Gilles Berhault, président de l'Acidd et du Comité 21, est également délégué développement durable à la direction scientifique de l'Institut Télécom. Il revient sur l'actualité d'un sujet qui a souffert d'un effet de mode.

Pourquoi avoir choisi le temps pour thème de la 8e université de la communication pour le développement durable?

Gilles Berhault. Le développement durable s'inscrit, par essence, dans le temps. Et quand on parle de réchauffement, on parle aussi de temps. C'est un sujet complexe, profond, transversal et… dans l'air du temps. Nous vivons au cœur d'un monde incertain, dans une culture de l'accélération et de l'immédiateté. Or, il faut du temps pour changer les comportements. Le développement durable, ça ne s'improvise pas. C'est un mode de réflexion au long cours. C'est pour cela qu'ont été créés le Comité 21 ou Acidd [Association communication et information pour le développement durable].

 

Vous parlez d'air du temps. Beaucoup pensent aujourd'hui, comme Nicolas Sarkozy, que «l'environnement, ça commence à bien faire». N'assiste-t-on pas à un réel essoufflement sur ces sujets?

G.B. Le développement durable a souffert d'un effet de mode, jusqu'à saturation. Les films alarmistes type Home et Le Syndrome du Titanic y ont contribué. C'est vrai qu'après l'emballement médiatique, l'échec de Copenhague, les reculées du Grenelle II, nous sommes dans le creux de la vague. Mais cette phase a permis une forte et large sensibilisation des chefs d'État, des consommateurs, des entrepreneurs. L'heure est maintenant à l'action, à la mise en place d'un travail de fourmi, fastidieux, pas super sexy, qui passe par des choses très concrètes, comme des économies de papier ou des écogestes.

 

Le développement durable ne souffre-t-il pas de cet aspect laborieux et contraignant? Où est le plaisir?

G.B. Il est essentiel! Le développement durable offre un immense champ de créativité. Il a aussi besoin d'humour. C'est un mélange entre réinventer le monde et se sentir responsable de ses actions. Pour le secteur de la communication, c'est une occasion extraordinaire de renouer avec la créativité et l'innovation, de retrouver un rôle social important.

 

Après l'environnement, un autre grand pilier du développement durable, le social, gagne en importance. Avec plus de 15% de stagiaires dans leurs effectifs, les agences ont, de nouveau, du pain sur la planche!

G.B.Il va falloir, là-encore, se mettre autour de la table et trouver des solutions à propos de l'emploi des stagiaires, la formation, la diversité et les conditions de travail. La norme ISO 26 000 concernant la responsabilité sociétale des entreprises va, je l'espère, les aider à progresser sur ces points. Les agences ont besoin, elles aussi, de recruter les meilleurs. Or, elles sont aujourd'hui moins à la mode chez les jeunes qui sont, en revanche, de plus en plus sensibles aux démarches sociales et éthiques de leur employeur.

 

Les marques ont beaucoup utilisé le développement durable pour mieux se vendre. Pensez-vous que ce soit judicieux?

G.B.Le développement durable n'est pas un argument de vente. Quand j'achète une lessive, ce n'est pas parce qu'elle est verte, mais parce qu'elle est efficace. Je ne crois pas non plus aux agences de communication estampillées développement durable. Un annonceur recherche avant tout une agence créative qui comprend sa problématique. Par contre, bien comprendre les enjeux et être responsable dans toutes ses actions est une question de survie pour toutes les agences.

 

Comment voyez-vous l'avenir du développement durable?

G.B. Je travaille beaucoup sur le développement durable “2.0”. Internet donne un accès extraordinaire à la culture et au partage de l'information. Plus les gens sont cultivés, plus ils sont à même de faire des choix, plus ils s'intéressent aux autres. Globalement, le développement durable passe par un progrès culturel de la société favorisé par le Web et l'innovation en général.

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