répondre à des questions simples mais ils montrent leurs limites dès que les échanges font appel à un nombre croissant d’arguments comme, par exemple, la multitude d’options possibles dans le cas d’un aller-retour», regrette Jeanne Bordeau. L’inquiétude n’est pourtant pas de mise. Les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle auront bientôt gommé nombre de ces défauts de jeunesse, selon l’étude.

Quatrième constat: malgré ces limites, le langage qu’utilisent les chatbots reflète déjà fidèlement l’identité des marques. Pédagogique et formelle chez EDF ou efficace et concentrée sur le service rendu chez Axa ou Bla Bla Car. L’étude note cependant certains effets contre-productifs: formalisme, phrases longues, salutations absentes, voire réponse parfois totalement déconnectée du propos… Autant de faux-pas qui peuvent créer un décalage manifeste avec l’image de la marque, comme dans le cas de Bla Bla Car: «Leur chatbot est efficace mais pas en cohérence en termes de ton avec son écosystème digital. Il paraît assez froid et systématique. En rupture avec la langue chaleureuse et gaie que Bla Bla Car déploie sur ses autres canaux de communication.» 

Subtils

Dernier constat: les chatbots font déjà vivre une réelle expérience client. L’étude de l’Institut de la qualité de l’expression le confirme et place H&M, Orange et Sephora dans le peloton de tête. Si l’opérateur de téléphonie gagnerait à affiner son ciblage, pour l’instant très simple («ado/adulte» ou «sport/musique»), le chatbot de Sephora s’aventure déjà sans accroc dans des questions plus subtiles («Pouvez-vous m’en dire plus sur son style?»…). Les échanges vont d’ailleurs s’enrichir très rapidement avec l’arrivée de nouvelles fonctionnalités (menu persistant, évaluations) mais aussi une palette toujours plus étendue d’outils. «Les bots utilisent les nombreuses ressources du monde digital dans les échanges, comme les émojis ou les liens, constate Jeanne Bordeau. C’est le début de la création d’un nouveau langage.»

Au final, toutes les marques ne relèvent pas le défi à armes égales. L’efficacité des chatbots doit en effet beaucoup à la nature des relations déjà établies avec les clients. «Les bots montrent leur utilité maximale dans le cadre de services quotidiens et répétitifs où les clients ont l’habitude d’être assistés, indique Jeanne Bordeau. La vente et le conseil sont donc les fonctions où ils sont le plus efficaces. C’est déjà moins probant sur les services personnalisés ou le haut de gamme.»

Méthodologie

Menée du 20 janvier au 20 février, l’étude de l’Institut de la qualité de l’expression a traité une centaine de chatbots (20% en anglais/80% en français) à travers une grille de huit critères d’analyse conçue par des linguistes, des experts de la marque et de la relation client: objectifs poursuivis, premières impressions (nom et personnalité du bot, incarnation de la marque, posture), service rendu, modélisation de l’échange et capacité à gérer les imprévus ou les aléas, mots-clés, qualité de la relation créée, ciblage et ton général de la marque.

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