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Dans les signatures publicitaires, une tendance à l’assimilation de la marque à ses clients se dessine depuis quelques années. Une démarche qui se traduit par l’emploi du pronom «vous» à travers l’équation «marque = vous».

À l'approche de la Coupe du monde de rugby, qui se déroulera sur ses terres en septembre 2011, l'Office du tourisme de Nouvelle-Zélande vient d'ajouter le pronom «vous» à son slogan «100% Pure», qui devient ainsi «100% Pure You». Cette initiative n'est pas isolée. À l'image de la dernière signature de SFR, «Carrément vous», les formules de ce style fleurissent dans tous les domaines, du tourisme au téléphone en passant par Internet, l'alimentaire ou la mode (voir tableau), au point de former un genre que l'on pourrait appeler la «You-publicité».

La nouveauté n'est évidemment pas dans l'emploi du pronom personnel «vous», mais dans l'utilisation qui en est faite, une assimilation de la marque à son consommateur. «Il faut distinguer le “vous” comme élément de la construction d'une promesse de marque du “vous” sans autre prise de parole», explique Jean-Luc Gronner, dirigeant de l'agence de communication Fondamenti et créateur de Souslelogo, une base de données en ligne de signatures et de slogans. Une signature comme celle d'EDF voici quelques années, «Nous vous devons plus que la lumière», élabore un message construit et évocateur qui contraste avec des slogans bâtis sur un schéma «marque = vous». Ces derniers mettent en scène une équation de réduction de la marque à son client.

L'emploi de la tournure «c'est vous» l'illustre de façon frappante. Depuis l'an dernier, «Yahoo, c'est vous» a ainsi été employée dans la foulée d'«Ebay, c'est vous» et de «RTL, c'est vous» apparues en 2007. «Cela traduit une certaine confusion et un mélange des genres entre la stratégie commerciale, qui reconnaît la primauté du client, et une signature, qui évoque une identité, observe Jean-Luc Gronner. Si on se limite à deux ou trois mots avec le pronom “vous”, on obtient une sorte de “fayotage” qui laisse sur sa faim. On peut parler d'un  populisme de marque dans lequel on flatte les gens sans essayer de construire une relation plus intelligente.»

En creux, ce discours réduit à sa plus simple expression pourrait refléter un des mouvements à l'œuvre dans le monde de la communication. «Les commerciaux prennent le pas sur le planning stratégique, autrement dit, le chiffre d'affaires à court terme l'emporte sur la pérennité de la marque», analyse Jean-Luc Gronner. Derrière cette attitude se cache aussi une part de renoncement, voire de démission, à exprimer tout le potentiel et la richesse d'une marque. «Dans la notion du “nous = vous” se trouve cette idée un peu lisse de fédérer, mais ce n'est pas forcément précis ni courageux, explique Vincent Leclabart, président de l'agence de publicité Australie, qui a créé la signature d'EDF citée plus haut. Depuis les années 2000, on a assisté à la montée assez lente de cette espèce de bien-pensance de marque.»

Une tendance qui laisse certes entrevoir une prise en compte des consommateurs, mais aussi, peut-être, un aveu de faiblesse de la part de marques qui n'osent plus prendre la parole sur leur identité, leur promesse ou leur vision du monde. «Elles ont peur de perdre leurs clients, si bien qu'elles se croient obligées de lui témoigner leur intérêt, considère Vincent Leclabart. Dans le passé, on n'a pas connu pareil cycle où les marques sentaient à ce point les choses leur échapper.»

Un rapport de force inversé

De fait, les marques ne sont plus aussi fortes qu'elles l'ont été. Le rapport de forces entre consommateurs-internautes et marques s'est inversé au détriment de ces dernières. La communication descendante et prescriptrice est révolue dans une époque où l'expertise des clients s'est accrue. Des billets de blogs, des messages sur des forums ou des conversations sur les réseaux sociaux ont déjà fait vaciller des marques. «Lorsqu'elles se sont aperçues de ce nouveau phénomène, elles ont pris peur inconsciemment», analyse Jean-Luc Gronner.

Ce phénomène s'explique aussi pour deux raisons. «Les marques se servent de ces signatures comme d'un moyen de reconquête: elles prennent acte que le consommateur est le patron et lui signifient qu'elles feront tout pour le satisfaire», constate Vincent Leclabart. Dans cette perspective, l'efficacité des signatures de la «You-publicité» est indéniable dans les tests auprès des consommateurs. «Au cours d'un post-test, une marque qui exprime que sa préoccupation principale, c'est moi, ne créera pas de rejet», glisse Jean-Luc Gronner.

Autre explication de cet engouement: la montée des réseaux sociaux et d'un désir de conversation. «Les gens sont reconnaissants lorsque les marques leur donnent les moyens de s'exprimer, assure Jean-Luc Gronner. Si une signature en “vous” s'accompagne d'une stratégie conversationnelle, elle aura des chances de succès.» Enfin, une signature demeure un objet sensible. Des modifications légères, mais pertinentes, suffisent pour que la forme prenne un peu de fond. «Un ou deux mots changent tout, note Jean-Luc Gronner. Par exemple, la signature du voyagiste en ligne Opodo, “C'est vous qui voyagez”, revêt une aspérité intéressante et spécifique à sa propre activité.»

À côté de la «You-publicité» commence à émerger une célébration de la dimension collective. À l'avenir, le règne du «vous» pourrait être supplanté par celui du «nous». La dernière campagne de l'agence Fred & Farid pour la Société générale, signée «L'esprit d'équipe», se fonde sur cette idée. C'est peut-être le retour d'un cycle, car cette signature a déjà été utilisée au milieu des années 1980, notamment par le constructeur informatique Bull.

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