Vinyles, ghetto-blasters, cassettes... Tous ces objets qui ont construit l'univers musicales des années 80 font un retour en force dans la mode, la publicité et le marketing.

Les épaulettes sont de retour dans les dressings! Et elles ne sont pas les seules objets cultes des années quatre-vingt à resurgir du passé: le ghetto blaster, cet énorme poste radio-cassette trimballé à l'époque par les rappeurs et les danseurs de hip hop dans les rues de New York, fait lui aussi son grand come-back. Une imagerie d'abord reprise par le styliste Paul Smith et son Ghetto Blaster Bag en 2008, et qui se retrouve aujourd'hui dans la consommation de masse. On ne compte plus le nombre de sacs et tee-shirts qui reprennent le design «old-school» du poste audio.

Cette tendance «vintage» a commencé avec le vinyle, qu'on avait donné pour mort dans les années quatre-vingt avec l'arrivée du CD. Remis au goût du jour par les DJ hip-hop puis électro dans les années quatre-vingt-dix, il fait son grand retour dans les linéaires: il représenterait aujourd'hui 10% de la vente de musique au niveau mondial. «En 2009, nous avons vendu 115 000 vinyles», note Guy Messina, directeur commercial et marketing chez Virgin. Un chiffre encore inimaginable il y a cinq ans. Des chanteurs aussi différents que Ben Harper, Björk, Benjamin Biolay ou un groupe comme Radiohead sortent leurs albums en vinyle, en plus du CD et du MP3.

Mais on est encore loin évidemment des 89 millions d'exemplaires vendus chaque année aux États-Unis à la fin des années soixante-dix. Cette vogue touche une nouvelle génération, des jeunes de 20 ans qui préfèrent dépenser plus et s'offrir un vinyle plutôt qu'un CD. Les majors ne s'y sont pas trompées et repensent le disque comme un objet collector, avec des coffrets, des séries limitées, etc. En ces temps de dématérialisation de la musique, ce retour s'explique aussi, ironie du sort, par l'attachement à l'objet physique, à la qualité audio et au graphisme de la pochette, souvent réalisée par des artistes.

Nostalgie

Un univers exploité dans le design (le plat Music Bowl de Bomdesign, vendu chez Colette l'été dernier), dans le marketing et la publicité. Petit Bateau a choisi une pochette 33 tours pour présenter sa campagne avec la chanteuse Izïa. De son côté, le fabricant de meubles haut de gamme Roche Bobois a mis en scène, pour la campagne presse de sa collection Les Contemporains, une platine et des disques éparpillés un peu partout. Déjà, en 2008, le principe visuel de la campagne de communication de Radio Nova (Young & Rubicam) consistait à jouer avec les vinyles. Et la campagne «Vinyl never dies» pour la Fnac Espagne (2008, agence Kitchen Madrid) reprenait la mode du «sleeveface» (il s'agit de se photographier en remplaçant une partie de son corps par une pochette de disque).

Ce n'est donc pas un hasard si l'exposition «Vinyl», actuellement présentée à la Maison rouge à Paris, connaît un vif succès alors même que le choix du commissaire, Guy Schraenen, est extrêmement pointu (musique contemporaine et expérimentale, poésie sonore, etc.). Quelque 700 disques y sont présentés sur les 1300 que possède Guy Schraenen. Mais selon lui, cette mode «sera de courte durée»: «Fabriquer des vinyles aujourd'hui, c'est anachronique. C'est une technique hors du temps. Je comprends que les artistes soient encore attirés par le format mais, selon moi, ils doivent utiliser des outils d'aujourd'hui.»

Mais c'est bien l'utilisation des techniques actuelles, pour réconcilier la veine nostalgique et les aspirations technologiques de la génération Ipod, qui est à l'œuvre aujourd'hui. Faire du neuf avec du vieux, réinventer la platine pour lui permettre de s'adapter aux évolutions, comme la platine vinyle USB (Sony), raccordée à un ordinateur pour numériser les titres. Ou le ghetto blaster nouvelle génération, sans lecteur cassette mais avec dock IPod (société Lasonic). Ou encore l'USB Cassette MP3 Player, un lecteur MP3 qui reprend le design d'une cassette audio. La société Contexture Design, à Vancouver, recycle même les vieilles cassettes pour en faire des boîtiers d'Ipod! La cassette utilisée dans le dernier clip de Mika We are golden ou par l'artiste américain Dan Black est aussi entrée dans le monde de la mode: montres, porte-monnaie, etc. Chanel l'a transformée en sac et Michael Stipe, le chanteur du groupe REM, en bijou pour la maison Martin Margiela en décembre dernier.

Retour vers le futur

Le 15 avril, le lancement de The Cassette, une nouvelle marque de baskets française au design vintage, a fait du bruit. À l'origine: trois créatifs de 25 ans, dont Baptiste Clinet qui, avec Nicolas Lautier et Joseph Dubruque (des anciens de FFL), a créé l'agence 1789. La première collection, qui compte 3 modèles et 8 couleurs, sera en vente dans 70 magasins en France et compte toucher une clientèle à 60% masculine, comme la plupart des baskets en toile. «Pour trouver un concept qui marche, nous avons mené plusieurs études de tendances, explique Baptiste Clinet. Elles ont constaté un retour de la cassette. La mode s'inspire de la musique et vice versa… c'est un cycle perpétuel. Pour nous, ce qu'il y a de plus cool dans notre passé récent, c'est l'univers des années quatre-vingt. Nous voulions un logo iconique, qui puisse se décliner facilement sur tous les supports et être utilisé en marketing de rue. La cassette s'est imposée avec le symbole “Play” du walkman, que l'on retrouve sur les baskets.»

Ancien de chez FFL et Ogilvy Paris, Baptiste Clinet a misé sur le buzz d'Internet et les réseaux sociaux pour faire parler de The Cassette. Et 1789 a réalisé un clip sur mesure qui a déjà fait le tour du Net. Aucune campagne de RP, mais près de 300 sites référencent déjà la marque… «L'univers de la cassette, ça donne plein d'idées. On va encore développer des choses autour de l'univers ghetto-blaster, platines vinyle, etc. » Bienvenue dans ce retour vers le futur très tendance.


(Encadré)

La Boîte Concept invente le meuble multimédia


Guillaume Cagniard, ancien directeur artistique chez BDDP & Fils (groupe TBWA), en avait assez des fils poussiéreux de son ordinateur et de sa chaîne hi-fi qui traînaient partout. Fin 2007, il invente un meuble qui lui permet de tout rassembler. Son frère Thibault, alors concepteur Web, et leur ami Matthieu Lelong développent le projet. En mai 2008, la Première de La Boîte Concept est lancée: un meuble monobloc multimédia élégant qui «joue sur le décalage du design des bandes d'arcade des années soixante-dix et les nouvelles technologies», résume Matthieu. Un Mac mini, un écran HD de 22 pouces, un caisson de basses et des enceintes accoustiques spécialement créés pour le meuble (développées par Yvon Maurel, un électroaccousticien), un dock Ipod/Iphone et un amplificateur intégré. La convergence du son haute fidélité et de l'ordinateur, c'est le but de cette équipe à peine trentenaire. De fabrication 100% française, la Première coûte 9 600 euros toute équipée. 

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