Plusieurs études montrent que les possesseurs de smartphones en Europe ont des rapports difficiles avec les marques qui peinent à créer des interfaces mobiles performantes.

Le smartphone est en passe de devenir le premier canal d'interaction avec les marques.
Or, celles-ci semblent plutôt mal préparées à gérer ce nouveau mode de communication, selon l'étude «Smart marketing: mobilising your brand» menée par l'agence de RP Weber Shandwick (voir encadré). Parmi les personnes interrogées, 45% déclarent préférer traiter avec des entreprises avec lesquelles il est facile de communiquer via un portable intelligent.

Un souhait bien difficile à concrétiser, tant les marques ont du mal à adapter leurs outils de communication à l'Internet mobile. À commencer par l'interface «mobile friendly» de leur site Web, rarement à la hauteur des attentes des mobinautes, qui sont 68% à penser que le chargement des sites mobiles des entreprises est trop long et 65% que la navigation depuis un smartphone est difficile. Une expérience négative qui devrait faire réfléchir les marques.

En effet, une majorité de ces possesseurs de smartphones affirme que l'inadaptation à cet objet fétiche (près de la moitié d'entre eux déclare «se sentir nu» sans son smartphone) engendre un sentiment négatif à l'égard de ces sociétés. «Beaucoup de marques ont sous-évalué l'évolution du digital, estime Arnaud Pochebonne, directeur général de Weber Shandwick France. Le téléphone mobile est un support affinitaire, surtout depuis l'émergence des réseaux sociaux. Les entreprises doivent comprendre ces nouveaux usages et investir sur des plates-formes mobiles adaptées, avec des applications efficaces.»

Les mobinautes européens sont d'abord des joueurs (61%) et aiment télécharger des applications (51%). Ils apprécient aussi de visiter les sites de marques depuis leur smartphone (41%) et de chercher des informations sur une société (38%), voire d'acheter directement depuis leur mobile un produit ou un service (21%). Et à l'heure de Twitter et de Facebook, ils sont près d'un tiers à envoyer à leur réseau d'amis des commentaires sur une entreprise ou ses produits.

Les marques qui font l'effort technologique et financier d'accueillir les utilisateurs de smartphones dans de bonnes conditions sont récompensées par 71% d'opinion positive, les cancres par 59% de sentiment négatif. Mieux vaut, par exemple, éviter d'envoyer des messages publicitaires par SMS. Ça irrite 31% des Européens et 41% des Français, les plus réfractaires à cet e-marketing en mode «push».

La publicité sur mobile reste un petit marché, représentant un chiffre d'affaires de 27 millions d'euros en France en 2010, selon l'Observatoire de l'e-pub du Syndicat des régies Internet-Capgemini. Mais il est promis à un avenir radieux, selon la Mobile Marketing Association, qui prévoit des recettes mondiales de 17 milliards de dollars (environ 10 milliards d'euros) en 2011. Même s'il convient d'être prudent sur la manière dont on fait de la publicité sur un terminal mobile. «Les possesseurs de smartphone sont dans une logique affective et supportent encore moins que les internautes les contenus intrusifs», avertit Arnaud Pochebonne.

Un public toujours plus demandeur

Ces annonceurs qui peinent à épouser le rythme effréné des innovations technologiques ont cependant quelques excuses. Les plates-formes multiples (Apple, Android, Windows Mobile et Blackberry) obligent les marques à développer une application pour chacune, sans oublier les versions pour les tablettes, et bientôt pour la télévision connectée. Autant de coûts supplémentaires par rapport à un site de marque classique qui expliquent en partie ce retard à l'allumage des entreprises européennes pointé par deux autres études récentes.

Une enquête commandée par Google et la Mobile Marketing Association (voir encadré) montre que 12% des sociétés françaises ont développé un site mobile (43% au Japon, 32% aux États-Unis), 18% disposent d'une application mobile et seulement 9% des décideurs médias se disent familiers avec la publicité sur mobile. Enfin, près de 60% des entreprises interrogées ne savent pas comment intégrer le mobile à leur modèle économique.

Il y a pourtant urgence car les utilisateurs de smartphones se servent de leur terminal pour leurs achats en ligne: 42% des mobinautes déclarent utiliser leur smartphone pendant au moins une étape de leurs achats (avant, pendant et/ou après) et 18% achètent des produits depuis leur mobile, confirmant les chiffres de l'étude Weber Shandwick.

L'enquête commanditée par Demandware (voir encadré), fournisseur de solutions de commerce électronique à la demande, enfonce le clou. Les résultats montrent que 54% des consommateurs aimeraient pouvoir cliquer via des catalogues ou des magazines sur des codes-barres ou des smart tags renvoyant vers des sites Web. Mais seule une faible proportion des marques étudiées (12%) leur offre cette possibilité. Pire: alors que 62% des consommateurs déclarent avoir l'intention d'acheter en ligne via des sites ou des applications mobiles, moins d'un tiers (32%) des enseignes de distribution proposent cette option.

La géolocalisation n'est pas mieux lotie, avec 52% des mobinautes prêts à utiliser leur mobile pour vérifier la disponibilité en magasin, pour seulement 29% des enseignes capables de fournir ce service. Pour Jamus Driscoll, vice-président marketing de Demandware, «les consommateurs d'aujourd'hui demandent une interaction unifiée avec les marques via tous les points de contact. Les enseignes ne répondant pas concrètement aux attentes grandissantes des consommateurs éprouveront des difficultés à rester compétitives et à prospérer sur le marché en pleine évolution de l'e-commerce.»

Colin Byrne, PDG de Weber Shandwick monde, fait le même constat: «Les smartphones deviennent le premier et unique portail d'interaction avec les marques. Malgré cela, le niveau d'intérêt et de budget attribué au mobile par les directions marketing est en contradiction avec son rôle éminent de catalyseur.» Une salve d'avertissements que les entreprises «mobile unfriendly» feraient bien de prendre en compte, sous peine de se voir littéralement déconnectées de leur cible.

 

 

Méthodologie

L'étude de Weber Shandwick a été menée en ligne par KRC Research, du 31 mars au 14 avril auprès de 2 000 possesseurs de smartphones âgés de 18 ans et plus dans cinq pays: Allemagne, France, Espagne, Italie et Royaume-Uni. L'enquête Demandware a été réalisée en ligne par Forrester en février auprès de 454 consommateurs et 192 enseignes multicanal dans quatre pays (Allemagne, États-Unis, France et Royaume-Uni). Google a commandé une étude mondiale à Ipsos et TNS Infratest sur les usages mobiles des consommateurs et leurs implications pour les entreprises et les marques. Ipsos a recueilli les témoignages de milliers d'utilisateurs de smartphones de 30 pays (dont 2 000 pour la France). TNS a interrogé plus de 1 000 annonceurs (directeurs et décideurs marketing) dans cinq pays (Allemagne, États-Unis, France, avec 200 répondants, Japon et Royaume-Uni).

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