Activité de l'entreprise et développement durable sont au cœur des rapports annuels version 2010, montre le dernier baromètre sur le sujet de l'agence Sequoia. Un retour aux fondamentaux illustré par un regain de l'édition papier. En attendant l'arrivée massive des tablettes.

«En Asie, tous les participants des comités de direction utilisent des tablettes pour consulter les documents financiers et autres», explique une experte filmée par Sequoia (Makheia Group) pour la présentation de son 7e baromètre des rapports annuels. Las, en France, on est encore très loin de cet usage des outils digitaux. Ce serait même plutôt marche arrière toute et retour vers le papier!

 

En effet, le volume moyen de la documentation produite au titre du rapport annuel était de 466 pages par entreprise en 2010, soit +2,7%, print et PDF inclus. Le plus mince des rapports étudiés est celui de ST Microelectronics avec 244 pages. Le plus volumineux est l'œuvre de France Télécom: 876 pages.

 

La majorité des entreprises du CAC 40 (62,5 %) édite trois documents: documents de référence (1), document corporate et rapport de développement durable. Le document corporate est édité par 90% des sociétés et compte en moyenne 81 pages. Un quart des documents corporate se positionne comme «rapport d'activité et de développement durable».

 

Le recours au digital reste donc minoritaire avec seulement 20% des entreprises qui réalisent un rapport d'activité en ligne (avec une URL spécifique), un pourcentage stable par rapport à 2009. Un chiffre faible en ces temps où le digital est omniprésent et ou le «zéro papier» semble le nec plus ultra de la communication. Il est vrai que la moyenne d'âge de l'actionnaire individuel, première cible de ces rapports, est assez élevée, et son appétence pour l'outil Internet peu développée.

 

Parmi les thèmes vedettes du document corporate, on trouve dans le trio de tête le message du président (présent dans 100% des rapports), le développement durable (97%) et l'activité (97%, en hausse de 8 points). «C'est un retour aux fondamentaux», estime Édouard Rencker, PDG de Sequoia et de Makheia. À noter que la partie ressources humaines est traitée majoritairement dans la rubrique développement durable.

 

Interviews et pédagogie

 

Parmi les rubriques qui se renforcent, celle qui traite du profil et de l'activité de l'entreprise est privilégiée. Le marché des Bric y fait une entrée en force, comme chez Danone, Lafarge, Michelin ou encore Essilor. La marque est considérée comme un capital majeur chez Accor (carnet de marques de 21 pages), PPR et PSA (cahiers de 24 pages).

 

La partie développement durable est, elle, arrivée à maturité. Deux rubriques font leur apparition: l'offre des entreprises envisagées sous cet angle (dans 33% des rapports) et les relations avec les fournisseurs (13%).

 

En revanche, la partie sociétale du développement durable régresse (de 34 à 26% des rapports), et elle est de plus en plus intégrée à la rubrique mécénat. Nouveauté du cru 2010: les responsables développement durable prennent la parole dans les documents corporate, chez Renault, Technip ou Vivendi par exemple.

 

Autre tendance lourde: le boom des interviews et de la pédagogie. «La recherche d'authenticité, de "parler-vrai" est forte», estime Édouard Rencker. Exemple avec le rapport annuel de Capgemini, dans lequel le PDG et DG répondent sur 11 pages à 31 questions de leurs salariés. D'autres comme Pernod Ricard, GDF ou Schneider Electric préfèrent faire intervenir des experts extérieurs.

 

Dans ce type de documents austères, l'aspect créatif reste toutefois souvent le parent pauvre. Mais, avec l'entrée remarquée du consommateur dans les pages des rapports annuels, les mises en pages inspirées de la presse magazine se multiplient.

 

L'Oréal imite Vogue, PSA les magazines autos, Accor Wallpaper et les magazines déco. Des pages de brèves (LVMH), des ruptures iconographiques (Crédit agricole) ou encore des portfolios (Suez) transforment certains documents corporate en véritables consumer magazines. «L'emploi accru de symboles et d'illustrations illustre une volonté de se distinguer», estime Hubert Blavier, directeur de création chez Sequoia.

 

Les rapports annuels digitaux, quant à eux, ne concernent qu'une entreprise du CAC 40 sur cinq. Et seulement 12,5% ont une application Ipad de leur rapport: Carrefour, EDF, Pernod Ricard, PSA Peugeot Citroën, Vivendi, PSA la réservant à l'interne. Selon Édouard Rencker, «il existe une vraie fracture: certains résistent et d'autres ont une vraie réflexion digitale».

 

Parmi les huit rapports digitalisés, la moitié se contente de reproduire le document papier à l'identique. L'autre opte pour une structure et un contenu différents, comme Axa ou Total. Vidéos ou Web documentaire, comme chez Danone, apportent un plus à ces rapports digitaux. À noter que six rapports digitaux sur huit offrent un lien communautaire (Facebook, Twitter). L'arrivée massive des tablettes dans les entreprises n'est pas prévue avant plusieurs années par Sequoia. Les rapports annuels papier ont donc encore de beaux jours devant eux.

 

Encadré

 

Méthodologie

 

Le baromètre 2011 des rapports annuels est une étude quantitative sur l'intégralité des rapports annuels des entreprises du CAC 40 réalisée par l'agence Sequoia (Makheia Group), qui a utilisé une grille d'analyse de plus de soixante-dix critères élaborée lors du premier baromètre en 2005. Le baromètre propose également une synthèse des tendances des stratégies documentaire, éditoriale et créative.

 

Encadré


Un discours de moins en moins crédible

 

La société d'études Occurrence a réalisé en 2010 pour Makheia Group le premier Observatoire de l'authenticité (cf. Stratégies n°1603) qui analysait le discours des grandes sociétés françaises. On y apprenait que plus d'un Français actif sur deux ne croyait pas à la sincérité de cette parole corporate.

 

La seconde édition, qui sortira fin octobre, devrait confirmer cette tendance avec des chiffres encore plus négatifs: «Les résultats se dégradent avec 51% des Français actifs interrogés qui considèrent que le discours des entreprise est "plutôt faux", et 55% chez les plus de 20 ans», explique Assaël Adary, coprésident d'Occurrence.

 

Pour Édouard Rencker, PDG de Sequoia, les communicants sont en grande partie responsable de cette défiance. «Il y a un vrai problème de professionnalisation et d'encadrement de nos professions. Vous ne pouvez pas ouvrir une agence de voyages ou un cabinet d'experts-comptables sans un label ou un certificat. Mais n'importe qui peut se dire agence de communication! Une situation ubuesque qui a engendré beaucoup d'abus. Les entreprises ont revu leur modèle économique, mais pas les agences qui utilisent les mêmes méthodologies depuis les années 70. Sans parler du nombrilisme de créatifs "autofascinés" par leur propre esbroufe», analyse sans ambages le PDG de Sequoia, qui réclame d'urgence un label de qualité pour les agences de communication.

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