Alors que s'ouvre le Sandwich & Snack Show à Paris, le secteur de la restauration rapide ne s'est jamais aussi bien porté. Mais, loin de la malbouffe, la tendance est à la qualité et à la diversité.

Certes, elle est discrète et personne ne l'avait vu venir, mais il s'agit bien d'une révolution. Habitués à passer en moyenne 1 h 38 à table en 1980, les Français ne consacrent plus à leur repas que 31 minutes aujourd'hui! Les interminables festins qui faisaient notre réputation ont-ils été sacrifiés sur l'autel de notre nouveau style de vie? De fait, la croissance du snacking et de la restauration rapide est vertigineuse, représentant 38 % de la consommation hors domicile. Son chiffre d'affaires a bondi de 58,4 % depuis 2004, atteignant les 31,2 milliards d'euros en 2010. Dernier acteur attiré par ce boom: la chaîne britannique Prêt à manger, qui prépare son entrée dans l'Hexagone. « Pendant trente ans, la France n'a connu que le sandwich et le hamburger, tandis que le monde entier innovait », constate Bernard Boutboul, directeur de Gira Conseil, expert du marché de la consommation alimentaire hors domicile (Cahd).

En dehors d'une petite variante façon Brioche dorée ou Pomme de pain, il était difficile, jusque-là, d'échapper aux fast-foods américains. Depuis, non seulement la France a rattrapé son retard, mais elle innove à son tour, en créant des concepts d'un nouveau genre (pâtes, soupes, etc.). Tea by Thé par exemple, dernier-né de Patrick Derderian et de sa femme Françoise, propose quarante sortes de thés, mais aussi des cocktails chauds et glacés, des sandwichs, des salades, etc.

Les grandes surfaces ne sont pas en reste. Monoprix a discrètement ouvert le bal en 2004 avec Dailymonop, qui n'a vraiment décollé que depuis quatre ans. Après Carrefour Express créé en 2007, avec ses « produits frais, ses solutions pratiques et rapides », Carrefour a inauguré Carrefour City Café à Bordeaux en décembre dernier, lieu chic et branché offrant sept cents références de sandwichs, snacking, prêts à consommer ou à réchauffer, boissons fraîches et viennoiseries, proposant même le service sur des tables équipées de Wifi. Un deuxième magasin est prévu pour ce trimestre.

Même McDonald's s'adapte et crée en 2004 les McCafé, copies des cafés Starbucks, avec un effort de qualité et de service. « La France est le seul pays où l'enseigne, avec l'accord du siège américain, peut travailler de façon indépendante et s'adapter aux spécificités locales », fait remarquer Corinne Ménégaux, directrice de la division hôtellerie et restauration de Reed Expositions et des salons Vending et Sandwich & Snack Show (ce dernier se déroulant les 2 et 3 mars à la porte de Versailles de Paris).

«Du fait de leur implantation, les boulangeries, pâtisseries, charcuteries, traiteurs, épiceries ou poissonneries ont aussi une carte incroyable à jouer!», ajoute Corinne Ménégaux. Une poissonnerie, par exemple, peut installer un comptoir à dégustation de crevettes et huîtres pour un déjeuner sur le pouce. La distribution automatique (lire l'encadré) peut d'ailleurs représenter un vrai levier pour ce marché. En alimentant lui-même les machines, le commerçant continue, après la fermeture de la boutique, à alimenter le client en croissants, baguettes, salades ou plats chauds, qui plus est sans lui imposer de faire la queue…

Mais cette mode du snacking n'est-elle pas incompatible avec le fait de manger sain, équilibré et à heure fixe? « Ce n'est pas contradictoire du tout, réagit Corinne Ménégaux. Les Français ont commencé par le modèle anglo-saxon, et en sont très vite revenus. L'un des mouvements de fond sur lesquels il faut capitaliser, c'est la qualité. La force du marché français est d'être attaché à ses traditions culinaires. Dans notre pays, les gens préfèrent encore s'asseoir, même pas longtemps, d'où les coins table et tabourets dans les boulangeries. Il s'agit juste d'un type de consommation adapté aux nouveaux modes de vie, un complément de la restauration classique.»

Finalement, les Français veulent manger vite, bon et pas trop cher : 71 % des repas que nous prenons hors domicile sont à moins de 10 euros, boisson comprise. Emballages et présentation sont de vrais arguments de vente, comme l'a montré, dès ses débuts en 2001, la chaîne Cojean, pionnière du fast-food de qualité. «Et ce n'est pas parce que les gens sont pressés qu'il faut leur donner n'importe quoi», note Bernard Boutboul, de Gira Conseil. Vinaigrette aux fruits, box aux produits du terroir, wok-in-box, barres salées et barres de fruits, pétales et chiffonnade de fromage, pain arc-en-ciel, chips de légumes racines et de soja sont autant de nouveautés présentées cette année au salon Sandwich & Snack Show. Même les produits proposés en distribution automatique répondent à cette exigence de qualité.

Les chefs étoilés ont d'ailleurs été parmi les premiers à investir ce marché. Alain Ducasse avec Be (contraction de «boulanger» et d'«épicerie»), la famille alsacienne Westermann avec Secrets de table, Marc Veyrat avec le Cozna Vera, Guy Martin avec Miyou, Paul Bocuse avec Ouest Express et Thierry Marx, auteur du livre de cuisine Easy Marx, qui a ouvert une école de street food ou cuisine nomade. « Le grand virage est là : on s'installe dans l'économique, mais il y a un vrai désir de haut de gamme », conclut Bernard Boutboul. Avec un budget moyen de 6,80 euros à Paris et de 4,60 euros à Limoges, par exemple, les Français devraient pouvoir bien se nourrir.

 

 

 


Distribution automatique : parapluie et rouge à lèvres

Cosmétiques, fleurs, ballons de foot, jeans… L'offre de la distribution automatique n'a pas de limites. La marque japonaise Onitsuka Tiger a installé à Londres des distributeurs de chaussures de course, déclinées en six tailles. La société britannique Umbrolly, lancée en 2005, propose aujourd'hui dans le monde entier ses parapluies au coin des rues ou dans les halls de magasins. En 2006, Motorola se lance à son tour avec des téléphones portables et accessoires ; en 2008 Macy's et Best Buy proposaient des «smartomatiques». En mars 2010, Sephora et The Body Shop ont posé leurs boîtes outre-Atlantique, offrant à la vente rouge à lèvres et parfums. En Suède, des minisupermarchés de la taille d'une caravane permettent de se servir et de payer par carte bleue en sortant. Ces concepts existent partout sauf… en France. Pour deux raisons: le vandalisme, d'abord. « Dès que la machine est belle, elle est détruite », explique Bernard Boutboul. On s'en tient donc pour l'instant aux sempiternelles boîtes rouges des quais de métro qui distribuent boissons et simple grignotage. Deuxième obstacle: le marché de la distribution automatique est verrouillé par des gestionnaires trop gourmands qui bloquent la mise en place de projets originaux.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.