Pour se construire une image dans la musique, les annonceurs sont à l’affût d'idées neuves. Leur but : renouveler l’expérience des consommateurs en leur offrant un contenu original.

Comment consommerons-nous la musique dans cinq ou dix ans? Voilà une question que se posent tous les acteurs du marché du disque. Seule certitude: nous n'allons pas arrêter d'écouter de la musique. Au-delà, c'est le néant. Cette industrie est en train de vivre une telle révolution que toute projection est hasardeuse. Pour certains, la mort clinique du CD devrait être définitivement prononcée dans les vingt-quatre à trente-six mois.

Mais, plus que le support, c'est la valeur de la musique qui est désormais l'interrogation centrale. À écouter la génération des natifs du numérique, la valeur commerciale de cet art semble morte. Pour eux, pas de doute, la musique doit être gratuite, et pirater n'est pas voler. Seule bonne nouvelle, la valeur émotionnelle de la musique reste intacte chez ces 15-25 ans, qui restent avant tout des fans de tel genre musical ou de tel artiste.

C'est donc cette relation étroite qu'il faut stimuler, entretenir, développer. Et c'est à ce niveau que les maisons de disques et les marques pensent avoir un rôle à jouer. Ainsi, le label AZ (Universal Music France) lance ces jours-ci un grand casting musical sur Facebook qui se terminera à L'Olympia.

Pour maintenir cette relation, il faut sans cesse se renouveler. Pour cela, labels et annonceurs ont besoin d'inspiration. Conséquence, un vivier d'idées «musicales» se développe, bien au-delà du site de musique Deezer ou du label communautaire My Major Company.

De nouveaux acteurs (souvent des start-up) proposent de réinventer l'expérience musicale de l'utilisateur. Des exemples innovants, soutenus parfois par des technologies de pointe, qui démontrent que l'on peut consommer la musique autrement.

«La renaissance de la musique ne viendra pas de son industrie elle-même mais plutôt d'acteurs issus du jeu (par exemple Guitar Hero) ou des nouvelles technologies», estime Gilles Babinet, fondateur et ancien dirigeant de Musiwave, société spécialisée dans les services de musique pour mobile, et qui a depuis investi dans plusieurs jeunes entreprises (Eyeka, MXP4, Awdio).

En attendant cette renaissance, des start-up profitent du créneau laissé vacant par les majors. Différentes du design sonore ou de la publicité, leurs idées ne supplantent pas celles des agences. Elles viennent plutôt enrichir leurs propositions créatives. Sélection de nouvelles pistes musicales pour les marques.

 

Le «player» de la musique

Bienvenue dans le monde de la musique interactive. Donner la possibilité de jouer avec le cultissime I want you back de Michael Jackson sur le site officiel de la Motown, c'est le concept imaginé par la société MXP4. Grâce à un «player», cette technologie innovante permet d'isoler la voix du chanteur, d'enlever la batterie ou encore de remixer à sa façon le morceau en écoute.

Un jeu musical qui occupe l'internaute en moyenne 9 minutes. Cette écoute captive intéresse évidemment labels et annonceurs. «La crise de la musique est avant tout celle du format CD, devenu obsolète, estime Albin Serviant, PDG de MXP4. Le jeu vidéo et le cinéma ont su renouveler l'expérience avec l'utilisateur, notamment grâce à la Wii et la 3D, mais la musique pas encore.»

Adoptée par les quatre majors du disque, la technologie MXP4 renouvelle le rapport à la musique sur Internet. Air France Music l'a ainsi utilisé dans un récent concours pour faire découvrir aux participants, piste après piste, un titre inédit du groupe Phoenix. Coca-Cola, lui, en est déjà à sa deuxième opération. La marque exploite le player dans sa dernière campagne de communication «My Coke» avec un titre de la chanteuse Janelle Monáe.

Les déclinaisons de la technologie MXP4 sont multiples. «On peut très bien imaginer l'habillage sonore d'un site Internet de marque qui serait mixé à la volée, c'est-à-dire en fonction du parcours de l'internaute sur le site», ajoute Albin Serviant. David Guetta, artiste-marque par excellence, a déjà adopté cette idée pour son application Iphone.

 

L'e-label

Believe Digital est le premier label numérique européen. Depuis sa création en 2004 par Denis Ladegaillerie et Arnaud Chiaramonti, le chemin n'a pas été aisé. Mais, aujourd'hui, cet e-label fait partie des start-up musicales qui se développent avec succès.

«Consommer un artiste, ce n'est pas forcément l'acheter», ose dire Romain Vivien, son directeur général. Pour lui, les artistes sont des marques que l'on peut aujourd'hui développer à travers de nombreux nouveaux services numériques (ventes, streaming, sites, communautés) afin de recréer cette relation avec leurs fans. Résultat, Believe élabore des stratégies de marketing et de promotion adaptées au marché de la musique en ligne (stratégie de lancement, buzz et achat d'espace en ligne), en collaboration avec les labels.

Patricia Kaas a ainsi obtenu début 2010 un Disque d'or (50 000 ventes) pour son album Kabaret,en pariant notamment sur un site comme vente-privee.com. Plus récemment, Alain Chamfort a lui aussi bénéficié de cette stratégie de distribution en dehors des circuits classiques. Son album Une Vie Saint Laurent sera bientôt Disque d'or, avec notamment 30 000 albums vendus sur vente-privee.com et 10 000 livres-disques chez Albin Michel.

Son expertise, Believe Digital la propose également aux marques désireuses d'investir de manière différente dans la musique. Autrement dit, bien au-delà de la simple «synchro». En juillet, par exemple, le trio pop Chew Lips, signé chez Believe, participera au lancement d'un magasin d'exposition pour Fiat.

 

Le «datamining» de la musique

Noomiz.com n'est pas seulement un nouveau site communautaire consacré à la musique. Né d'une association entre un ingénieur informatique de Cap-Gemini et un responsable marketing commercial d'Universal Music, Noomiz propose un outil aux maisons de disques pour mieux dénicher les nouveaux talents. «Notre technologie N'Rank opère comme un filtre qualitatif pour minimiser les risques pris par les directeurs artistiques lorsqu'ils misent sur des artistes en devenir», explique Antoine El Iman, cofondateur de Noomiz.

Langue d'expression de l'artiste, nature des contrats en cours, façon dont les internautes consomment sa musique… Ces premières indications influencent les labels, qui ne possèdent par ce genre d'outils en interne. Pour l'instant, ces indications concernent le millier de groupes inscrits sur la plate-forme, mais des artistes déjà signés les rejoindront bientôt.

Du coup, Noomiz compte aussi proposer son savoir-faire aux marques. Pour cela, la société prépare le lancement, d'ici à un mois, d'un outil de mesure d'audience. Son principe: «J'ai identifié un titre musical et je veux savoir qui l'écoute.» Sur une période donnée, il permet d'identifier le profil type de l'«auditeur-fan» du titre (par exemple les femmes de 25 à 35 ans qui habitent Marseille), ainsi que le niveau de notoriété et d'adhésion au titre. Cette analyse tient notamment compte du streaming et de l'e-reputation.

«Notre offre s'adresse autant aux marques pour les guider dans leurs choix d'artistes qu'aux agences pour appuyer leurs recommandations vis-à-vis de leurs clients», résume Antoine El Iman.

 

Les «tendanceurs»

Dans leurs agendas surchargés, les jeunes dirigeants et leaders d'opinion ont peu de temps pour aller découvrir des artistes sur scène. «Pour la grande majorité d'entre eux, ces quadras sont pourtant des passionnés de musique qui ont grandi avec les radios libres et des émissions musicales cultes comme Les Enfants du rock ou le Top 50», explique Éric Newton, directeur général marketing et digital de l'agence H. Dès lors, pourquoi ne pas amener les artistes dans les salons de ces CSP++? C'est le concept du Home Sessions Club qu'ont mis en place Éric Newton et Aymeric Pichevin, correspondant en France du magazine américain Billboard.

Chaque mois, ces sessions privées invitent deux nouveaux artistes à se produire dans des conditions «intimes», à savoir dans des appartements ou des hôtels parisiens. Les groupes Cocoon, Jil is Lucky, The Rodeo ou Revolver ont déjà testé la formule. Face à eux, un public sélectionné, membre d'un club VIP qui fonctionne sur la cooptation. Une cotisation annuelle de 150 euros et une entrée à 80 euros par soirée sont les sésames pour intégrer ce réseau d'influence musical. En effet, le but du Home Sessions Club est de favoriser le contact entre les marques et les artistes grâce à une écoute privilégiée.

De cette rencontre naîtra peut-être une future synchro ou un «showcase» de marque. Prochaine date le 6 mai, avec Bobby Bazini et Gush, dans un hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine.

 

Le My Space des mots

Cela n'existait pas encore: une plate-forme communautaire destinée aux auteurs de textes, paroliers, poètes, conteurs, humoristes ou encore slameurs. Pour exposer leur travail, les musiciens ont déjà à leur disposition le site My Space, les photographes la plate-forme Flickr, les scénaristes les sites You Tube et Dailymotion. Avec Welovewords.com, les auteurs ont à présent eux aussi leur réseau social.

Le but de son créateur Grégory Nicolaidis: «Créer un lieu d'échange et une place de marché autour de l'écriture 2.0.» Chaque auteur inscrit peut y créer sa page personnelle, archiver ses textes ou répondre à des appels d'offres. Via une option payante, il peut de plus protéger ses œuvres contre d'éventuels piratages.

Tout l'intérêt de Welovewords est de donner une visibilité à ces auteurs de textes courts. Ainsi, un interprète, un compositeur, une maison de disques ou une marque désireuse de créer un événement ou un concours autour de l'écriture pourra venir sur la plate-forme découvrir de nouveaux talents.

Pour Grégory Nicolaidis, il ne fait aucun doute que «l'industrie musicale a plus que jamais besoin d'expériences communautaires». Cet ancien chef de projet chez Universal Music y avait mené en 2008 une opération assez proche avec la chanteuse Élisa Tovati. «Par l'intermédiaire d'un concours lancé sur un minisite, nous avons reçu plus de 5 000 contributions pour écrire un prochain titre», raconte-t-il. Une aubaine pour tous ceux que la plume démange…

 

Le My Major Company du live

L'idée de Goodprod est simple: faire produire des concerts «sur mesure» par le public. Concrètement, Goodprod, le public ou l'artiste proposent un concert original. Goodprod met en prévente les places de concert. Quand 100% de la somme nécessaire à la production est atteinte, la société organise le «live» dans les trois mois. De cette façon, c'est le public qui produit le concert.

«À la différence d'un My Major Company, il n'y a rien à gagner en retour pour le public. Sa récompense, c'est le moment artistique unique auquel il va pouvoir assister», explique Nano, fondatrice de Goodprod. Directrice artistique dans le milieu du spectacle, elle s'est peu à peu rendu compte d'un manque: «Les artistes pour qui je travaillais me disaient régulièrement qu'ils avaient du mal à trouver des dates pour se produire en direct», se souvient-elle. En effet, les tourneurs ne prennent que les artistes signés par une maison de disques. D'où l'idée de proposer des rencontres inédites, mêlant artistes en développement et artistes signés. «Quand on voit l'engouement du public pour les concerts malgré la crise du disque, c'est évident qu'il y a de la place pour ce type de projets», ajoute Nano.

La prochaine et troisième date de Goodprod rassemblera Arthur H et David Walters, le 13 juin, à la Maroquinerie, à Paris. À terme, Goodprod entrevoit la possibilité d'associer des marques à ses concerts. Coût du sponsoring pour un concert comme celui de David Walters et Arthur H: moins de 9 000 euros. Des agences comme DDB Entertainment ont déjà fait part de leur intérêt.

 

Le Chatroulette de la musique

Awdio propose aux internautes un tour du monde de la musique «club» en direct et en streaming. Sans bouger de son salon, le site permet en effet d'écouter la programmation musicale de clubs, hôtels, salles de concert ou magasins tendance. L'intérêt: faire écouter à l'auditeur la bande-son du lieu exactement comme s'il était sur place, à la différence des webradios qui diffusent des playlists enregistrées.

Via une inscription gratuite, on accède ainsi aux playlists concoctées en live par les DJ de clubs parisiens comme le Chacha, à des concerts depuis la salle du Réservoir ou à la bande-son de la boutique Colette. L'offre est la même de New York à Shanghai en passant par Sāo Paulo. Du plus bel effet pour sonoriser vos soirées entre amis, d'autant que la sélection peut se faire par localisation, par style de musique, par artiste ou encore par date.

Comment est-ce possible? Par une Awdiobox placée dans plus de 150 lieux connectés au site et qui fait office de «mouchard». Cette idée vient de Vittorio Strigari et du designer Ora-ïto, les deux créateurs du site en 2007. Aujourd'hui, le service proposé par Awdio attire les marques ayant des accointances avec la musique. D'ici à quelques jours, Schweppes sortira ainsi une application Iphone offrant un accès au site Awdio. Une association intéressante imaginée par l'agence No Site.

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